Santé
Ils voulaient confiner l'info ...
C’est l’homme dont tout le monde parle : le professeur Didier Raoult. Grâce à lui, les Français savent que la chloroquine peut probablement guérir le coronavirus. Sans les réseaux sociaux, cette info serait restée confinée. Aujourd'hui, sa viralité est telle qu'elle oblige les autorités à en tenir compte.
Hier, le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, annonçait que la chloroquine serait analysée à grande échelle dans le cadre de l’étude Discovery. Ce programme va mobiliser 3200 patients en Europe dont 800 en France, avec cinq hôpitaux français. Si l'IHU Méditerranée Infection du Pr Raoult ne figure pas sur la liste, c'est tout de même une victoire pour lui.
Jérôme Salomon s’écria : « Ce qui compte aujourd'hui, (…) c'est qu'on produise tous (…) des connaissances scientifiques en urgence dans des bonnes conditions pour que très rapidement les solutions apparaissent, qu'elles soient négatives ou positives ». À lire entre les lignes, le DGS reproche au Pr. Raoult d’avoir agi en solo et d'avoir produit des résultats présomptueux. Je ne suis pas compétent pour en juger ; je sais simplement que lorsque le professeur Luc Montagnier parlait du sida, on écoutait ce qu'il disait sans a priori négatif. Ici, c'est l'inverse. Citons le ministre de la Santé, Olivier Véran :
1. « Jamais aucun pays (...) n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci (celle du Pr. Raoult menée sur 24 patients seulement). »
2. « L’histoire des maladies virales est peuplée de fausses bonnes nouvelles, (...) de prises de risques inconsidérées aussi. »
Chacun attend des autorités qu'elles s'expriment avec prudence. Mais la prudence confine ici à l’obstruction. Vu sa légitimité, le Pr Raoult aurait dû être la première personne consultée au plus haut niveau. « C’est une sommité mondiale que j’estime beaucoup », me confiait l’ancien ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy (qui refusa le poste occupé aujourd’hui par Olivier Véran). Alors pourquoi cette défiance initiale ? Il y a beaucoup de raisons. Relatons ici simplement la séquence médiatique :
Le 20 mars, l’Agence France-Presse titra : « Charlatan ou précurseur ? » Un media aussi officiel que l’AFP sait que le mot « charlatan » sert à jeter le discrédit, même avec un point d'interrogation. Le Parisien, comme d'autres, le reprit dans le papier ci-joint. Lisons la suite : « Fin février, via une vidéo, [le Pr Raoult] annonce la "fin de partie" contre le nouveau coronavirus (…) : la chloroquine, une banale molécule utilisée contre le paludisme, serait l'arme principale pour l'annihiler. (…) Trop facile pour être vrai ? Les critiques affluent, notamment de FakeMed, un collectif de scientifiques en lutte contre les fausses informations (…). » Le Dr Cyril Vidal préside Fakemed. C'est un chirurgien-dentiste, sans compétence virologique. Ce qu’il reproche au Pr Raoult, c’est une communication affranchie des procédures habituelles. Pour lui, « le problème, ce n’est pas la vérité du contenu (sic), c’est de mettre à la disposition du grand public des infos qu’il n’est pas en mesure de comprendre ». Cette phrase en dit long sur une forme de confinement intellectuel. Quel risque fait courir la chloroquine comparé à la solution qu'elle peut représenter ? Cette question-clé importa peu aux Décodeurs, media de vérification du Monde, qui épinglèrent la vidéo du Pr Raoult, ce qui conduisit Facebook à accoler un bandeau « Information partiellement fausse ». Dans la foulée, le ministère de la Santé parla de Fake News. Ensuite, l'infectiologue renomma sa vidéo "Vers une sortie de crise". Le Pr Raoult eut la bonne idée de la faire plus longue. Les Décodeurs retirèrent alors leur signalement. Les écoles de journalisme pourraient méditer trois points :
Y a-t-il un effet pervers du décodage ? « Une vidéo m'accusant de diffuser des Fake News a (…) été vue 450.000 fois sur Facebook, mais cela a fait une publicité considérable », constata le Pr Raoult. Finalement, le media qui voulait l’étouffer fit sa promotion. Les internautes se doutèrent que « décodage » rime avec « flicage ».
Pourquoi Facebook officie-t-il avec Les Décodeurs ? Soi-disant, pour trier le vrai du faux. Mais comment le réseau social vérifie-t-il que ce service-là est bien rendu ? Facebook va-t-il résilier cette forme d'exclusivité ? Si on fait obstacle à une information vraie, on véhicule soi-même une Fake News.
Pourquoi la légitimité des Décodeurs serait-elle supérieure à celle du Pr Raoult ? Sont-ils infectiologues ? Où prennent-ils leurs avis ? Aujourd’hui, le Dr Vidal joue l’apaisement. « Il s’agissait, m’a-t-il assuré, de relayer un message de prudence. Nous n’avons jamais dit que c’était un mensonge ». Se raviser ainsi paraît un peu tardif car le ministère de la Santé l’interpréta autrement et les internautes aussi. Cela pose la question du langage utilisé par Les Décodeurs pour qualifier ou disqualifier une information.
Au bout du compte, combien de morts auraient pu être évités sans ces atermoiements ? De précieuses semaines furent peut-être perdues dans la lutte contre l’épidémie.
Hier, le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, annonçait que la chloroquine serait analysée à grande échelle dans le cadre de l’étude Discovery. Ce programme va mobiliser 3200 patients en Europe dont 800 en France, avec cinq hôpitaux français. Si l'IHU Méditerranée Infection du Pr Raoult ne figure pas sur la liste, c'est tout de même une victoire pour lui.
Jérôme Salomon s’écria : « Ce qui compte aujourd'hui, (…) c'est qu'on produise tous (…) des connaissances scientifiques en urgence dans des bonnes conditions pour que très rapidement les solutions apparaissent, qu'elles soient négatives ou positives ». À lire entre les lignes, le DGS reproche au Pr. Raoult d’avoir agi en solo et d'avoir produit des résultats présomptueux. Je ne suis pas compétent pour en juger ; je sais simplement que lorsque le professeur Luc Montagnier parlait du sida, on écoutait ce qu'il disait sans a priori négatif. Ici, c'est l'inverse. Citons le ministre de la Santé, Olivier Véran :
1. « Jamais aucun pays (...) n’a accordé une autorisation de traitement sur la base d’une étude comme celle-ci (celle du Pr. Raoult menée sur 24 patients seulement). »
2. « L’histoire des maladies virales est peuplée de fausses bonnes nouvelles, (...) de prises de risques inconsidérées aussi. »
Chacun attend des autorités qu'elles s'expriment avec prudence. Mais la prudence confine ici à l’obstruction. Vu sa légitimité, le Pr Raoult aurait dû être la première personne consultée au plus haut niveau. « C’est une sommité mondiale que j’estime beaucoup », me confiait l’ancien ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy (qui refusa le poste occupé aujourd’hui par Olivier Véran). Alors pourquoi cette défiance initiale ? Il y a beaucoup de raisons. Relatons ici simplement la séquence médiatique :
Le 20 mars, l’Agence France-Presse titra : « Charlatan ou précurseur ? » Un media aussi officiel que l’AFP sait que le mot « charlatan » sert à jeter le discrédit, même avec un point d'interrogation. Le Parisien, comme d'autres, le reprit dans le papier ci-joint. Lisons la suite : « Fin février, via une vidéo, [le Pr Raoult] annonce la "fin de partie" contre le nouveau coronavirus (…) : la chloroquine, une banale molécule utilisée contre le paludisme, serait l'arme principale pour l'annihiler. (…) Trop facile pour être vrai ? Les critiques affluent, notamment de FakeMed, un collectif de scientifiques en lutte contre les fausses informations (…). » Le Dr Cyril Vidal préside Fakemed. C'est un chirurgien-dentiste, sans compétence virologique. Ce qu’il reproche au Pr Raoult, c’est une communication affranchie des procédures habituelles. Pour lui, « le problème, ce n’est pas la vérité du contenu (sic), c’est de mettre à la disposition du grand public des infos qu’il n’est pas en mesure de comprendre ». Cette phrase en dit long sur une forme de confinement intellectuel. Quel risque fait courir la chloroquine comparé à la solution qu'elle peut représenter ? Cette question-clé importa peu aux Décodeurs, media de vérification du Monde, qui épinglèrent la vidéo du Pr Raoult, ce qui conduisit Facebook à accoler un bandeau « Information partiellement fausse ». Dans la foulée, le ministère de la Santé parla de Fake News. Ensuite, l'infectiologue renomma sa vidéo "Vers une sortie de crise". Le Pr Raoult eut la bonne idée de la faire plus longue. Les Décodeurs retirèrent alors leur signalement. Les écoles de journalisme pourraient méditer trois points :
Y a-t-il un effet pervers du décodage ? « Une vidéo m'accusant de diffuser des Fake News a (…) été vue 450.000 fois sur Facebook, mais cela a fait une publicité considérable », constata le Pr Raoult. Finalement, le media qui voulait l’étouffer fit sa promotion. Les internautes se doutèrent que « décodage » rime avec « flicage ».
Pourquoi Facebook officie-t-il avec Les Décodeurs ? Soi-disant, pour trier le vrai du faux. Mais comment le réseau social vérifie-t-il que ce service-là est bien rendu ? Facebook va-t-il résilier cette forme d'exclusivité ? Si on fait obstacle à une information vraie, on véhicule soi-même une Fake News.
Pourquoi la légitimité des Décodeurs serait-elle supérieure à celle du Pr Raoult ? Sont-ils infectiologues ? Où prennent-ils leurs avis ? Aujourd’hui, le Dr Vidal joue l’apaisement. « Il s’agissait, m’a-t-il assuré, de relayer un message de prudence. Nous n’avons jamais dit que c’était un mensonge ». Se raviser ainsi paraît un peu tardif car le ministère de la Santé l’interpréta autrement et les internautes aussi. Cela pose la question du langage utilisé par Les Décodeurs pour qualifier ou disqualifier une information.
Au bout du compte, combien de morts auraient pu être évités sans ces atermoiements ? De précieuses semaines furent peut-être perdues dans la lutte contre l’épidémie.