Israël/Palestine : la ligne dure s'impose dans le Bureau ovale
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Israël/Palestine : la ligne dure s'impose dans le Bureau ovale

Par Louis Daufresne. Synthèse n°872, Publiée le 29/01/2020
Un président, ça Trump énormément… Le jeu de mots est facile mais ô combien illustré par l’actualité. Lunettes noires en moins, le locataire de la Maison Blanche vient de faire un numéro de transformisme digne du célèbre cabaret de feu Michou. « La politique est l’art de rendre possible ce qui est nécessaire », s’écriait Richelieu. Et nécessité fait toujours loi. À neuf mois du scrutin présidentiel, Donald Trump fait donc tout son possible pour créer les conditions de sa réélection. Il s'agit de donner des gages à ceux dont les voix et l’influence comptent. Mine de rien, un président aussi imprévisible que lui n’échappe ni aux calculs arithmétiques ni aux postures.

Le numéro consista à se déguiser en apôtre de la réconciliation entre Israéliens et Palestiniens. Comme nombre de ses prédécesseurs, Donald Trump considère Israël comme le 51e État fédéré. Il s’agit d’un soutien inconditionnel. Que celui-ci prenne l’allure d’un « plan de paix » relève du transformisme sémantique. Car les États-Unis ne font qu’une chose : donner encore plus de pouvoir à l’État d’Israël. Interrogée par l’AFP, l’ex-diplomate Michele Dunne, membre du think tank Carnegie Endowment for International Peace, souligne que « rien ne montre que ce plan puisse mener à des négociations ». Pourtant, celui-ci concentre en 80 pages les trois ans de réflexion que mena la Maison Blanche dans la plus grande discrétion. Ce n’est pas rien vu les piles de dossiers dont dispose déjà le département d’État sur ce conflit.

La manière dont le plan fut dévoilé hier est surprenante : dans le Bureau ovale, le président des États-Unis est flanqué du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Les deux hommes prennent la parole l'un après l'autre comme s’ils revendiquaient une paternité commune. En l'absence de tout représentant palestinien. On est loin de l’ambiance des accords de Camp David (1978), où Jimmy Carter tentait d’équilibrer les choses entre Anouar el-Sadate et Menahem Begin. Bien sûr, ces raffuts diplomatiques étaient eux aussi des mises en scène mais le gendarme du monde sauvait au moins les apparences. Ici, explique Michele Dunne, « il s'agit d'aider Netanyahu dans sa lutte politico-judiciaire (...) et de consolider le soutien pour Trump parmi les électeurs pro-Israël ». Et peu importe que le chef de l’Amérique s’affiche dans l’intimité de son pouvoir avec un personnage inculpé dans trois affaires de corruption ! Que nous montre la scène du Bureau ovale ? Que les deux pays sont imbriqués l'un dans l'autre : Tel-Aviv se mêle autant de la vie US que Washington interfère dans les affaires de l’État juif. On sort du cadre diplomatique. Trump soutient Netanyahu pour qu’il gagne les élections du 2 mars et qu’après 14 ans de pouvoir, il puisse survivre au coup d’État juridique qui le vise. Le « plan de paix » n’est autre qu’un plan de bataille électoral. En échange, Netanyahu et ses alliés mobilisent tous leurs relais pour faire réélire Trump le 4 novembre, et qu'il puisse se venger de la procédure d'impeachment qui le frappe. Le président avait-il du mouron à se faire à ce niveau-là ? Pas vraiment. En mai 2018, il avait déjà beaucoup donné en transférant son ambassade à Jérusalem, ce qui rompit le consensus international. En fait, les échéances électorales, plutôt que de rebattre les cartes de la politique, incitent les candidats sortants à faire de la surenchère.

De l'équation les Palestiniens sont exclus. Et pas pour des raisons de sécurité mais carrément de souveraineté : « S'il ne faut retenir qu'une chose, c'est que ce plan place la frontière orientale d'Israël sur la Vallée du Jourdain », insiste Michele Dunne. Toutes les « colonies » en Cisjordanie – appelées « implantations » côté israélien – peuvent être annexées. Autant de repoussoirs pour les Palestiniens dont l’État serait démilitarisé et ramené à une superficie bien plus petite que les Territoires occupés en 1967, avec une capitale réduite à certains faubourgs de Jérusalem. Et encore : cet État ne verrait le jour qu'en échange d'une reconnaissance d'Israël comme État juif, condition difficile à remplir tant que le Hamas contrôle Gaza.

Les Palestiniens peuvent-ils ne pas rejeter ce « plan de paix » ? Depuis les accords d’Oslo II (1995), leur territoire est déjà découpé en trois zones : A (18% sous contrôle palestinien), B (22% sous contrôle mixte), C (60% sous contrôle israélien). Tout est fait pour rendre impossible le quotidien des non-juifs. Par exemple, un couple composé d’un homme de Cisjordanie et d’une fille de Jérusalem ne peut vivre ensemble, ou alors la fille perdra son précieux statut de résident. Que signifie dans ces conditions la proposition américaine de construire un réseau de transports « modernes et efficaces » ? Le plan parle d'un train à grande vitesse entre Gaza et la Cisjordanie, afin que le futur État soit « d'un seul tenant ». Un TGV pour les Palestiniens qui habitent nulle part. Curieuse idée. Comme si on laissait entrebâillée une porte fermée. Un train de mesures posant les bases d'un développement de la Palestine eût été plus crédible et plus attendu.
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Le plan Trump pourrait bien s’avérer « historique » – pour les mauvaises raisons
The Times of Israel
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