En France, un été meurtrier
La France a subi cet été un pic de chaleur, d'inflation, mais aussi d'insécurité. Ce qu'on redoutait depuis longtemps s'est produit le soir du 21 août à Nîmes : un enfant de dix ans est mort sous les balles dont a été criblée la voiture de son oncle au retour d'un dîner dans un restaurant. Alors que la voiture venait de se garer dans le quartier « sensible » de Pissevin, elle a été prise pour cible par des trafiquants de drogue. Bien que blessé de trois balles dans le dos, le conducteur, un militaire qui rentrait de mission, a réussi à redémarrer pour se rendre à l'hôpital. C'est là qu'a été constaté le décès de l'enfant.
Nîmes est l'une de ces villes moyennes gangrenées par les violences qui gagnent tout le pays. Ainsi les fêtes de Bayonne ont été endeuillées dès le premier soir des festivités (26 juillet), par le meurtre sauvage, à coups de poing et de pied, d'un habitant qui protestait contre trois individus éméchés qui urinaient contre sa porte (le principal suspect, un Tchétchène, a été arrêté à Tarbes un mois plus tard). À Nîmes, les fusillades se multiplient dans les quartiers où les narcotrafiquants font la loi (Pissevin, Chemin Bas, Mas de Mingu). À mi-chemin entre l'Espagne et l'Italie, la ville est devenue un carrefour de la drogue très convoité.
Après la mort révoltante de cet enfant, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a demandé, selon une formule devenue rituelle, « la plus grande fermeté au préfet afin que ce drame ne reste pas impuni », et a dépêché sur place la CRS 8, une unité spécialisée dans les émeutes urbaines. Chacun s'attendait à ce que le trafic reprenne dès que les forces de l'ordre repartiraient… C'est exactement ce qui s'est produit 48h plus tard, dans la nuit de mercredi à jeudi 24 août, peu de temps après le départ des CRS : un jeune homme de 18 ans, « connu des services de police et de la justice », était tué dans une nouvelle fusillade entre trafiquants… Du coup, nouvelle annonce du ministre de l'Intérieur : « Nîmes sera à proportion de ses habitants la ville où il y aura le plus de services enquêteurs en France ». Une déclaration accueillie comme la précédente avec scepticisme par les habitants qui alertent depuis des années sur l'insécurité croissante dont ils sont victimes. Elle a notamment conduit à la fermeture de la médiathèque du quartier Pissevin, début juin, après la violente agression d'un journaliste du groupe M6 qui y réalisait un reportage. Une fusillade et une agression au couteau ont fait deux blessés après la dernière intervention du ministre.
C'est un scénario que l'on ne connaît que trop bien à Marseille. Depuis le début de l'année, en huit mois donc, 34 personnes ont été tuées dans des règlements de compte. À titre de comparaison, 38 personnes avaient péri de la même façon dans la Cité phocéenne sur l'ensemble de l'année 2022, 39 en 2021. Non seulement les fusillades se multiplient dans les villes de France, mais elles ne restent plus cantonnées aux quartiers « à risques ». Par exemple, à Antibes, le samedi 19 août, c'est dans un salon de coiffure du centre-ville, très fréquenté par les touristes, qu'un homme a été grièvement blessé.
Si cinq plaintes pour viol ont été enregistrées à l'issue des fêtes de Bayonne, à Cherbourg, le viol particulièrement atroce, le 4 août, d'une jeune femme agressée par un homme qui s'était introduit dans son domicile, a bouleversé l'opinion publique (une cagnotte en ligne intitulée : « Solidarité pour la jeune femme victime de viols et d'actes de barbarie » a été lancée le 24 août). Sauvagement violée (avec un manche à balai !), littéralement massacrée, elle a été placée en coma artificiel. Son état était tel (perforation du colon, de l'intestin grêle, du péritoine et du diaphragme, pneumothorax, fractures aux côtes...) qu'il a fallu ouvrir une antenne psychologique pour les soignants... Le profil du suspect, Oumar N.,18 ans, concentre les interrogations sur la justice. Déjà condamné cinq fois, notamment pour inceste contre sa petite sœur âgée de 4 ans, il était connu dans son quartier pour ses « incivilités » et des violences envers sa mère. « Qui est responsable de quoi dans la dérive d'un jeune homme que personne n'a su arrêter ? » demande Atlantico à Gérald Pandelon, Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit, et Pierre-Marie Sève, Délégué général de l'Institut pour la Justice (leur débat en lien ci-dessous). L'impunité dont jouissent de fait les magistrats français, parmi les moins sanctionnés en Europe, est de plus en plus contestée. Mais quelle que soit leur responsabilité, c'est aux politiques qu'il incombe de corriger une législation où se conjuguent les carences françaises et le laxisme législatif et judiciaire imposé par l'UE. La France est devenue l'un des pays les plus dangereux d'Europe, avec 12,9 homicides par million d'habitants, contre 8,7 en Allemagne, 6,3 en Espagne, et seulement 4,9 en Italie... (Le Figaro, 14/07/2023).