Inquiet pour sa survie, le Liban voudrait que les migrants syriens rentrent chez eux
Récemment, le ministre des Affaires sociales du Liban s'est rendu à Paris et à Bruxelles pour dire à l'Occident, notamment à l'ONU, qu'il fallait changer d'attitude à l'égard de son pays, submergé par les déplacés syriens. Quelques médias ont relayé le désarroi du Dr Hector Hajjar : le JDD reprend son propos « Notre peuple est en train d'être remplacé », tandis que RND souligne que « le Liban, au bord du chaos, lance un cri d'alarme ». Hormis les milieux sensibles à la cause chrétienne, sa tribune dans Le Figaro est passée inaperçue, alors qu'elle est riche en leçons : toute société plurielle ne doit-elle pas se soucier en permanence de ses déséquilibres internes ? Qualifié de « baromètre » ou de « laboratoire », le Liban nous renseigne depuis longtemps sur les possibilités d'une île démocratique dans l'océan proche-oriental.
Le Dr Hajjar n'est pas une tête brûlée. C'est un militant social. Fondateur de l'ONG Message de Paix, ce chirurgien-dentiste lutte pour l'insertion de personnes déficientes mentales. Il connaît bien les programmes humanitaires. Avec Caritas et Risala Assalam, il est aussi à l'origine des ONG Christian Entrepreneurs and Business Leaders, la Communauté des Frères Missionnaires et l'association Prévention, Soutien et Développement (PAD).
Le Dr Hajjar pointe la présence de deux millions de migrants syriens sur son sol, soit plus de 30 % de la population. Pour lui, « ils n'ont pas vocation à y rester pour des générations encore ». Il faut donc, estime-t-il, « que tout nouvel accord intègre la question [de leur] rapatriement ». Et d'ajouter : « Si tel n'était pas le cas, les Libanais comprendraient […] que la disparition de leur pays est une hypothèse de travail de la communauté internationale. » C'est ce point qui est le plus sensible. La communauté internationale empêche que les déplacés qui s'infiltrent illégalement au Liban soient expulsés, comme elle interdit l'expulsion des prisonniers, après qu'ils ont purgé leur peine, en contradiction avec le droit international.
Aujourd'hui, 1 468 000 personnes déplacées sont enregistrées, mais plus de 500 000 ne le sont pas. Or, la communauté internationale déploie tous ses efforts pour que les Syriens restent sur place. Ils reçoivent de l'argent (cash assistance) et ont un accès prioritaire à des services que les Libanais ne peuvent pas s'offrir, comme l'hôpital. Certains en arrivent à se faire passer pour réfugiés pour accéder à ces prestations.
Les Syriens sont présents dans 97 % des municipalités, c'est-à-dire partout. Pour chaque naissance d'un enfant libanais, il y a quatre naissances d'enfants syriens, dénués de papiers d'identité. Le nombre de Libanais augmente de 1 % par an, contre 4 % chez les Syriens. Selon le Dr Hajjar, 85 % des crimes sont commis par des Syriens, 40 % des détenus sont de nationalité syrienne.
« Le Liban, écrit le Dr Hajjar, est pris en étau ». D'un côté, la communauté internationale impose et organise la présence de deux millions de déplacés au Liban, de l'autre, les pays donateurs de l'UNRWA (Office de Secours et de Travaux des Nations Unies pour les Réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient) menacent de cesser leur financement, « alors que près de 500 000 Palestiniens vivent dans notre pays ».
« 80 % des Libanais vivent sous le seuil de pauvreté, et des radeaux de familles désespérées quittent déjà régulièrement le port de Tripoli », s'afflige le Dr Hajjar. Nul n'a intérêt à ce que ce « phare de la liberté » s'éteigne.