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Israël et Benjamin Netanyahou dans la tourmente suite à l'assassinat de six otages dans la bande de Gaza

Par Peter Bannister. Synthèse n°2260, Publiée le 05/09/2024 - Image : des manifestants à Tel-Aviv exigeant un accord pour le retour des otages détenus par le Hamas. Crédit photo : NIR KEIDAR ANADOLU / Anadolu via AFP
La mort de six otages, retrouvés assassinés par le Hamas dans un tunnel dans la bande de Gaza, a déclenché une grosse vague de colère en Israël contre le premier ministre Benjamin Netanyahou. Il est accusé d'avoir contribué par sa politique inflexible à l'échec des négociations qui auraient pu les libérer. Pour l'instant, le pays semble s'enliser dans une impasse politique profonde.

Depuis quelques jours, Israël vit un véritable psychodrame suite à l'assassinat par le Hamas de six otages retrouvés morts samedi dernier dans un tunnel au sud de la bande de Gaza. Une vague de colère contre le premier ministre Benjamin Netanyahou s'est déchaînée à travers le pays, avec de grandes manifestations auxquelles auraient participé quelque 700 000 personnes, suivies d'une courte grève générale lundi organisée par la centrale syndicale Histadrout. Pour beaucoup, la position de Netanyahou, accusé d'être responsable de la mort des otages par son refus de trouver un accord avec le Hamas pour les libérer, est devenue intenable. Pour l'instant, il refuse d'infléchir sa politique – une intransigeance que certains attribuent à l'influence des ministres de l'extrême-droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben-Gvir, dont Netanyahou dépend pour la survie de sa coalition.

De fortes tensions au sein du gouvernement ont donné lieu a un échange violent la semaine dernière entre Netanyahou et le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant. Selon la Douzième chaîne et Times of Israel, Gallant a présenté au cabinet de sécurité un document préconisant un cessez-le-feu à Gaza et des négociations pour libérer les otages. Selon Gallant, cette stratégie permettrait également de calmer le conflit avec le Hezbollah au Nord et de diminuer la menace de représailles iraniennes suite à l'assassinat d'Ismail Haniyeh, leader politique du Hamas, le 31 juillet à Téhéran. Si les négociations échouent, Gallant a averti, une fois de plus, qu'Israël pourrait se retrouver confronté à une guerre imminente sur plusieurs fronts. Netanyahou et les autres membres du cabinet ont rejeté les propos de Gallant, notamment sur la question de maintenir une présence armée dans le « couloir de Philadelphie », une bande de terre qui longe la frontière entre Gaza et l'Egypte. Pour Netanyahou, cette présence est essentielle pour surveiller d'éventuels tunnels souterrains utilisés pour le trafic d'armes, mais elle est inacceptable pour le Hamas. Face à la fermeté du premier ministre sur ce point, Gallant, isolé au sein du cabinet, se serait emporté contre le pouvoir sans partage de Netanyahou. Lors de cette réunion confidentielle, il aurait clamé que le premier ministre a même le pouvoir d'organiser un vote pour « tuer les otages  » s'il le voulait. Ces paroles ont acquis une résonance tragique suivant la mort des six otages : la libération de trois d'entre eux avait été agréée en principe par le Hamas lors d'un accord du 2 juillet qui ne s'est jamais appliqué. Les autopsies effectuées sur leurs corps ont indiqué qu'ils ont été assassinés le 29 ou 30 août. Bien qu'il soit impossible d'établir un lien temporel direct avec la décision du cabinet de guerre israélien de refuser des concessions au Hamas concernant le couloir de Philadelphie, de nombreux Israéliens, comme Gallant, estiment que Netanyahou aurait privilégié sa stratégie de sécurité plutôt que le retour des otages. Yaïr Lapid, chef de l'opposition, n'a pas hésité à écrire sur Facebook que « Netanyahou et son cabinet de la mort ont décidé de ne pas les sauver.  »

Le 2 septembre, le premier ministre a publiquement demandé « pardon de ne pas avoir ramené en vie » les otages, tout en demeurant inflexible concernant le couloir de Philadelphie. La pression des opposants ne faiblit pourtant pas ; les ex-membres du cabinet de guerre Benny Gantz et Gadi Eisenkot (anciens chefs d'état-major de Tsahal) ont notamment fustigé la politique de Netanyahou le 3 septembre lors d'une conférence de presse. Pour eux, sa stratégie militaire se trompe de cible, la véritable menace pour Israël étant l' « axe du mal » d'Iran plutôt que la frontière entre Gaza et l'Egypte. Gantz et Eisenkot ont proposé de négocier le retour des otages, « même à un prix élevé », et de tourner l'attention à la fois vers le nord et vers la construction d'alliances contre Téhéran. Ils ont également accusé Netanyahou d'être motivé par sa propre survie plutôt que par l'intérêt national, témoignant de tentatives de chantage de la part de ses alliés ultra-nationalistes Ben-Gvir et Smotrich. Hostile à tout dialogue avec les Palestiniens, ce dernier a récemment été l'objet de condamnations internationales pour avoir suggéré que laisser deux millions de Gazaouis mourir de faim pourrait se justifier.

Pour l'instant, Israël semble s'enliser dans une profonde impasse politique. La pression de la rue monte contre Benjamin Netanyahou, mais la seule perspective de changement réel serait des élections anticipées, qui pourraient changer les rapports de forces à la Knesset et diminuer le poids des factions extrémistes. Netanyahou n'a pourtant aucune obligation d'organiser un scrutin avant octobre 2026 ; en cas de défaite, il risquerait d'ailleurs la prison pour corruption. En plus, selon un sondage récent, 69 % des Israéliens ne voudraient pas qu'il brigue un nouveau mandat. Tout indique donc que « Bibi » serait fortement tenté par une « guerre perpétuelle  », selon les mots de Yaïr Lapid - la fuite en avant étant son seul moyen de s'accrocher au pouvoir. Une perspective qui risque de mettre les voix modérées et médiateurs internationaux à rude épreuve.

La sélection
Six otages retrouvés morts à Gaza : manifestations monstres à Tel-Aviv
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1 commentaire
Robert
Le 06/09/2024 à 08:13
On pense ce que l'on veut de Netanyahou, mais il n'a jamais été obligé de capituler face au hamas pour sauver les malheureux otages. Factuellement, c'est le hamas qui a froidement assassiné d'une balle dans la tête ces 6 otages, ce n’est pas Netanyahou. Le hamas n'était pas obligé de commettre ces crimes de plus.
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