
Friedrich Merz : les défis ingrats du futur chancelier allemand
Les élections du dimanche 23 février ont vu la CDU/CSU (l'alliance traditionnelle formée par l'Union chrétienne démocrate d'Allemagne et l'Union chrétienne-sociale en Bavière) arriver en première place des élections fédérales, comme les instituts de sondage l'avaient prédit. Désormais, Friedrich Merz, le leader du groupe parlementaire vainqueur, devrait devenir le prochain chancelier, une fois qu'il aura formé une coalition. La CDU/CSU a remporté 28,6 % des voix, devant l'AfD (Alternative pour l'Allemagne), avec 20,8 %. Loin derrière les deux partis de centre-droit et de l'extrême-droite, le SPD (Parti social-démocrate) a remporté 16,4 % des voix, les Verts 11,6 % et la gauche radicale Die Linke, 8,8 %. L'AFD, menée par Alice Weidel, a remporté son plus haut score depuis sa fondation et possède désormais 152 sièges au Bundestag. La campagne des élections fédérales a été tendue dans le contexte allemand. La crise énergétique, la guerre en Ukraine et l'immigration de masse ont divisé profondément les trois principaux partis. Durant la campagne, le chancelier sortant Olaf Scholz, issu du SPD, a dû défendre un bilan très mitigé, que Friedrich Merz n'a pas manqué de lui reprocher.
La première promesse de Merz est d'étudier la réouverture des centrales nucléaires. À plusieurs reprises, le futur chancelier a critiqué sans réserve la fermeture de toutes les centrales par Angela Merkel. Durant le Forum Économique de Davos, Merz expliquait sa politique comme suit : « Nous avons fait deux erreurs, a-t-il affirmé. La première était en 2011, lorsque nous avons décidé de sortir complètement du nucléaire. La seconde grande erreur a été la décision de fermer les trois dernières centrales allemandes en avril 2023. Cette décision était une folie, parce qu'elle endommageait notre industrie. » Le nouveau dirigeant allemand a ensuite promis d'étudier le développement « de nouvelles centrales de quatrième et cinquième génération », y compris des technologies de fusion.
L'industrie allemande, tout comme les particuliers, ont souffert des conséquences dramatiques de la guerre en Ukraine sur les prix du gaz (55 % du gaz allemand provenait de Russie avant la guerre). Après un effort de boycott, le gaz importé allemand provenait essentiellement de Norvège (48 %), des Pays-Bas (25 %) et de Belgique (18 %). La conséquence de ces approvisionnements a été une hausse considérable des prix de l'énergie dans les mois suivant le début de la guerre. Après un pic à plus de 450 € le mégawattheure à l'été 2022, contre à peine 200 € six mois auparavant, les prix de l'énergie ont baissé en 2024 autour de 80 €/MWh. Début 2025, les prix de l'énergie sont de nouveau remontés à 120 €/MWh. Le développement des énergies renouvelables, dont l'éolien et le solaire, s'est accéléré depuis février 2022, mais cela n'a pas suffi à compenser la baisse générale des importations de gaz, de 11 % en 2025. L'Allemagne doit par ailleurs toujours acheter de l'énergie à la France.
La baisse drastique de l'immigration de masse est l'autre promesse de Friedrich Merz, qui s'est engagé à « contrôler les frontières et à retourner ceux qui arrivent sans papiers ». Au cours de son mandat, Olaf Scholz a certes hérité d'une situation mise en place par son prédécesseur, Angela Merkel, qui a ouvert la porte à plus de six millions de migrants pendant ses quinze années de mandat. Mais depuis l'élection de Scholz en 2021, les flux migratoires ont continué d'augmenter avec un total de 4,6 millions d'entrées sur le territoire allemand entre 2021 et 2023. Les besoins en main d'œuvre étaient certes importants pour l'industrie allemande, mais les conséquences sur la sécurité du pays ont été sérieuses. Entre 2016 et cette année, au moins huit attaques qualifiées de terroristes ont été commises par des demandeurs d'asile, dont celle de Aschaffenburg, dans la région de Munich, le 13 février 2025, pendant la Conférence sur la sécurité, qui a causé deux morts. Dans ce contexte sécuritaire tendu, la CDU avait fait voter une motion sur la réduction de l'immigration, avec le soutien de l'AfD, ce qui avait provoqué d'importants remous. Friedrich Merz avait alors affirmé que « les Sociaux-démocrates auraient pu être d'accord avec ce que nous proposions et je pense qu'ils le seront après cette élection. »
Enfin, Friedrich Merz a apporté un soutien appuyé à l'Ukraine. Par ailleurs, à la suite de l'appel entre Donald Trump et Vladimir Poutine, ce dernier s'est engagé à augmenter le budget de la défense allemand et a appelé les Européens à faire de même. Le prochain chancelier est en ce sens aligné avec Emmanuel Macron, avec qui il avait des contacts réguliers pendant sa campagne. Il a aussi appelé à un renforcement de la relation franco-allemande.
Les défis ne manqueront pas pour le futur chancelier chrétien-démocrate, qui devra probablement composer avec le SPD dans sa nouvelle coalition, ce qui pourrait le restreindre dans sa politique migratoire. Par ailleurs, Merz sera sous la surveillance étroite d'une AfD plus puissante que jamais, qui profitera de toutes les occasions pour lui reprocher de mauvais résultats dans ce domaine.