Politique
Immigration et contraception face à la « fenêtre d’Overton »
Lobbyiste et politologue libéral américain mort prématurément, Joseph Overton (1960-2003) inventa un concept grâce auquel son nom est toujours connu et risque fort de l’être de plus en plus. Ce concept s’appelle « la fenêtre d’Overton ». À la vérité, il s’agit plus d’un outil que d’un concept.
Elle correspond à la « fenêtre de l’imaginaire » en ce sens qu’elle recouvre le spectre des idées qu’une société juge acceptable. On y trouve les valeurs auxquelles ses membres s’identifient naturellement et pour lesquelles il vaut la peine de se battre. Évidemment, il n’y a rien de naturel. Tout est culturel. La « fenêtre d’Overton » dit bien son nom : c’est un cadre à l’intérieur duquel la société s’autorise à penser. Hors de ce cadre, point de salut.
Attention, cet outil ne sert pas à distinguer les démocraties des dictatures. Longtemps, sous la guerre froide, on vécut sur l’adage inspiré par Jean-Louis Barrault : « En démocratie, on dit "cause toujours" et en dictature, on dit "tais-toi" ». Grâce à ce bon mot, on savait que la RFA n’était pas la RDA et qu’aujourd’hui encore la Suisse n’est pas la Corée du Nord. Rien de plus. On n’allait pas plus loin que « le camp du bien » d’un côté et « l’axe du mal » de l’autre. Cette distinction-là ne disait rien de la manière dont une société fait circuler les idées en son sein, les promeut ou les proscrit, aussi bien en Suisse qu’en Corée du Nord. Car, soyons-en persuadés, « on fait » circuler les idées. En Occident, dans cet hypermarché de l’influence, les media sont des grossistes et les journalistes des magasiniers. Avec la « fenêtre d’Overton », les idées ressemblent aux fruits et légumes sur un étal. Ceux-ci sont admis à la consommation – non du ventre mais de l’esprit. Les produits gâtés ou empoisonnés ne sont même pas proposés aux clients. Si la grande surface s’avisait de le faire, elle romprait un pacte tacite et s’exposerait au mieux à la surprise, au pis aux plaintes du consommateur troublé et choqué.
Pour les idées, c’est la même chose. Exemple donné par France Culture : « l’idée d’une Sécurité sociale pour tous est acquise en France, alors qu’aux États-Unis, c’est une idée d’extrême gauche ». Tous les hypermarchés ne se ressemblent pas : d’une société à l’autre, les mêmes produits n’y abondent pas. Ici, le mot « fenêtre » n’est pas le mieux choisi. Il est trop immobile.
Avec le temps, la « fenêtre d’Overton » bouge sur le mur des idées. On peut la déplacer, y faire entrer des certitudes qui étaient dans l’ombre, ignorées ou bannies. Inversement, on peut en sortir des principes qu’on croyait bien installés en pleine lumière.
Comment cette « fenêtre » bouge-t-elle ?
Le système fonctionne à la fois comme un clapet et un cliquet. Un clapet se lève ou se ferme pour permettre ou empêcher le passage d’un fluide. Il laisse passer ou fait barrage. Quant au cliquet, il empêche quelque chose de revenir en arrière et force tout le système à aller de l'avant.
Exemple de clapet : l’immigration. Ici, le mécanisme se ferme pour le bloquer en dehors de la « fenêtre d’Overton ». On a beau gloser dessus à longueur d’antenne et de plateaux TV, le RN a beau être pressenti au second tour de la présidentielle, ce n’est pas un sujet acceptable. Preuve en est la condamnation de Thaïs d'Escufon, ex-porte-parole de Génération identitaire, à deux mois de prison avec sursis, après une opération anti-migrants à la frontière entre la France et l’Espagne. La jeune femme estime que sa peine vise « à servir d’exemple pour criminaliser le discours anti-immigration ». Le verbe est fort mais juste. Il ne s’agit pas d’acquiescer à l’action du mouvement dissous. Un citoyen ne peut pas s’improviser agent public et s’opposer à l’entrée sur le territoire de personnes dont il ne sait pas si elles peuvent prétendre au droit d’asile prévu par la constitution.
Exemple de cliquet : la contraception. Déjà accessible gratuitement pour les jeunes filles mineures, elle le sera bientôt pour les femmes jusqu'à 25 ans inclus. Comme l’illustre l’article du Monde, il y a un sens à l’histoire et celle-ci franchit les obstacles pour tendre vers un seul but. L’AFP titre sur « la longue marche vers la liberté de contraception en France ». Le sujet est perçu comme allant de soi, placé au milieu de la « fenêtre » et tout est entrepris pour l’y maintenir. Toute contestation de la politique contraceptive placera son auteur dans les ténèbres extérieures.
Elle correspond à la « fenêtre de l’imaginaire » en ce sens qu’elle recouvre le spectre des idées qu’une société juge acceptable. On y trouve les valeurs auxquelles ses membres s’identifient naturellement et pour lesquelles il vaut la peine de se battre. Évidemment, il n’y a rien de naturel. Tout est culturel. La « fenêtre d’Overton » dit bien son nom : c’est un cadre à l’intérieur duquel la société s’autorise à penser. Hors de ce cadre, point de salut.
Attention, cet outil ne sert pas à distinguer les démocraties des dictatures. Longtemps, sous la guerre froide, on vécut sur l’adage inspiré par Jean-Louis Barrault : « En démocratie, on dit "cause toujours" et en dictature, on dit "tais-toi" ». Grâce à ce bon mot, on savait que la RFA n’était pas la RDA et qu’aujourd’hui encore la Suisse n’est pas la Corée du Nord. Rien de plus. On n’allait pas plus loin que « le camp du bien » d’un côté et « l’axe du mal » de l’autre. Cette distinction-là ne disait rien de la manière dont une société fait circuler les idées en son sein, les promeut ou les proscrit, aussi bien en Suisse qu’en Corée du Nord. Car, soyons-en persuadés, « on fait » circuler les idées. En Occident, dans cet hypermarché de l’influence, les media sont des grossistes et les journalistes des magasiniers. Avec la « fenêtre d’Overton », les idées ressemblent aux fruits et légumes sur un étal. Ceux-ci sont admis à la consommation – non du ventre mais de l’esprit. Les produits gâtés ou empoisonnés ne sont même pas proposés aux clients. Si la grande surface s’avisait de le faire, elle romprait un pacte tacite et s’exposerait au mieux à la surprise, au pis aux plaintes du consommateur troublé et choqué.
Pour les idées, c’est la même chose. Exemple donné par France Culture : « l’idée d’une Sécurité sociale pour tous est acquise en France, alors qu’aux États-Unis, c’est une idée d’extrême gauche ». Tous les hypermarchés ne se ressemblent pas : d’une société à l’autre, les mêmes produits n’y abondent pas. Ici, le mot « fenêtre » n’est pas le mieux choisi. Il est trop immobile.
Avec le temps, la « fenêtre d’Overton » bouge sur le mur des idées. On peut la déplacer, y faire entrer des certitudes qui étaient dans l’ombre, ignorées ou bannies. Inversement, on peut en sortir des principes qu’on croyait bien installés en pleine lumière.
Comment cette « fenêtre » bouge-t-elle ?
Le système fonctionne à la fois comme un clapet et un cliquet. Un clapet se lève ou se ferme pour permettre ou empêcher le passage d’un fluide. Il laisse passer ou fait barrage. Quant au cliquet, il empêche quelque chose de revenir en arrière et force tout le système à aller de l'avant.
Exemple de clapet : l’immigration. Ici, le mécanisme se ferme pour le bloquer en dehors de la « fenêtre d’Overton ». On a beau gloser dessus à longueur d’antenne et de plateaux TV, le RN a beau être pressenti au second tour de la présidentielle, ce n’est pas un sujet acceptable. Preuve en est la condamnation de Thaïs d'Escufon, ex-porte-parole de Génération identitaire, à deux mois de prison avec sursis, après une opération anti-migrants à la frontière entre la France et l’Espagne. La jeune femme estime que sa peine vise « à servir d’exemple pour criminaliser le discours anti-immigration ». Le verbe est fort mais juste. Il ne s’agit pas d’acquiescer à l’action du mouvement dissous. Un citoyen ne peut pas s’improviser agent public et s’opposer à l’entrée sur le territoire de personnes dont il ne sait pas si elles peuvent prétendre au droit d’asile prévu par la constitution.
Exemple de cliquet : la contraception. Déjà accessible gratuitement pour les jeunes filles mineures, elle le sera bientôt pour les femmes jusqu'à 25 ans inclus. Comme l’illustre l’article du Monde, il y a un sens à l’histoire et celle-ci franchit les obstacles pour tendre vers un seul but. L’AFP titre sur « la longue marche vers la liberté de contraception en France ». Le sujet est perçu comme allant de soi, placé au milieu de la « fenêtre » et tout est entrepris pour l’y maintenir. Toute contestation de la politique contraceptive placera son auteur dans les ténèbres extérieures.