International
La crise entre Washington et Pékin s’envenime
Les députés de l'Assemblée nationale du peuple ont adopté à Pékin, ce jeudi 28 mai, le texte portant sur « la sécurité nationale dans la région autonome de Hongkong ». Cette loi vise à « sauvegarder la sécurité nationale » contre les interférences étrangères à Hongkong et à « prévenir, stopper ou punir le séparatisme, la subversion du pouvoir d'État ou l'organisation ou l'exécution d'activités terroristes ». Elle permet à Pékin d’installer officiellement des antennes de ses services de renseignement et de sécurité dans la ville, au mépris de l’autonomie de Hongkong. C’est clairement une violation du traité conclu en 1997 entre le Royaume-Uni et la Chine sur le principe d’« un pays, deux systèmes » qui devait garantir jusqu’en 2047 aux Hongkongais des droits inconnus ailleurs en Chine, notamment la liberté d’expression et un système judiciaire indépendant. Son annonce a déjà provoqué une reprise des manifestations à Hongkong, le week-end dernier, après des mois d’accalmie. Comme pour jeter de l’huile sur le feu, le Conseil législatif de l'Assemblée de Hongkong examinait en deuxième lecture, hier, 27 mai, un autre texte prévoyant de punir par une lourde amende (50 000 dollars hongkongais : 8 863 euros) et jusqu'à trois ans de prison, toute insulte à l'hymne national chinois. Trente syndicats et une vingtaine d’écoles du secondaire avaient appelé à protester contre cette mesure. 360 manifestants, très jeunes pour la plupart, ont été arrêtés par les forces anti-émeutes. Comble de provocation des pro-Pékin : le vote final de la loi sur l’hymne national chinois est prévu pour le 4 juin – le jour où chaque année, de nombreux Hongkongais commémorent les victimes du massacre de la place Tiananmen du 4 juin 1989.
Ce double coup de force de Pékin a fait monter d’un cran les tensions déjà vives entre la Chine et les Etats-Unis qui ont immédiatement dénoncé une loi « déstabilisatrice », contraire aux engagements pris par Pékin en 1997. Pour le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, « Hongkong n'est plus autonome » et pourrait donc perdre son statut commercial préférentiel. Washington a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU… aussitôt refusée par Pékin qui argue d’une « affaire interne » à la Chine et brandit la menace d'une « nouvelle Guerre froide » (24 mai).
Ce nouvel épisode survient alors que, depuis des semaines, Washington et Pékin se cherchent noise à propos de l'apparition et de la propagation de la Covid-19, chacun des adversaires accusant l’autre d’avoir exporté le virus. Après la publication d’une tribune intitulée « La Chine est le véritable homme malade de l'Asie » dans le Wall Street Journal du 3 février, Pékin a crié à la « discrimination raciale » et a annoncé l’expulsion de trois journalistes du Wall Street Journal. Washington a répliqué en changeant le statut de cinq médias publics chinois implantés aux Etats-Unis, désormais considérés comme des organes « de propagande ». Début mai, les Etats-Unis ont jeté une nouvelle pierre dans la cour de Pékin en félicitant Taïwan pour sa gestion de la pandémie (« un modèle pour le monde ») et en appelant le directeur général de l'OMS à inviter l’île rebelle à participer à l’assemblée annuelle de l’OMS (organisation dont Taïwan a été exclue en 2016 lors de l'arrivée au pouvoir de l'indépendantiste Tsai Ing-wen). Pékin a répliqué en dénonçant une « violation sérieuse » de la « souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Chine » dont « Taïwan est une partie inaliénable ».
Jusqu’où ira l’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine ? On n’avait pas assisté à une telle virulence entre grandes puissances depuis la fin de la Guerre froide entre l’URSS et les États-Unis dans les années 1970. Dans un entretien au Figaro (en lien ci-dessous), Graham Allison, professeur émérite à Harvard, conseiller de plusieurs secrétaires à la Défense, et auteur du best-seller « Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? » (Odile Jacob), analyse le bras de fer engagé entre les deux pays. Selon lui, nous traversons à nouveau un moment critique : devenue grâce à son développement économique sans précédent, un redoutable concurrent politique et militaire, « la Chine menace aujourd’hui réellement les États-Unis et pourrait les éjecter du sommet d’une hiérarchie que l’Amérique considère comme naturelle depuis des décennies. » Les Etats-Unis et la Chine sont confrontés au « piège » décrit par l’historien grec Thucydide (vers 465 av. J.-C /395 av. J.-C) dans son récit de la guerre du Péloponnèse où s’affrontèrent Athènes et Sparte : « Lorsqu’une puissance ascendante menace de détrôner une puissance établie, se déclenche une dynamique dangereuse, pouvant in fine se conclure par une guerre. »
Ce double coup de force de Pékin a fait monter d’un cran les tensions déjà vives entre la Chine et les Etats-Unis qui ont immédiatement dénoncé une loi « déstabilisatrice », contraire aux engagements pris par Pékin en 1997. Pour le secrétaire d’État américain Mike Pompeo, « Hongkong n'est plus autonome » et pourrait donc perdre son statut commercial préférentiel. Washington a demandé une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU… aussitôt refusée par Pékin qui argue d’une « affaire interne » à la Chine et brandit la menace d'une « nouvelle Guerre froide » (24 mai).
Ce nouvel épisode survient alors que, depuis des semaines, Washington et Pékin se cherchent noise à propos de l'apparition et de la propagation de la Covid-19, chacun des adversaires accusant l’autre d’avoir exporté le virus. Après la publication d’une tribune intitulée « La Chine est le véritable homme malade de l'Asie » dans le Wall Street Journal du 3 février, Pékin a crié à la « discrimination raciale » et a annoncé l’expulsion de trois journalistes du Wall Street Journal. Washington a répliqué en changeant le statut de cinq médias publics chinois implantés aux Etats-Unis, désormais considérés comme des organes « de propagande ». Début mai, les Etats-Unis ont jeté une nouvelle pierre dans la cour de Pékin en félicitant Taïwan pour sa gestion de la pandémie (« un modèle pour le monde ») et en appelant le directeur général de l'OMS à inviter l’île rebelle à participer à l’assemblée annuelle de l’OMS (organisation dont Taïwan a été exclue en 2016 lors de l'arrivée au pouvoir de l'indépendantiste Tsai Ing-wen). Pékin a répliqué en dénonçant une « violation sérieuse » de la « souveraineté et de l'intégrité territoriale de la Chine » dont « Taïwan est une partie inaliénable ».
Jusqu’où ira l’affrontement entre les Etats-Unis et la Chine ? On n’avait pas assisté à une telle virulence entre grandes puissances depuis la fin de la Guerre froide entre l’URSS et les États-Unis dans les années 1970. Dans un entretien au Figaro (en lien ci-dessous), Graham Allison, professeur émérite à Harvard, conseiller de plusieurs secrétaires à la Défense, et auteur du best-seller « Vers la guerre. L’Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide ? » (Odile Jacob), analyse le bras de fer engagé entre les deux pays. Selon lui, nous traversons à nouveau un moment critique : devenue grâce à son développement économique sans précédent, un redoutable concurrent politique et militaire, « la Chine menace aujourd’hui réellement les États-Unis et pourrait les éjecter du sommet d’une hiérarchie que l’Amérique considère comme naturelle depuis des décennies. » Les Etats-Unis et la Chine sont confrontés au « piège » décrit par l’historien grec Thucydide (vers 465 av. J.-C /395 av. J.-C) dans son récit de la guerre du Péloponnèse où s’affrontèrent Athènes et Sparte : « Lorsqu’une puissance ascendante menace de détrôner une puissance établie, se déclenche une dynamique dangereuse, pouvant in fine se conclure par une guerre. »