Politique
Grand oral devant le Sénat : Gérald Darmanin plie mais ne rompt pas
Après le fiasco de la finale de la Ligue des Champions (LSDJ n°1601), le Sénat convoqua mercredi le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, et son alter ego des Sports Amélie Oudéa-Castéra. L'audition dura trois heures dans ce cénacle poli de l'opposition à la Macronie.
Que montre-t-elle ? Si l'épouse du PDG de la Société Générale la joue discrète, l'ex-maire nordiste se fait pugnace. Tous deux restent vissés à la version de la fraude massive venue d'Angleterre. Gérald Darmanin ne lâche que sur des détails, comme les deux saisines IGPN ou la possibilité donnée aux Anglais de porter plainte (bonne chance...).
Fort de la « confiance » d'Emmanuel Macron, il répond au vœu élyséen de ménager l’électorat de La France insoumise, convoité depuis la présidentielle et dont la Seine-Saint-Denis se révéla être un bastion. Sans les urnes, Gérald Darmanin s'accrocherait-il à cette défense-là ?
Malgré l’injonction de transparence, les sénateurs échouent à déstabiliser le ministre de l’Intérieur. À aucun moment, Gérald Darmanin ne concède que la délinquance localement organisée est la cause première du préjudice subi par la France et son image. Rien n’émerge sur les bandes de fauteurs de troubles : sont-ils mineurs isolés, clandestins, récidivistes, connus de la police ? Le fait que la plupart soient issus de l'immigration maghrébine et africaine n'est pas un sujet. « Quel type de Français ont été interpellés ? » Cette question, ce pilier de la Macronie, plutôt situé à droite, se la pose à lui-même pour signifier à la Haute Assemblée qu'il est indigne de la formuler. Cet impensé demeure.
Or, comme le souligne une sénatrice, « ce ne sont pas les faux billets qui agressent ». En faisant de Liverpool le « mal-racine » du fiasco, Gérald Darmanin cache la racine du mal, l’ensauvagement des « territoires perdus de la République » et l’inaction volontaire de tout gouvernement à leur égard.
La seule fois que « l’essentialisation de la délinquance » est abordée (18:45), c’est pour s’étonner que des sénateurs fassent des « liens très nauséabonds qui font écho à une campagne présidentielle que pourtant les extrémismes ont perdu ». Gérald Darmanin réplique encore : « Quand vous dites que depuis 1998, la Seine-Saint-Denis a changé, vous faites le jeu de partis assez extrêmes. »
En fait, le ministre prend les Anglais en otage. Liverpool est son issue de secours. Essentialiser les Reds permet d’invisibiliser la délinquance. D’où le sentiment d’injustice outre-Manche : Liverpool refuse d’autant plus le rôle de méchant que des supporters britanniques crurent mourir ce soir-là, après avoir été dépouillés, matraqués et gazés, parfois sans avoir vu le match qu’ils avaient payé.
Pourtant, « il y avait très largement assez d’effectif de police », reconnaît Gérald Darmanin, sans voir que cet argument l’enfonce. Il pointe « l’événement sportif qui a le plus mobilisé de policiers et de gendarmes (6800) depuis qu’[il est] ministre de l’Intérieur ». Il y en avait 346 en civil ou des brigades anticriminalité (BAC), soit le double que pour la finale de la Coupe de France. Mais en raison de la grève du RER B, « les flux venant du RER D étaient 3,5 fois plus important » que lors de ce précédent événement.
Partant de là, Gérald Darmanin affirme que « 35 000 » supporters de plus que la jauge prévue se seraient présentés au Stade de France, munis de billets falsifiés ou sans billet. Quand on lui oppose que la connectique d'Orange ne compta que 2809 faux billets, le ministre répond que plusieurs furent « dupliqués des centaines de fois », parlant même de « 760 fois ». C'était si massif que l'organisation pensa un moment que ses stylos de vérification ne fonctionnaient pas.
Gérald Darmanin maintient que 110 000 personnes se trouvaient au Stade de France dont 75 000 « seulement » avec des billets UEFA. Sauf qu’aucune image, ni aucun témoignage n’atteste cette version. Le ministre se dérobe quand un sénateur suggère de vérifier l'affluence exceptionnelle sur le film pris par l’hélicoptère de la gendarmerie. On attend avec impatience que parlent les vidéos recensées par le club de Liverpool, même si elles ne seront pas aériennes.
Si Gérald Darmanin avait raison, cela ne le dédouanerait pas. « Soit la police savait qu'il y aurait trop de monde et elle ne sut pas s'adapter, soit elle ne le savait pas et elle n’était pas prête », note un sénateur. Pareil pour les billets : si le risque du papier était si grand, pourquoi le renseignement n'en fit-il pas état ? Pourquoi ne pas avoir abordé le sujet en amont avec le club de Liverpool ?
Une question concerne Steve Douglas, le journaliste anglais obligé de supprimer ses vidéos. Le ministre « oublie » d'y répondre. Ce grand oral a pour limite que les questions ne sont pas posées l'une après l'autre mais en grappe, ce qui permet à Gérald Darmanin de les trier. Dommage.
Sa défense tient sur un point : les « incidents » éclatèrent aux seules entrées des virages britanniques Y, Z et A. Ce qui n'empêche pas le Real Madrid de demander ce soir sur quels critères la France fut choisie pour accueillir cette finale.
Que montre-t-elle ? Si l'épouse du PDG de la Société Générale la joue discrète, l'ex-maire nordiste se fait pugnace. Tous deux restent vissés à la version de la fraude massive venue d'Angleterre. Gérald Darmanin ne lâche que sur des détails, comme les deux saisines IGPN ou la possibilité donnée aux Anglais de porter plainte (bonne chance...).
Fort de la « confiance » d'Emmanuel Macron, il répond au vœu élyséen de ménager l’électorat de La France insoumise, convoité depuis la présidentielle et dont la Seine-Saint-Denis se révéla être un bastion. Sans les urnes, Gérald Darmanin s'accrocherait-il à cette défense-là ?
Malgré l’injonction de transparence, les sénateurs échouent à déstabiliser le ministre de l’Intérieur. À aucun moment, Gérald Darmanin ne concède que la délinquance localement organisée est la cause première du préjudice subi par la France et son image. Rien n’émerge sur les bandes de fauteurs de troubles : sont-ils mineurs isolés, clandestins, récidivistes, connus de la police ? Le fait que la plupart soient issus de l'immigration maghrébine et africaine n'est pas un sujet. « Quel type de Français ont été interpellés ? » Cette question, ce pilier de la Macronie, plutôt situé à droite, se la pose à lui-même pour signifier à la Haute Assemblée qu'il est indigne de la formuler. Cet impensé demeure.
Or, comme le souligne une sénatrice, « ce ne sont pas les faux billets qui agressent ». En faisant de Liverpool le « mal-racine » du fiasco, Gérald Darmanin cache la racine du mal, l’ensauvagement des « territoires perdus de la République » et l’inaction volontaire de tout gouvernement à leur égard.
La seule fois que « l’essentialisation de la délinquance » est abordée (18:45), c’est pour s’étonner que des sénateurs fassent des « liens très nauséabonds qui font écho à une campagne présidentielle que pourtant les extrémismes ont perdu ». Gérald Darmanin réplique encore : « Quand vous dites que depuis 1998, la Seine-Saint-Denis a changé, vous faites le jeu de partis assez extrêmes. »
En fait, le ministre prend les Anglais en otage. Liverpool est son issue de secours. Essentialiser les Reds permet d’invisibiliser la délinquance. D’où le sentiment d’injustice outre-Manche : Liverpool refuse d’autant plus le rôle de méchant que des supporters britanniques crurent mourir ce soir-là, après avoir été dépouillés, matraqués et gazés, parfois sans avoir vu le match qu’ils avaient payé.
Pourtant, « il y avait très largement assez d’effectif de police », reconnaît Gérald Darmanin, sans voir que cet argument l’enfonce. Il pointe « l’événement sportif qui a le plus mobilisé de policiers et de gendarmes (6800) depuis qu’[il est] ministre de l’Intérieur ». Il y en avait 346 en civil ou des brigades anticriminalité (BAC), soit le double que pour la finale de la Coupe de France. Mais en raison de la grève du RER B, « les flux venant du RER D étaient 3,5 fois plus important » que lors de ce précédent événement.
Partant de là, Gérald Darmanin affirme que « 35 000 » supporters de plus que la jauge prévue se seraient présentés au Stade de France, munis de billets falsifiés ou sans billet. Quand on lui oppose que la connectique d'Orange ne compta que 2809 faux billets, le ministre répond que plusieurs furent « dupliqués des centaines de fois », parlant même de « 760 fois ». C'était si massif que l'organisation pensa un moment que ses stylos de vérification ne fonctionnaient pas.
Gérald Darmanin maintient que 110 000 personnes se trouvaient au Stade de France dont 75 000 « seulement » avec des billets UEFA. Sauf qu’aucune image, ni aucun témoignage n’atteste cette version. Le ministre se dérobe quand un sénateur suggère de vérifier l'affluence exceptionnelle sur le film pris par l’hélicoptère de la gendarmerie. On attend avec impatience que parlent les vidéos recensées par le club de Liverpool, même si elles ne seront pas aériennes.
Si Gérald Darmanin avait raison, cela ne le dédouanerait pas. « Soit la police savait qu'il y aurait trop de monde et elle ne sut pas s'adapter, soit elle ne le savait pas et elle n’était pas prête », note un sénateur. Pareil pour les billets : si le risque du papier était si grand, pourquoi le renseignement n'en fit-il pas état ? Pourquoi ne pas avoir abordé le sujet en amont avec le club de Liverpool ?
Une question concerne Steve Douglas, le journaliste anglais obligé de supprimer ses vidéos. Le ministre « oublie » d'y répondre. Ce grand oral a pour limite que les questions ne sont pas posées l'une après l'autre mais en grappe, ce qui permet à Gérald Darmanin de les trier. Dommage.
Sa défense tient sur un point : les « incidents » éclatèrent aux seules entrées des virages britanniques Y, Z et A. Ce qui n'empêche pas le Real Madrid de demander ce soir sur quels critères la France fut choisie pour accueillir cette finale.