Société
Faut-il démanteler Facebook ?
Comment stopper la déferlante de la violence et du terrorisme via Internet et les réseaux sociaux ? Après chaque attentat, chaque attaque, la question est soulevée, sans réponse face à la simplicité avec laquelle les plateformes en ligne permettent aux assassins de diffuser leur propagande, et désormais leurs crimes. Cela aurait pu être suite aux attentats dans des églises au Sri Lanka, mais c’est après le massacre commis dans une mosquée en Nouvelle-Zélande qu’est lancé ce jour à Paris un très médiatique « appel de Christchurch ». À l’Elysée, se retrouvent Emmanuel Macron, la Première ministre néo-zélandaise Jacinda Adern, différents dirigeants politiques (Sénégal, Jordanie, Norvège, Royaume-Uni, Canada, Irlande) et de grands patrons du web, dont le fondateur de Twitter Jack Dorsey. L’idée : tenter d’imaginer une régulation du Net, contre l'extrémisme en ligne. Vœu pieux ou boîte de Pandore ? Les deux sans doute ...
Voeu pieux d’abord. Facebook, il y a deux mois de cela, a été fortement critiqué pour ne pas avoir interrompu assez vite le flux des images du tueur diffusant en direct le massacre de 51 personnes. Le plus grand des réseaux sociaux vient donc cette semaine de revoir les conditions d’usage de son direct, sans pour autant prévoir de différer les diffusions. Désormais, toute personne ne respectant pas les politiques de Facebook les plus sensibles se verra interdire l’utilisation de Facebook Live pour une période déterminée à compter de sa première infraction. Soit. Mais quand les images de Christchurch ont été diffusées, Facebook a supprimé la vidéo 1,5 million de fois, pour la voir immédiatement réapparaître, ainsi que sur YouTube. Pour autant, le problème central n’est pas seulement la diffusion en live d’une attaque : la très grande majorité des internautes ont vu, choisi de regarder cette vidéo après les faits. Les nouvelles règles de Facebook ne changent rien au voyeurisme du web.
Boîte de Pandore ensuite : aujourd’hui, la question est de faire la chasse aux contenus extrémistes en ligne. Mais demain, qui définira la différence entre extrémiste et simple opposant politique ? Les Etats-Unis ont une longue histoire de manipulation électorale à des fins géopolitiques à travers le monde, et nombreux sont les dirigeants de la high tech américaine à estimer que la vision démocrate du monde doit s’imposer à tous et partout. D’autres pays, à commencer par la Chine et la Russie, utilisent désormais les mêmes armes digitales pour tenter d’influer sur les opinions et les populations. Mais demain, une régulation du Web pourrait bien se transformer en une censure pure et dure de toute idée divergente, de toute dissidence, y compris démocratique. La suppression de Facebook de 23 groupes de soutien à Matteo Salvini et autres mouvements dits populistes en Italie, quelques jours après la visite du fondateur de Facebook à l’Elysée, et à quelques jours des élections européennes, n’est qu’un exemple de l’omnipotence, et de l’impunité de ces géants du web et des réseaux sociaux.
Et c’est cette impunité qui pose question : depuis leur naissance, ces réseaux sans concurrents se sont opposés à toute régulation de leur fonctionnement. Mark Zuckerberg a décidé seul des règles suivies pour configurer sa création, qui compte aujourd’hui des milliards de profils. Faut-il croire à sa volonté de passer sous quelque fourche caudine que ce soit ? Et si, plus que la diffusion de « fake news », de vidéos de massacre ou d’appels à la haine, le plus grand danger était la puissance incontrôlable des algorithmes de sites tels que Facebook, à la capacité de diffusion, et de censure, sans précédent dans notre histoire ? Peut-être. La semaine dernière, Chris Hugues, co-fondateur de Facebook, appelait dans les colonnes du New York Times au démantèlement de Facebook : "Je suis déçu de moi-même et de l’équipe historique de Facebook, pour ne pas avoir pensé à la façon dont ses algorithmes allaient changer notre culture, influencer nos élections et donner plus de puissances aux leaders populistes. Et je suis surtout inquiet, quand je vois que Mark Zuckerberg s’est entouré d’une équipe qui le renforce dans ses convictions au lieu de les remettre en question. (…) Chaque fois que Facebook se trompe, nous répétons un schéma épuisant : d’abord l’indignation, puis la déception et, enfin, la résignation."
Voeu pieux d’abord. Facebook, il y a deux mois de cela, a été fortement critiqué pour ne pas avoir interrompu assez vite le flux des images du tueur diffusant en direct le massacre de 51 personnes. Le plus grand des réseaux sociaux vient donc cette semaine de revoir les conditions d’usage de son direct, sans pour autant prévoir de différer les diffusions. Désormais, toute personne ne respectant pas les politiques de Facebook les plus sensibles se verra interdire l’utilisation de Facebook Live pour une période déterminée à compter de sa première infraction. Soit. Mais quand les images de Christchurch ont été diffusées, Facebook a supprimé la vidéo 1,5 million de fois, pour la voir immédiatement réapparaître, ainsi que sur YouTube. Pour autant, le problème central n’est pas seulement la diffusion en live d’une attaque : la très grande majorité des internautes ont vu, choisi de regarder cette vidéo après les faits. Les nouvelles règles de Facebook ne changent rien au voyeurisme du web.
Boîte de Pandore ensuite : aujourd’hui, la question est de faire la chasse aux contenus extrémistes en ligne. Mais demain, qui définira la différence entre extrémiste et simple opposant politique ? Les Etats-Unis ont une longue histoire de manipulation électorale à des fins géopolitiques à travers le monde, et nombreux sont les dirigeants de la high tech américaine à estimer que la vision démocrate du monde doit s’imposer à tous et partout. D’autres pays, à commencer par la Chine et la Russie, utilisent désormais les mêmes armes digitales pour tenter d’influer sur les opinions et les populations. Mais demain, une régulation du Web pourrait bien se transformer en une censure pure et dure de toute idée divergente, de toute dissidence, y compris démocratique. La suppression de Facebook de 23 groupes de soutien à Matteo Salvini et autres mouvements dits populistes en Italie, quelques jours après la visite du fondateur de Facebook à l’Elysée, et à quelques jours des élections européennes, n’est qu’un exemple de l’omnipotence, et de l’impunité de ces géants du web et des réseaux sociaux.
Et c’est cette impunité qui pose question : depuis leur naissance, ces réseaux sans concurrents se sont opposés à toute régulation de leur fonctionnement. Mark Zuckerberg a décidé seul des règles suivies pour configurer sa création, qui compte aujourd’hui des milliards de profils. Faut-il croire à sa volonté de passer sous quelque fourche caudine que ce soit ? Et si, plus que la diffusion de « fake news », de vidéos de massacre ou d’appels à la haine, le plus grand danger était la puissance incontrôlable des algorithmes de sites tels que Facebook, à la capacité de diffusion, et de censure, sans précédent dans notre histoire ? Peut-être. La semaine dernière, Chris Hugues, co-fondateur de Facebook, appelait dans les colonnes du New York Times au démantèlement de Facebook : "Je suis déçu de moi-même et de l’équipe historique de Facebook, pour ne pas avoir pensé à la façon dont ses algorithmes allaient changer notre culture, influencer nos élections et donner plus de puissances aux leaders populistes. Et je suis surtout inquiet, quand je vois que Mark Zuckerberg s’est entouré d’une équipe qui le renforce dans ses convictions au lieu de les remettre en question. (…) Chaque fois que Facebook se trompe, nous répétons un schéma épuisant : d’abord l’indignation, puis la déception et, enfin, la résignation."