La guerre « sans limites » d'Emmanuel Macron, épisode de la campagne électorale
Les propos d'Emmanuel Macron n'excluant pas, lors de la conférence internationale de soutien à l'Ukraine, le 27 février, la possibilité d'y envoyer des troupes au sol, ont suscité de très vives réactions françaises et internationales (cf. LSDJ n°2130). Depuis cette conférence de soutien à l'Ukraine, les États-Unis ont joint leurs voix à celles de plusieurs membres de l'UE, au premier chef l'Allemagne, pour désavouer sèchement le bellicisme d'Emmanuel Macron, rapporte Ouest-France (9 mars) : « Le président ukrainien Volodymyr Zelensky n'a jamais demandé que des troupes étrangères combattent pour son pays, a dit mardi 5 mars 2024 un porte-parole de la Maison Blanche, interrogé sur des propos du président français Emmanuel Macron concernant l'envoi de troupes. »
S'agit-il d'une habile « ambiguïté stratégique » ou d'une dangereuse gaffe nous faisant glisser vers la belligérance ? On attendait une clarification du Président à l'occasion de sa réception le 7 mars, à l'Élysée, des chefs des principaux partis représentés au Parlement pour évoquer la guerre en Ukraine. Or, à l'issue de la rencontre, plusieurs participants ont confirmé qu'Emmanuel Macron ne fixait plus aucune « ligne rouge » au soutien de la France (La Croix, 7 mars).
A qui donc s'adressait ce message d'Emmanuel Macron, et dans quel but l'a-t-il réitéré ? Selon la Secrétaire nationale d'Europe Écologie Les Verts, Marine Tondelier, le chef de l'État a expliqué que « comme nous avions en face de nous Vladimir Poutine, qui manifestement est sans limite », s'en « fixer nous-mêmes », « intérioriser des limites » serait « lui donner un avantage comparatif ». Vladimir Poutine étant parfaitement informé des faiblesses militaires et financières de la France et, à présent, de son isolement par rapport à ses alliés, il est douteux que le Président pense intimider le maître du Kremlin. En revanche, il paraît clair que le chef de l'État veut mettre les partis d'opposition devant le choix d'assumer leur soutien à l'Ukraine en approuvant sa rhétorique guerrière, ou de s'en démarquer au risque d'être catalogués de « défaitistes » ou de « munichois ». Le piège est simple pour ne pas dire grossier : « Une instrumentalisation aux fins de campagne électorale pour les élections européennes » a dénoncé Éric Ciotti, président des Républicains (LR), l'une des « forces réactionnaires » visées par Emmanuel Macron. Mais la cible principale est le Rassemblement National (RN) dont le président et tête de liste, Jordan Bardella, caracole en tête des sondages avec 10 points d'avance sur Renaissance, le parti présidentiel. Nouvellement choisie et quasi inconnue des Français, Valérie Hayer, députée européenne du groupe Renew Europe et co-présidente de la majorité présidentielle L'Europe Ensemble au Parlement européen, a lancé ce samedi 9 mars la campagne des élections européennes en présence de « toute la famille macroniste : les membres du gouvernement et tous les parlementaires Renaissance » relève France info. « Une campagne lancée tardivement et qui va désormais se déployer tous azimuts ». L'objectif de cette force de frappe : « Taper à fond sur le RN pour mobiliser notre électorat », a confié un ministre à France info. Quant au programme, il reste à découvrir.
Aussi peu sophistiqué soit-il, le piège tendu à l'opposition va-t-il fonctionner ? On sera fixé la semaine prochaine, annonce Le Figaro (6 mars) : « Il ne reste plus que quelques jours aux uns et aux autres pour figer définitivement leurs positions. La semaine prochaine, les parlementaires sont en effet appelés à se prononcer sur le plan de soutien de la France à l'Ukraine, dans le conflit qui oppose Moscou à Kiev depuis plus de deux ans. Annoncé par Emmanuel Macron au lendemain de sa sortie controversée sur un éventuel envoi de troupes occidentales en renfort de Kiev, ce débat suivi d'un vote doit se tenir dans les deux chambres : mardi à l'Assemblée, puis mercredi au Sénat. » Mais s'agissant de l'opinion publique, la cause semble entendue : 68 % des Français considèrent qu'Emmanuel « a eu tort », selon un sondage Odoxa-Backbone Consulting pour Le Figaro (sondage du 29 février, en lien ci-dessous).