International
La France dans l’impasse au Sahel
Ce fut un sommet de crise, ce « G5 Sahel » organisé par Emmanuel Macron au château de Pau le 13 janvier. Le président de la République y avait invité, pour ne pas dire convoqué, les dirigeants des cinq pays partenaires de la force Barkhane : Mali, Mauritanie, Niger, Tchad, Burkina Faso. Le lieu choisi pour ce sommet était douloureusement symbolique : c’est à Pau qu’est basé le 5e régiment d'hélicoptères de combat (RHC) auquel appartenaient sept des treize soldats français morts dans la collision de leurs appareils aux confins du Mali, le 26 novembre. Après cette catastrophe, qui portait à 41 le nombre de militaires français morts au Sahel depuis la première intervention en 2013, les alliés maliens et nigériens ont subi ce que l’on croyait être leur pire revers depuis le regain des attaques djihadistes en 2015 : un raid contre la base d’Inatès, au Niger, revendiqué le 12 décembre par l’État islamique, a fait 71 morts parmi les soldats. Cette défaite avait fait reporter le sommet du 16 décembre au 13 janvier. Mais quelques jours avant la tenue de ce sommet, les armées sahéliennes ont essuyé une défaite encore plus sanglante, avec 89 soldats tués au cours d’un nouveau raid islamiste contre leur camp, le 9 janvier à Chinagodrar, au Niger, dans la zone dite des « trois frontières » du Mali, du Niger et du Burkina Faso.
Cette crise militaire est doublée d’une crise politique : les manifestations se multiplient contre les Français, de moins en moins perçus comme des libérateurs mais comme des occupants « néocoloniaux » soutenant des gouvernements corrompus. En outre, le rôle ambigu de certains dirigeants africains qui ont désigné les Français comme boucs émissaires de leurs échecs, ou pire, ont négocié en sous-main avec les islamistes (notamment les autorités maliennes), a fortement déplu à Paris. Les chefs d’États africains ont donc été invités à faire une déclaration commune à l’issue de la rencontre pour réaffirmer que les Français ne s’étaient pas imposés mais avaient répondu à leur invitation de défendre leur pays. « Ce que j'attends, c'est un discours de vérité. Si cette clarté politique n'est pas établie, la France, dans certains pays, en tirera toutes les conséquences », avait menacé le président Macron. Dans une déclaration commune, les dirigeants africains Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso), Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani (Mauritanie), Mahamadou Issoufou (Niger) Idriss Déby (Tchad) ont donc « exprimé le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel », et réaffirmé avec Emmanuel Macron « leur détermination commune à lutter ensemble contre les groupes terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne et dans la région du lac Tchad ».
Concrètement, la coalition militaire aura un « commandement conjoint » et l’action militaire se concentrera sur la zone dite des « trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso , théâtre des attaques de ces derniers mois. Emmanuel Macron a annoncé l’envoi de 220 soldats en renfort des 4 500 militaires français de Barkhane et des 13 000 casques bleus de la Minusma au Mali. Un surcroît de sacrifice pour la France, mais peu de monde et de moyens pour contrôler un territoire vaste comme l’Europe… avec des alliés qui n’ont guère fait preuve de leur efficacité : les armées malienne, burkinabée et nigérienne ont largement « décroché » face aux djihadistes. La situation est d’autant plus critique que Donald Trump laisse planer le doute sur la poursuite de son engagement militaire au Sahel (outre les moyens de renseignement, quelque 7 000 soldats des forces spéciales américaines mènent par rotation des opérations conjointes avec les armées nationales contre les djihadistes, notamment en Somalie). Quant aux Européens, ils continuent d’applaudir l’engagement des Français, mais le leur reste des plus modestes au regard de l’enjeu sécuritaire collectif.
Pour mesurer l’effet des mesures annoncées à Pau, un nouveau sommet associant les États du Sahel et la France se tiendra en juin 2020 à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. « À ce moment-là, toutes les options seront ouvertes » a prévenu Emmanuel Macron. Cependant, on ne voit guère d’issue se profiler entre le danger d’un enlisement de nos soldats au Sahel qui seraient désignés comme des « mécréants » combattant des musulmans, et celui que représenterait l’abandon aux islamistes de ces territoires si proches de l’Europe. Peut-être l’imminence du péril, aggravé par le conflit libyen, hâtera-t-elle la mise en place d’une coalition européenne que Paris tente de monter depuis des mois pour soutenir les armées de la région. Sinon, qui d’autres, pour contrer les islamistes ? En les voyant actifs en Libye, certains Sahéliens ne cachent pas qu’ils espèrent une intervention des Russes…
Cette crise militaire est doublée d’une crise politique : les manifestations se multiplient contre les Français, de moins en moins perçus comme des libérateurs mais comme des occupants « néocoloniaux » soutenant des gouvernements corrompus. En outre, le rôle ambigu de certains dirigeants africains qui ont désigné les Français comme boucs émissaires de leurs échecs, ou pire, ont négocié en sous-main avec les islamistes (notamment les autorités maliennes), a fortement déplu à Paris. Les chefs d’États africains ont donc été invités à faire une déclaration commune à l’issue de la rencontre pour réaffirmer que les Français ne s’étaient pas imposés mais avaient répondu à leur invitation de défendre leur pays. « Ce que j'attends, c'est un discours de vérité. Si cette clarté politique n'est pas établie, la France, dans certains pays, en tirera toutes les conséquences », avait menacé le président Macron. Dans une déclaration commune, les dirigeants africains Roch Marc Christian Kaboré (Burkina Faso), Ibrahim Boubacar Keïta (Mali), Mohamed Ould Cheikh El-Ghazouani (Mauritanie), Mahamadou Issoufou (Niger) Idriss Déby (Tchad) ont donc « exprimé le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel », et réaffirmé avec Emmanuel Macron « leur détermination commune à lutter ensemble contre les groupes terroristes qui opèrent dans la bande sahélo-saharienne et dans la région du lac Tchad ».
Concrètement, la coalition militaire aura un « commandement conjoint » et l’action militaire se concentrera sur la zone dite des « trois frontières », entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso , théâtre des attaques de ces derniers mois. Emmanuel Macron a annoncé l’envoi de 220 soldats en renfort des 4 500 militaires français de Barkhane et des 13 000 casques bleus de la Minusma au Mali. Un surcroît de sacrifice pour la France, mais peu de monde et de moyens pour contrôler un territoire vaste comme l’Europe… avec des alliés qui n’ont guère fait preuve de leur efficacité : les armées malienne, burkinabée et nigérienne ont largement « décroché » face aux djihadistes. La situation est d’autant plus critique que Donald Trump laisse planer le doute sur la poursuite de son engagement militaire au Sahel (outre les moyens de renseignement, quelque 7 000 soldats des forces spéciales américaines mènent par rotation des opérations conjointes avec les armées nationales contre les djihadistes, notamment en Somalie). Quant aux Européens, ils continuent d’applaudir l’engagement des Français, mais le leur reste des plus modestes au regard de l’enjeu sécuritaire collectif.
Pour mesurer l’effet des mesures annoncées à Pau, un nouveau sommet associant les États du Sahel et la France se tiendra en juin 2020 à Nouakchott, capitale de la Mauritanie. « À ce moment-là, toutes les options seront ouvertes » a prévenu Emmanuel Macron. Cependant, on ne voit guère d’issue se profiler entre le danger d’un enlisement de nos soldats au Sahel qui seraient désignés comme des « mécréants » combattant des musulmans, et celui que représenterait l’abandon aux islamistes de ces territoires si proches de l’Europe. Peut-être l’imminence du péril, aggravé par le conflit libyen, hâtera-t-elle la mise en place d’une coalition européenne que Paris tente de monter depuis des mois pour soutenir les armées de la région. Sinon, qui d’autres, pour contrer les islamistes ? En les voyant actifs en Libye, certains Sahéliens ne cachent pas qu’ils espèrent une intervention des Russes…