La censure privatisée
Politique

La censure privatisée

Par Judikael Hirel. Synthèse n°1115, Publiée le 09/11/2020
Impossible de ne pas avoir suivi la fin du duel électoral entre Joe Biden et Donald Trump. La question n’est pas de savoir qui est pour qui, qui défend quoi, dans ce combat politique outre-Atlantique. Le plus inquiétant est de voir à quel point les règles du jeu ont changé en termes de censure.

Jadis privilège d’état, reposant sur le contrôle de l’information comme de sa diffusion, comme du temps des écoutes et des révélations enterrées sur la double vie de François Mitterrand, la censure a semble-t-il changé de main, doublement. Ce pouvoir de censurer, de décider ce qui est bien et bon et de bloquer ce qui ne le serait pas appartient d'abord, désormais, non plus à des pays, des institutions, mais à des entreprises privées, propriétaires des plus vastes bases de données qualifiées qui soient au monde, précises et indiscrètes comme jamais service de renseignement n’en a rêvé. Twitter s’est par exemple arrogé le droit de censurer le compte d’un président des Etats-Unis en exercice, mais aussi de tant d’autres. Et demain ? La vie privée, les opinions considérées comme non orthodoxes n’auront plus droit de citer. Ainsi, bientôt, sur la messagerie WhasApp, les messages signalés devront être analysés par des modérateurs. Au nom de quels principes, en vertu de quelles lois ?

Mais ce pouvoir de censurer, la presse également se l’est également arrogé, en vertu de la lutte contre les désormais célèbres Fake News. Place aux ciseaux d'Anastasie médiatiques. C’est ainsi que, dans la dernière ligne droite d’une élection présidentielle américaine, des chaînes de télévision se sont permis d’interrompre l’intervention de Donald Trump, estimant ses propos mensongers. Le rôle, la place, d’un journaliste n’est pas de changer le monde, mais de le raconter, de le décrypter afin d’aider à le comprendre. Rien n’empêchait, et c’eut été le rôle de ces chaînes, de commenter voire critiquer ces propos a posteriori. Mais censurer la parole d’un élu n’est pas du ressort ni du devoir d’un journaliste. Quel que soit le regard nécessairement faussé depuis la France sur deux candidats à une élection aux Etats-Unis, la couverture des dernières heures de la présidentielle américaine aura été de bien mauvais augure en vue de la prochaine élection présidentielle en France, en 2022. Après le haro contre Fillon, verra-t-on médias et réseaux sociaux s’ériger en nouveaux censeurs en 2022 ? C’est à craindre.
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