La Chine est un colosse aux pieds d'argile
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La Chine est un colosse aux pieds d'argile

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1727, Publiée le 26/10/2022
« Nous voulons être des citoyens, pas des esclaves ! » pouvait-on lire sur le pont de Sitong à Pékin, quelques jours avant l’ouverture du 20ème congrès du Parti Communiste Chinois (PCC). Les manifestants ont même osé réclamer la destitution du « dictateur et traitre Xi Jinping ». Ce dernier a obtenu, comme prévu, son troisième mandat pendant ce congrès. Il reste le maitre de la Chine avec l’intention de se maintenir sur le trône impérial à vie… Mais la mise à l’écart de son prédécesseur Hu Jintao, sorti de la salle de force en direct à la télévision, montre la tension qui règne au plus haut niveau. Si la contestation du pouvoir ne concerne qu’une minorité de Chinois, la pression des classes moyennes monte sur le PCC.

Xi Jinping a d’ailleurs dû reconnaitre pendant son discours d’ouverture que la période était difficile. Sur le théâtre international, la Chine se retrouve dans une position inconfortable à cause de son alliance avec la Russie. La situation économique du pays est tendue entre l’éclatement de la bulle immobilière et les conséquences dévastatrices de la politique du « zéro Covid ». Le département national en charge des statistiques a d’ailleurs, prudemment, reporté la publication des chiffres économiques jusqu’à la fin du congrès… Le Politburo chinois est confronté à deux problèmes brûlants estime George Magnus, économiste spécialiste de la Chine et professeur à Oxford (voir son article en lien pour UnHerd).

Le premier problème concerne les restrictions majeures décidées par le Département du Commerce américain et annoncées le 14 octobre, pour empêcher la Chine de développer son industrie des semi-conducteurs. Les États-Unis interdisent désormais aux sociétés chinoises d’acquérir des concurrents américains ou même d’acheter des technologies américaines dans ce domaine. Cette action radicale va conforter le PCC dans son discours contre l’Ouest accusé d’empêcher la Chine de prendre sa place sur l’échiquier mondial. Mais le marché des semi-conducteurs est un des plus stratégiques dans l’économie mondiale. On peut s’attendre des deux côtés à des mesures de représailles réduisant les échanges commerciaux – dont la Chine a largement profité…

Le second défi pour Xi Jinping concerne le plan de « Prospérité commune ». C’est une promesse faite par le PCC aux Chinois qui a été remise en avant en 2021. Xi Jinping lui-même l’a qualifiée « d’essentielle au projet socialiste ». Une nouvelle « marche en avant », en quelque sorte, dont l’objectif est de mobiliser l’appareil d’État pour améliorer la vie de la classe moyenne chinoise, des fermiers aux petits entrepreneurs. La priorité affichée est de réduire les inégalités en termes de développement territorial et de pouvoir d’achat. Lors de son discours d’ouverture du congrès, Xi Jinping a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’imiter le modèle de « l’État providence » à l’occidentale mais de mieux réguler la distribution et l’accumulation de la richesse. Le concept reste vague : il n’y a rien sur l’agenda politique du PCC concernant des mesures pour les retraites, l’assurance chômage ou l’éducation…

En fait, Pékin croit au principe du « ruissellement » cher aux libéraux – mais à la sauce communiste. Le pouvoir doit encourager la croissance tout en réglementant fermement la richesse privée, et cette formule est censée bénéficier à l’ensemble de la population… D’où la récente reprise en main par le PCC des secteurs des nouvelles technologies et de la finance. Le pouvoir totalitaire entend imposer aux entreprises comment investir leurs bénéfices ainsi qu’une sorte d’impôt révolutionnaire versé pour soutenir le Parti.

La Chine fait face à un paradoxe difficile à assumer : dernière grande puissance communiste du monde, elle est aussi plus inégalitaire que la plupart des pays développés. Les 20% les plus riches perçoivent 46% de la richesse nationale, ratio inchangé depuis plus d’une décennie. Les 40% les plus pauvres à peine plus de 13%... Les Chinois ont cru à cette promesse de ruissellement mais les résultats n’arrivant pas, l’impatience commence à se faire sentir. Un problème central qui paralyse l’économie chinoise est que l’État à lui seul représente 40% du PIB.

Des réformes sociales en profondeur semblent s’imposer pour réduire les inégalités. Le transfert des richesses de l’appareil d’État au secteur privé est incontournable pour construire des piliers de croissance durables. Là est tout le problème : cela reviendrait à réduire le contrôle du PCC sur la société. Mais le compte à rebours est engagé sur de multiples fronts. Les « seniors » (plus de 60 ans) représenteront près de 35% de la population totale en 2045 (plus de 400 millions de personnes contre 250 millions aujourd’hui). En 2020, 60% des travailleurs dans les zones urbaines occupaient des emplois non qualifiés contre 40% il y a 20 ans : c’est une « marche en arrière » …

Le PCC a assis sa légitimité sur une promesse économique qui devient son talon d’Achille. La croissance chinoise ne devrait pas dépasser 2% à 3% d’ici 2030, moitié moins que pendant les 10 dernières années…
La sélection
La Chine est un colosse aux pieds d'argile
China's broken promise of prosperity
UnHerd
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