Écologie
Faut-il fuir les villes, comme Jean-Marc Rochette ?
« Dieu a fait la campagne, l’homme a fait la ville », s’écriait déjà le poète anglais William Cooper (1731-1800). Si ce clivage existe, où en est-il aujourd’hui ? Ne fait-il que s’accentuer ? Le rêve urbain ne serait-il pas en train de s’étioler ? Statistiquement, non. À l’échelle du globe, les villes continuent d’attirer les hommes comme un lampadaire piégeant les insectes dans son halo. Ce ne fut pas toujours le cas.
Le XIXe siècle, sa littérature romantique et ses émeutes ouvrières, offrait de nos villes une image sombre et angoissante. S’y concentraient les maux de la société ; les classes s’affrontaient dans le champ clos des boulevards, sur les barricades et le pavé rougi de sang. Haussmann, dit-on, en élargit les axes pour y faire régner l’ordre bourgeois. Puis vint la modernité et le confort pour tous, jusqu'à la métropolisation croissante et anarchique des Trente Glorieuses (1945-1975).
Les coupures d’électricité vont-elles rallumer le goût d’un ailleurs ? Le nouveau concept de sobriété déguiserait un retour à la terre, brute et authentique. À bien y regarder, les villes, mêmes les plus cotées, sont de moins en moins attrayantes.
Prenons Paris : le centre se vide de ses habitants – qui se met à mourir peu à peu. Le mètre carré demeure prohibitif, à l’achat comme à la location ; le logement est aussi petit que la promiscuité est grande ; le bruit y est une nuisance permanente ; les transports publics sont chaotiques, sales et insuffisants ; la voiture y est en pratique interdite, ce qui chasse les familles ; les petites surfaces alimentaires sont chères. Ce phénomène ne concerne pas que la capitale et sa banlieue tentaculaire. Depuis peu, l’insécurité se développe dans d'autres métropoles naguère épargnées, comme Nantes. Les villes dites de province ne gisent plus dans une forme d'insouciance.
Faut-il donc « fuir les villes », comme nous y invite Jean-Marc Rochette ? À 66 ans, le célèbre auteur de BD, dessinateur du cultissime « Transperceneige », va passer son troisième hiver dans un ancien hôtel perché à 1600 mètres d’altitude, avec vue sur la Meije, sommet mythique de l’Oisans, au côté de sa compagne, de son chat et de quelques poules. « Plus personne ne passe l'hiver ici depuis 1962 », confie-t-il à l'AFP : la route de la Bérarde sera coupée pour quatre longs mois au cours desquels Jean-Marc Rochette se vouera au travail, au ski de randonnée et à l'observation des bêtes sauvages. « Tout le monde parle de décroissance, personne ne se lance », dit-il à L’Obs, venu l’interroger aux Étages, hameau des Écrins (Isère) planté au milieu des chamois, des hermines et des loups.
Son dernier album La Dernière reine s'ouvre sur un hommage au dernier ours du massif du Vercors, tué en 1898 par un berger et dont la dépouille est conservée empaillée dans un musée de Grenoble. Paru en octobre, le livre dépasse les quelque 40 000 exemplaires vendus et s'honore de plusieurs distinctions dont celle de « meilleur livre de l'année », toutes catégories confondues, un label décerné par le magazine Lire. La Dernière reine sera adapté pour le grand écran à l'horizon 2026.
« On en tuait cinq par an dans les années 1850. Il y avait énormément d'ours dans le Vercors » à l'époque, indique à l'AFP Jean-Marc Rochette. L'auteur dépeint les bêtes dans une nature vierge, 100 000 ans avant J.-C., puis remonte le temps à différentes époques. Un chasseur, membre d'une tribu vivant 30 000 ans avant notre ère, prédit ainsi « le début du temps des ténèbres » lorsque disparaîtra le dernier plantigrade, la « dernière reine ».
Aux couleurs crépusculaires, la bande dessinée a pour trame principale l'histoire d'Édouard, défiguré pendant la Grande Guerre et contraint de dissimuler sa tête sous un sac jusqu'à ce qu'une sculptrice parisienne, Jeanne, lui refaçonne un visage.
La jeune femme le suit de la butte Montmartre, à Paris, où elle fréquente les cercles artistiques des années 1920 jusqu'aux hauts plateaux du Vercors où elle est envoûtée par la majesté et la sauvagerie des lieux. Elle décide de s'établir avec lui.
Jean-Marc Rochette se définit comme « un anarchiste qui ne met pas de bombes ». Et il ajoute : « Je ne supporte pas l’État. Ma seule concession, c’est de payer mes impôts. Mais ce qui se passe en bas, ça ne m’intéresse plus. » Vraiment ? Sauf que s'il arrivait malheur à l'ermite, nul ne doute que l'hélicoptère viendrait le chercher.
Et d'ailleurs, ne serait-il pas plutôt, au fond de lui, un « anarchiste conservateur », selon la formule du philosophe paysan, Gustave Thibon. Conservateur par rapport à la tradition, la nature et la méditation qu'elle suscite en est une ; anarchiste par rapport aux modes et aux idoles du siècle. La ville en regorge, avec ses vanités et ses excès.
Le XIXe siècle, sa littérature romantique et ses émeutes ouvrières, offrait de nos villes une image sombre et angoissante. S’y concentraient les maux de la société ; les classes s’affrontaient dans le champ clos des boulevards, sur les barricades et le pavé rougi de sang. Haussmann, dit-on, en élargit les axes pour y faire régner l’ordre bourgeois. Puis vint la modernité et le confort pour tous, jusqu'à la métropolisation croissante et anarchique des Trente Glorieuses (1945-1975).
Les coupures d’électricité vont-elles rallumer le goût d’un ailleurs ? Le nouveau concept de sobriété déguiserait un retour à la terre, brute et authentique. À bien y regarder, les villes, mêmes les plus cotées, sont de moins en moins attrayantes.
Prenons Paris : le centre se vide de ses habitants – qui se met à mourir peu à peu. Le mètre carré demeure prohibitif, à l’achat comme à la location ; le logement est aussi petit que la promiscuité est grande ; le bruit y est une nuisance permanente ; les transports publics sont chaotiques, sales et insuffisants ; la voiture y est en pratique interdite, ce qui chasse les familles ; les petites surfaces alimentaires sont chères. Ce phénomène ne concerne pas que la capitale et sa banlieue tentaculaire. Depuis peu, l’insécurité se développe dans d'autres métropoles naguère épargnées, comme Nantes. Les villes dites de province ne gisent plus dans une forme d'insouciance.
Faut-il donc « fuir les villes », comme nous y invite Jean-Marc Rochette ? À 66 ans, le célèbre auteur de BD, dessinateur du cultissime « Transperceneige », va passer son troisième hiver dans un ancien hôtel perché à 1600 mètres d’altitude, avec vue sur la Meije, sommet mythique de l’Oisans, au côté de sa compagne, de son chat et de quelques poules. « Plus personne ne passe l'hiver ici depuis 1962 », confie-t-il à l'AFP : la route de la Bérarde sera coupée pour quatre longs mois au cours desquels Jean-Marc Rochette se vouera au travail, au ski de randonnée et à l'observation des bêtes sauvages. « Tout le monde parle de décroissance, personne ne se lance », dit-il à L’Obs, venu l’interroger aux Étages, hameau des Écrins (Isère) planté au milieu des chamois, des hermines et des loups.
Son dernier album La Dernière reine s'ouvre sur un hommage au dernier ours du massif du Vercors, tué en 1898 par un berger et dont la dépouille est conservée empaillée dans un musée de Grenoble. Paru en octobre, le livre dépasse les quelque 40 000 exemplaires vendus et s'honore de plusieurs distinctions dont celle de « meilleur livre de l'année », toutes catégories confondues, un label décerné par le magazine Lire. La Dernière reine sera adapté pour le grand écran à l'horizon 2026.
« On en tuait cinq par an dans les années 1850. Il y avait énormément d'ours dans le Vercors » à l'époque, indique à l'AFP Jean-Marc Rochette. L'auteur dépeint les bêtes dans une nature vierge, 100 000 ans avant J.-C., puis remonte le temps à différentes époques. Un chasseur, membre d'une tribu vivant 30 000 ans avant notre ère, prédit ainsi « le début du temps des ténèbres » lorsque disparaîtra le dernier plantigrade, la « dernière reine ».
Aux couleurs crépusculaires, la bande dessinée a pour trame principale l'histoire d'Édouard, défiguré pendant la Grande Guerre et contraint de dissimuler sa tête sous un sac jusqu'à ce qu'une sculptrice parisienne, Jeanne, lui refaçonne un visage.
La jeune femme le suit de la butte Montmartre, à Paris, où elle fréquente les cercles artistiques des années 1920 jusqu'aux hauts plateaux du Vercors où elle est envoûtée par la majesté et la sauvagerie des lieux. Elle décide de s'établir avec lui.
Jean-Marc Rochette se définit comme « un anarchiste qui ne met pas de bombes ». Et il ajoute : « Je ne supporte pas l’État. Ma seule concession, c’est de payer mes impôts. Mais ce qui se passe en bas, ça ne m’intéresse plus. » Vraiment ? Sauf que s'il arrivait malheur à l'ermite, nul ne doute que l'hélicoptère viendrait le chercher.
Et d'ailleurs, ne serait-il pas plutôt, au fond de lui, un « anarchiste conservateur », selon la formule du philosophe paysan, Gustave Thibon. Conservateur par rapport à la tradition, la nature et la méditation qu'elle suscite en est une ; anarchiste par rapport aux modes et aux idoles du siècle. La ville en regorge, avec ses vanités et ses excès.