Joe Biden face à Donald Trump : le débat a tourné à la débâcle…
Les Américains sont encore sous le choc… Le débat télévisé du 27 juin, organisé par la chaîne d'information CNN, était attendu : il a attiré plus de 51 millions de spectateurs. L'enjeu était de taille car les deux candidats putatifs à la présidentielle de novembre prochain (ni Biden ni Trump ne sont encore officiellement désignés par leurs partis respectifs) sont au coude-à-coude dans les sondages. Donald Trump, qui veut sa revanche, a l'avantage – en particulier dans les États dits « pivots » (comme la Pennsylvanie par exemple), c'est-à-dire ceux qui pèsent un poids démographique suffisant pour décider du résultat final. Mais l'électorat américain garde une part importante d'indécis. Les grands débats présidentiels sont des jalons qui marquent la progression d'une campagne : ils ne sont décisifs que dans le cas de l'écroulement en public d'un des candidats…
Or, c'est ce qui s'est passé en direct jeudi soir… Joe Biden est arrivé hagard, incapable de finir ses phrases dites d'une voix à peine audible. À plusieurs reprises, le Président Biden a perdu le fil de sa pensée en mélangeant les chiffres. Donald Trump n'a pas eu à briller tant son adversaire s'est enfoncé comme le rappellent les Australiens de Sky News (voir à 1'00'' quand Trump répond : « Je n'ai pas compris la fin de sa phrase et je crains que lui non plus »). Chacun avait un sujet « favori » à placer au centre du débat : le contrôle de l'immigration pour Trump et le droit à l'avortement pour Biden. Alors que le sujet de l'avortement est mis sur la table par les journalistes, Joe Biden commet une bourde monumentale en parlant d'immigration… Donald Trump n'en demandait pas tant… Le résultat est sans appel : 68 % des Américains sondés l'ont désigné comme le gagnant du débat. La panique a gagné le camp démocrate : dès le lendemain, le New York Times appelait à la renonciation de Joe Biden par le biais d'un éditorial. La pression s'accentue sur Joe Biden et son équipe car l'article du New York Times sonne comme un avertissement sévère.
Pourquoi un tel débat maintenant ? Car, s'il s'agit d'un exercice obligé, le face-à-face n'intervient normalement qu'une fois les candidats formellement désignés par leurs partis. Or, la Convention républicaine débutera le 15 juillet alors que le Parti démocrate ne tiendra la sienne qu'entre les 19 et 22 août. C'est d'autant plus étonnant que c'est Joe Biden lui-même qui l'a voulu… Pourquoi prendre un tel risque ? Les stratèges démocrates voulaient sans doute profiter des difficultés judiciaires de Donald Trump juste avant la Convention devant le confirmer comme candidat. Il y a une autre raison qui a pu pousser à précipiter l'organisation du débat : les grands donateurs semblent se porter depuis quelques semaines de plus en plus vers le "ticket" Trump. Il reste que le risque était grand – tant la fragilité de Joe Biden semblait s'aggraver ces dernières semaines. Alors, il y aurait une autre explication pour comprendre cette initiative, comme le propose le journaliste Gérald Olivier sur Sud Radio. Le camp démocrate est très divisé, ses stratèges parfaitement conscients de l'état de faiblesse du candidat Biden (qui inquiète les donateurs) : l'hypothèse d'un sabotage tient. Provoquer un désastre pour obliger le clan Biden à se désister. L'offensive médiatique dès la fin du débat tend à renforcer cette hypothèse.
Les appels ont été rejetés par le clan Biden pour l'instant. Joe Biden était dès le lendemain en Caroline du Nord sur scène : il paraissait plus assuré et a martelé qu'il comptait bien rebattre son rival en novembre prochain. Il n'empêche que la débâcle du débat risque de donner un avantage décisif à Donald Trump. Mais remplacer Joe Biden lors de la Convention du 19 août paraît compliqué. Le pays est d'abord très procédurier : on voit mal comment les militants pourraient abandonner Joe Biden dans un processus qui ne laisse aucune place aux combines de dernière minute. Et si le président en exercice jetait l'éponge, qui pour le remplacer ? L'ordre de succession désigne la vice-présidente Kamala Harris. Mais celle-ci n'a pas démontré qu'elle avait la carrure. Les sondages donnent un avantage encore plus large pour Trump face à elle. Il y a des gouverneurs, jeunes encore et qui sont populaires dans leur camp : Gavin Newsom (Californie) et Josh Shapiro (Pennsylvanie). Mais ils présentent un gros handicap : ce sont des hommes blancs. N'oublions pas que pousser sur le côté la vice-présidente métisse serait un crime de lèse-wokisme.
Les prochaines semaines allant jusqu'à la Convention démocrate vont être décisives. Un autre débat est d'ailleurs prévu le 10 septembre. On ne voit pas qui pourrait remplacer Joe Biden face à Donald Trump à ce stade. À moins d'un accident de parcours dramatique (on se rappelle l'assassinat de Robert Kennedy le 6 juin 1968 alors qu'il était en campagne). Les couteaux sont tirés en coulisse dans un pays lourdement endetté et géré par une gérontocratie où le complexe militaro- industriel domine. Bienvenue aux États-Unis soviétiques d'Amérique !