« J’assume »
Politique

« J’assume »

Par Olivier Bonnassies. Synthèse n°1482, Publiée le 13/01/2022
« J’assume » c’est le mot macronien par excellence, utilisé depuis le début du quinquennat pour clore toute discussion et faire semblant de communiquer. C’est le joker bidon parfait quand on n’a rien à dire pour se justifier et qu’on veut imposer son point de vue sans discussion. C’est une porte de sortie facile quand on est en difficulté, une sorte de 49.3 de la rhétorique.

La situation est aujourd’hui pour le moins particulière avec un président qui décide de tout, tout seul, entouré de rares conseillers et d’un obscur « Conseil de défense » (pourquoi « défense » et non pas « santé » sinon pour classer les débats « secret défense » ?). Le premier ministre est une personnalité faible, transparente, malléable, aux ordres du président. Il en est de même du parti LREM, largement composé d’inconnus entièrement soumis. Il n’y a pas non plus de Parlement efficace puisque les députés LREM ne s’opposent jamais à aucune volonté du président. On cherche les contrepouvoirs ! L’opposition est fragmentée, il n’y a plus de député-maire influent faisant le lien entre Paris et le pays réel, sur le terrain, depuis la catastrophique interdiction du cumul des mandats. Il n’y a plus de corps intermédiaires puissants et la rue a été muselée depuis la défaite des gilets jaunes. Quant au Conseil d’État et au Conseil constitutionnel, ils fonctionnent comme des caisses d’enregistrement.

« Jamais aucun président n’a eu autant de pouvoirs que Macron » analyse dans Le Point Catherine Nay qui déplore : « Un équilibre s’est disloqué ». C’est du jamais vu : « Durant leur quinquennat, Nicolas Sarkozy et François Hollande ont eu leurs frondeurs, leurs gêneurs de l’intérieur qui les obligeaient à composer. Voire à reculer. Changement de décor avec Emmanuel Macron. En se hissant à l’Élysée hors des partis traditionnels, en les défiant même, il a fait émerger une majorité hors-sol composée de députés élus sur son seul nom, sélectionnés sur Internet et, au final, aux ordres pendant cinq ans. Jamais aucun président n’a eu autant de pouvoirs que lui. Sans le Sénat, il n’y aurait plus aucun contrepoids. Omniprésent, omniscient, talentueux, gaffeur, enfantin parfois, le président consulte beaucoup pour n’écouter que lui-même. Ses ministres se plaignent de ne pas le voir. Qui peut se vanter d’avoir sur lui quelque influence ? Personne. C’est l’exercice solitaire du pouvoir. »

Cet exercice solitaire du pouvoir ne s’embarrasse d’aucune justification autre que le mot magique « j’assume ! ». Après avoir confié qu’il voulait « emmerder les non-vaccinés », le président a réutilisé les bonnes vieilles recettes : « On peut s'émouvoir sur des formes d'expression qui paraissent familières que j'assume totalement. » « J'assume », c’est « j’assomme » et « j’assène » à la fois. On cherche à cogner, pas à relativiser. « Assumer totalement » augmente l’effet produit. Et tant pis pour le pléonasme ! (Assumer, c’est « prendre sur soi, à son compte, avec toutes les implications de ce qu’on assume », indique le site Ortolang.)

Le chef de l’État se gargarise avec ce verbe : « Macron assume son weekend de Noël à Chambord » (Huffington Post) ; « Armement français au Yémen : Macron assume et certifie avoir obtenu des garanties » (BFM) ; « Macron assume avec fermeté sa politique migratoire » (Le Figaro) ; « Macron assume ses propos sur la France pas réformable » (CNews).

Mais quel est finalement le sens profond de cette expression ?

« "J'assume", c’est le "je vous emmerde" du Macron flingueur » ! expliquait Jack Dion dans un article de Marianne il y a plus de trois ans déjà ! « Une formule magique est apparue dans le débat public : "J'assume". Qu'il soit interrogé sur la hausse des inégalités, la tonte des retraités, les cadeaux fiscaux aux riches, le racket des automobilistes ou le raté complet de sa politique pour endiguer le chômage, le président de la République regarde la France au fond des yeux et lance, du haut de sa superbe : "J'assume." C'est une manière polie de dire : "Circulez, y a rien à voir", ou encore : "Cause toujours tu m'intéresses. » … ou plus simplement « Je vous emmerde » selon la terminologie présidentielle du jour… C’est « une manière brutale », conclut Jack Dion, de « se réfugier derrière une phrase magique (…) dès qu'il s'agit de justifier l'injustifiable ».

Il s’agit donc d’un bras d’honneur assumé au débat démocratique avec en sous-entendu l’idée qu’il n’y a qu’un seul rendez-vous, celui de l’élection présidentielle et qu’entre temps il a le droit de faire tout ce qu’il veut sans rendre de compte à personne, en disant à tous « allez vous faire voir » ou plus poliment : « Tant pis pour vous si vous n’êtes pas d’accord, c’est mon choix, je n’en démordrai pas et je refuse d’en débattre. Fin de la discussion. » Il reste que, sur le fond, cette idée qu'on serait tenu de fermer sa bouche en permanence parce qu'on a le droit de déposer un bulletin dans l'urne une fois tous les 5 ans est une véritable arnaque démocratique.
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« J’assume »
"J'assume", le "je vous emmerde" du Macron flingueur
Marianne
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