Les inquiétantes défaites du Burkina Faso face aux djihadistes au Sahel
Des centaines de personnes (entre 300 et 400) ont été tuées et près d'un millier d'autres blessées le samedi 24 août, au cours de l'assaut de djihadistes contre une ville d'environ 10 000 habitants, Barsalogho, au centre-nord du pays. Les terroristes ont massacré le plus de monde possible, militaires ou civils. Nombre de ces derniers avaient été réquisitionnés par l'armée et forcés de creuser une tranchée défensive à quelques kilomètres de la ville, ce qui a décuplé la fureur des assaillants dont l'armement était bien supérieur à celui des soldats. Qualifiés de « milices » par leurs agresseurs, ces malheureux civils embauchés de force avaient été menacés de représailles s'ils collaboraient avec les militaires pour protéger leur ville.
C'est le pire massacre de masse commis par des djihadistes au Burkina Faso depuis 2015, début de la crise institutionnelle et sécuritaire qui fragilise le pays, souligne La Croix (28 août). Elle s'est aggravée en 2022 avec un double coup d'État, le second, en septembre 2022 ayant porté au pouvoir un groupe de jeunes officiers dirigé par le capitaine Ibrahim Traoré, encore à la tête du pays aujourd'hui. Très critiqués pour leur incapacité à défendre les Burkinais contre les djihadistes, ces militaires putschistes censurent les médias et interdisent au personnel des hôpitaux de communiquer sur le nombre de blessés qui y sont soignés. Mais l'ampleur du massacre ne peut être dissimulée, grâce aux témoignages de rescapés et aux vidéos diffusées par les assaillants eux-mêmes qui, en bons djihadistes, se glorifient de leurs crimes en criant « Allah o Akbar ! ».
Cette attaque a été revendiquée par le Groupe de soutien à l'islam et aux musulmans (GSIM) affilié à Al-Qaida. Elle avait été précédée, le 8 août, par l'extermination (au moins une centaine de morts) et le pillage d'un convoi militaire tombé dans une embuscade alors qu'il allait ravitailler la ville de Diapaga (dans l'est). Le 25 août, lendemain du massacre de Barsalogho, un commando djihadiste assassinait 26 fidèles -des hommes ligotés puis égorgés- dans une église évangélique du village de Sanaba, dans l'ouest du pays, à la frontière avec le Mali. Ces crimes ont été confirmés par deux prêtres du diocèse de Nouna (dans l'ouest) au cours d'une conférence de presse organisée par l'association Aide à l'Église en détresse (AED), le 2 septembre.
Impuissante à masquer la gravité de ces dernières attaques, la junte au pouvoir a dépêché sur les lieux le chef d'état-major des armées et quatre ministres. Celui de la Communication a condamné « une attaque lâche et barbare » contre « des femmes, des enfants, des personnes âgées et des hommes, sans distinction » (Le Figaro, 29 août). « Il n'y a pas eu une tragédie de cette ampleur depuis que les attaques terroristes ont commencé et sévissent dans notre pays » a confirmé Mgr Théophile Naré, l'évêque du diocèse de Kaya, dont dépend Barsalogho, interviewé par la radio allemande Deutsche Welle (DW).
Le Burkina Faso était autrefois réputé en Afrique comme un modèle de dialogue et de cohabitation interreligieuse entre musulmans (60 % de la population) et chrétiens (20 %). Les djihadistes ciblent en priorité les chrétiens mais pas exclusivement, constate l'AED : « Un grand nombre de lieux de culte catholiques, protestants mais aussi animistes ont été détruits ou incendiés ces derniers mois. » L'intensité et la répétition de ces attaques menacent la vie de toutes les populations civiles, en particulier dans les localités reculées, où la pénurie s'installe, manque d'eau, de nourriture, d'électricité, de vêtements. Selon l'ONU, plus de 35 millions de personnes ont besoin d'aide humanitaire au Sahel où deux millions de personnes ont été déplacées à l'intérieur de leur pays. Les déboires militaires du Burkina Faso illustrent la vulnérabilité de l'ensemble des pays du Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) face à la montée en puissance du djihadisme africain depuis deux ans (Le Figaro du 23/07/024). C'est-à-dire depuis le désengagement des forces de l'ONU et surtout celui des militaires français de l'opération Barkhane, achevée à la fin de 2022. Force est de constater que les mercenaires russes appelés par les pouvoirs en place pour remplacer les Français servent davantage à protéger ces régimes dictatoriaux qu'à chasser les islamistes. Terrain de jeu des djihadistes, le Sahel est devenu une plaque tournante de trafics d'armes, de drogues et de migrants.
« Si le Sahel est sorti de l'actualité française, l'extension des territoires contrôlés par les islamistes reste une menace pour l'Europe » explique Yves Montenay (Centralien, Sciences Po et Docteur en démographie politique) dans la revue Contrepoints (en lien ci-dessous).