Santé

Quand la hausse de consommation de marijuana par les séniors américains a de quoi nous inquiéter…

Par Corentin Rahier. Synthèse n°2095, Publiée le 24/01/2024 - Image : Une feuille de cannabis dans les mains d'un médecin. (Shutterstock)

Utilisée afin de soigner les douleurs ou d'apaiser l'anxiété des patients américains, la marijuana a connu aux États-Unis une consommation record en 2022. Analyse.

Tout part du constat d'une étude fédérale de la SAMHSA (Administration des Services liés aux Abus de Substances et à la Santé Mentale). Selon elle, 8 % des plus de 65 ans américains ont consommé de la marijuana en 2022, soit un doublement du taux en sept ans. Menée aussi bien sur des mineurs (12-17 ans) que sur des majeurs, l'Enquête nationale sur l'usage de drogues et la santé (NSDUH) révèle ainsi une hausse globale de l'usage des dérivés cannabiniques. Celle-ci n'est toutefois pas imputable aux jeunes générations dont la consommation recule. C'est en réalité le public majeur, particulièrement les séniors, qui emploie davantage ces drogues, principalement dans un but thérapeutique. Bien qu'apaisant, ce succédané nouveau des traitements classiques comporte plusieurs risques que relève le Washington Post.

Les problèmes potentiels sont nombreux et variés. Fumer de la marijuana peut tout d'abord interférer avec les autres médicaments prescrits. Pour les patients souffrant de douleurs chroniques sous opiacés, il faudra par exemple réduire les dosages s'ils cherchent un soulagement supplémentaire dans le cannabis. Par ailleurs suspectée d'entraîner des troubles de la mémoire, la consommation est déconseillée aux personnes souffrant d'Alzheimer. Les risques de développer de l'anxiété entre les prises de drogue « quand on n'est pas shooté » sont également pointés du doigt. De plus, si la marijuana est combinée à des facteurs de risques cardiaques, elle est susceptible d'entraîner plus facilement arythmies, insuffisances, attaques ou AVC.

La législation s'assouplissant, l'usage de la marijuana augmente et de nouveaux syndromes apparaissent, comme le SHC (Syndrome d'hyperémèse cannabinoïde). Présenté à travers le cas de Queen, ce nouveau fléau n'est documenté que depuis 2004 où des cas ont été observés en Australie. Touchant dès le début de la vingtaine les consommateurs réguliers de cannabis ou de ses dérivés, il se répand de façon évidente dans les pays autorisant l'usage récréatif et thérapeutique de ces drogues, à mesure que les restrictions diminuent.

Devant de tels constats, la logique voudrait qu'un principe de précaution soit appliqué et que la consommation soit suspendue ou diminuée afin de laisser le temps aux enquêteurs de mesurer les conséquences du phénomène. Les médecins se heurtent pourtant à une forte incrédulité de leurs patients, convaincus des bienfaits perçus. La faute à la fois aux douleurs diminuées et aux discours martelés pendant des années sur une drogue sans accoutumance et ne présentant pas de danger. Dans le cas du SHC, pourtant directement induit par la consommation régulière, difficile de convaincre du lien entre vomissements et cannabis, ce dernier étant parfois prescrit comme anti-nausées. L'appel le plus raisonnable résonne dans les mots d'un des interrogés, ancien fumeur : « n'entrez pas là-dedans en pensant aveuglément que la marijuana n'a pas de conséquences et que c'est un cadeau de Dieu ».

L'article présente les avis de plusieurs experts selon lesquels nous manquons de données solides sur le sujet. Il est en effet difficile d'établir le lien direct entre des troubles de l'usage constatés et une dépendance ou des effets physiques indésirables. Dans le cas du SHC, les doutes sont sérieux. Des questions similaires se posent avec le CBD, version récréative censée ne pas contenir de THC (substance principale de la drogue). Ces pratiques étant récentes, il est difficile pour le moment de statuer sur leurs caractères nocifs. Notons à ce propos que l'étude a introduit depuis 2021 le vapotage (cigarettes électroniques) dans ses analyses.

Un dernier aspect important du débat souligné est celui du dosage. Nombre de ceux qui ont recours à la drogue se souviennent de celle de leur jeunesse et des taux relativement faibles de THC qu'elle contenait. Or, la concentration peut parfois dépasser les 50 % du produit aujourd'hui. Un septuagénaire recourant à ces doses fortes pour s'endormir reconnaît qu'il aimerait en savoir davantage et que des recherches soient menées sur les conséquences possibles d'un tel taux. Sa mémoire chutant dernièrement, il s'interroge : « S'il y a des chances pour que cela ait des conséquences sur ma santé, je voudrais le réduire. »

Cette situation américaine doit nous interroger en France. La pression pour la légalisation s'intensifie dans le débat, l'hypothèse d'une légalisation se faisant prégnante jusqu'au Sénat. La consommation, quoique moins documentée, progresse également chez nous. Cette poussée est valable aussi pour le trafic qui s'adapte à ses clients par la création d'UberCoke ou UberShit. Gageons qu'il ne soit pas trop tard pour réagir et inverser la vapeur.


La sélection
Seniors are embracing marijuana, which offers relief — and risk
Lire l'article sur le Washington Post
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