International
La fin du Trump des Tropiques ? Jair Bolsonaro et les émeutes du 8 janvier à Brasilia
Du déjà vu ? Tous ceux qui ont commenté l’attaque des Bolsonaristas contre les institutions fédérales du Brésil dimanche dernier ont noté les ressemblances frappantes avec l’assaut contre le Capitole à Washington du 6 janvier 2021. Des ressemblances qui ne doivent rien au hasard, comme nous le verrons. Par contre, s’il est tentant de qualifier l’ex-président brésilien Jair Bolsonaro de « Trump des Tropiques », mauvais perdant en fin de parcours, une analyse des événements à Brasilia doit également prendre en compte les spécificités de la situation socio-politique au Brésil avec ses complexités et questionnements.
Les émeutes du 8 janvier avaient été en quelque sorte attendues depuis la campagne électorale venimeuse de 2022 qui a opposé Jair Bolsonaro à Luiz Inacio Lula da Silva. Président pendant deux mandats entre 2003 et 2010 (quittant ses fonctions avec un taux de popularité de 87%), Lula avait été condamné et incarcéré entre avril 2018 et novembre 2019 pour corruption dans le cadre du scandale « Lavage Express », avant l'annulation de sa peine en mars 2021 par la Cour Suprême, lui permettant de briguer un 3ème mandat présidentiel. Le 30 octobre 2022, il bat Bolsonaro de justesse au 2ème tour, mais le président sortant dépose plainte pour fraude électorale, plainte rejetée suite à une enquête qui condamne le Parti Libéral de Bolsonaro à une amende de 4,2 millions de dollars pour « mauvaise foi ». Ce dernier ne reconnaît qu’à peine sa défaite mais dit vouloir respecter la transition démocratique ; pourtant, deux jours avant l’investiture de Lula, Bolsonaro quitte le pays pour aller en Floride où il se trouve actuellement. Une semaine plus tard, une foule de ses partisans venus à Brasilia (répondant entre autres à des appels sur les réseaux sociaux utilisant le code « Festa da Selma ») envahissent et saccagent la Cour Suprême, le bâtiment du Congrès et le Palais Présidentiel.
L’attention s’est naturellement portée sur l’éventuelle responsabilité de Jair Bolsonaro et de sa famille par rapport aux émeutes. Si lui-même a vaguement condamné les « déprédations et invasions des bâtiments publics », son neveu Leonardo Rodrigues de Jesus a participé aux manifestations, tout en se distanciant du saccage, tandis que son fils Flavio, sénateur depuis 2018, a voté contre l’intervention au District Fédéral pour restaurer l’ordre à Brasilia. Pourtant, si les derniers événements rappellent étrangement ceux des États-Unis entre novembre 2020 et janvier 2021, c’est surtout dû aux liens réels entre un autre fils de l’ex-président, Eduardo, et des figures clé dans le cercle de Donald Trump. Parmi eux se trouvent notamment Steve Bannon (qui a qualifié les émeutiers de Brasilia de « combattants pour la liberté ») et le fondateur de GETTR Jason Miller : les deux conseillent Eduardo Bolsonaro depuis une rencontre en novembre 2022 à Mar-a-Lago, résidence de Trump. Ali Alexander, un des organisateurs de la marche « Stop the Steal » à Washington en janvier 2021, a également soutenu les manifestants brésiliens sur Truth Social contre « des élections truquées soutenues par la CIA ».
Cependant, tout en reconnaissant la parenté entre les événements à Brasilia et à Washington, il faudrait souligner que le paysage politique brésilien est bien plus complexe que celui des États-Unis à cause de la multiplicité des formations au Congrès et des nombreuses possibilités de coalitions et alliances tactiques. Paradoxalement, les élections législatives d’octobre 2022 ont renforcé la position du Parti Libéral de Bolsonaro (qui a signé une percée historique) et de ses alliés du centrão. Lula se trouve donc confronté à une cohabitation délicate avec ses adversaires dont le soutien populaire est réel et ancré dans les institutions. Dans ce climat très polarisé, l’attitude des forces de sécurité pourrait s’avérer cruciale. Pour l’instant l’espoir de certains manifestants de voir les militaires les rejoindre ne s’est pas concrétisé. On accuse néanmoins les forces de l’ordre d’avoir manifesté une certaine complicité avec les émeutiers dans la mesure où rien n'a été fait pour empêcher les attaques du 8 janvier, malgré tous les signaux visibles d’alerte des dernières semaines. Si, suite aux affrontements à Brasilia, les autorités ont démantelé un campement de 1200 bolsonaristas près du quartier général de l’armée, il faudrait noter que ce camp existait depuis 2 mois avec pour but d’empêcher l’accession de Lula. Un mandat d’arrêt a été émis concernant Anderson Torres, ancien ministre de la justice sous Bolsonaro, responsable pour la sécurité à Brasilia, et parti comme lui en Floride quelques jours avant les émeutes.
Quant aux bolsonaristes eux-mêmes, on verra si le 8 janvier marque la fin de leurs activités (les appels à de nouvelles actions le 11 janvier n'ont pas été suivis) ou le début d’une campagne de longue haleine de la part de la droite populiste qui pourrait échapper au contrôle de l’ex-président. Comme l’a dit Bruno Meyerfeld, correspondant du Monde à Rio : « On peut faire du bolsonarisme sans Bolsonaro. Et c’est très inquiétant pour l’avenir ».
Les émeutes du 8 janvier avaient été en quelque sorte attendues depuis la campagne électorale venimeuse de 2022 qui a opposé Jair Bolsonaro à Luiz Inacio Lula da Silva. Président pendant deux mandats entre 2003 et 2010 (quittant ses fonctions avec un taux de popularité de 87%), Lula avait été condamné et incarcéré entre avril 2018 et novembre 2019 pour corruption dans le cadre du scandale « Lavage Express », avant l'annulation de sa peine en mars 2021 par la Cour Suprême, lui permettant de briguer un 3ème mandat présidentiel. Le 30 octobre 2022, il bat Bolsonaro de justesse au 2ème tour, mais le président sortant dépose plainte pour fraude électorale, plainte rejetée suite à une enquête qui condamne le Parti Libéral de Bolsonaro à une amende de 4,2 millions de dollars pour « mauvaise foi ». Ce dernier ne reconnaît qu’à peine sa défaite mais dit vouloir respecter la transition démocratique ; pourtant, deux jours avant l’investiture de Lula, Bolsonaro quitte le pays pour aller en Floride où il se trouve actuellement. Une semaine plus tard, une foule de ses partisans venus à Brasilia (répondant entre autres à des appels sur les réseaux sociaux utilisant le code « Festa da Selma ») envahissent et saccagent la Cour Suprême, le bâtiment du Congrès et le Palais Présidentiel.
L’attention s’est naturellement portée sur l’éventuelle responsabilité de Jair Bolsonaro et de sa famille par rapport aux émeutes. Si lui-même a vaguement condamné les « déprédations et invasions des bâtiments publics », son neveu Leonardo Rodrigues de Jesus a participé aux manifestations, tout en se distanciant du saccage, tandis que son fils Flavio, sénateur depuis 2018, a voté contre l’intervention au District Fédéral pour restaurer l’ordre à Brasilia. Pourtant, si les derniers événements rappellent étrangement ceux des États-Unis entre novembre 2020 et janvier 2021, c’est surtout dû aux liens réels entre un autre fils de l’ex-président, Eduardo, et des figures clé dans le cercle de Donald Trump. Parmi eux se trouvent notamment Steve Bannon (qui a qualifié les émeutiers de Brasilia de « combattants pour la liberté ») et le fondateur de GETTR Jason Miller : les deux conseillent Eduardo Bolsonaro depuis une rencontre en novembre 2022 à Mar-a-Lago, résidence de Trump. Ali Alexander, un des organisateurs de la marche « Stop the Steal » à Washington en janvier 2021, a également soutenu les manifestants brésiliens sur Truth Social contre « des élections truquées soutenues par la CIA ».
Cependant, tout en reconnaissant la parenté entre les événements à Brasilia et à Washington, il faudrait souligner que le paysage politique brésilien est bien plus complexe que celui des États-Unis à cause de la multiplicité des formations au Congrès et des nombreuses possibilités de coalitions et alliances tactiques. Paradoxalement, les élections législatives d’octobre 2022 ont renforcé la position du Parti Libéral de Bolsonaro (qui a signé une percée historique) et de ses alliés du centrão. Lula se trouve donc confronté à une cohabitation délicate avec ses adversaires dont le soutien populaire est réel et ancré dans les institutions. Dans ce climat très polarisé, l’attitude des forces de sécurité pourrait s’avérer cruciale. Pour l’instant l’espoir de certains manifestants de voir les militaires les rejoindre ne s’est pas concrétisé. On accuse néanmoins les forces de l’ordre d’avoir manifesté une certaine complicité avec les émeutiers dans la mesure où rien n'a été fait pour empêcher les attaques du 8 janvier, malgré tous les signaux visibles d’alerte des dernières semaines. Si, suite aux affrontements à Brasilia, les autorités ont démantelé un campement de 1200 bolsonaristas près du quartier général de l’armée, il faudrait noter que ce camp existait depuis 2 mois avec pour but d’empêcher l’accession de Lula. Un mandat d’arrêt a été émis concernant Anderson Torres, ancien ministre de la justice sous Bolsonaro, responsable pour la sécurité à Brasilia, et parti comme lui en Floride quelques jours avant les émeutes.
Quant aux bolsonaristes eux-mêmes, on verra si le 8 janvier marque la fin de leurs activités (les appels à de nouvelles actions le 11 janvier n'ont pas été suivis) ou le début d’une campagne de longue haleine de la part de la droite populiste qui pourrait échapper au contrôle de l’ex-président. Comme l’a dit Bruno Meyerfeld, correspondant du Monde à Rio : « On peut faire du bolsonarisme sans Bolsonaro. Et c’est très inquiétant pour l’avenir ».