Ukraine : les perspectives en cas du retour de Donald Trump à la Maison Blanche
Lors du sommet annuel de l'OTAN à Washington DC, ses dirigeants ont parlé du chemin « irréversible » ukrainien vers l'adhésion à l'Alliance atlantique. Mais dans quelle situation se trouve actuellement l'Ukraine et quelles sont ses perspectives pour le reste de l'année, surtout compte tenu d'un changement potentiel de la politique étrangère américaine en cas de réélection de Donald Trump ?
Sur le plan militaire, les discussions récentes ont beaucoup porté sur l'urgence pour l'Ukraine d'améliorer ses défenses aériennes. Les pays de l'OTAN se sont engagés à livrer davantage de systèmes antiaériens Patriot, dont la nécessité a été soulignée par le bombardement massif de Kiev et d'autres villes ukrainiennes juste avant le sommet. La question de l'équipement de l'Ukraine en avions de combat F-16 a été plus controversée. Wolodymyr Zelensky a déclaré que ces avions - en quantité suffisante - permettraient de contrôler le ciel ukrainien. Pour lui et beaucoup de commentateurs, leur livraison arrive pourtant trop tard (les pays donateurs ayant attendu les F-35 pour remplacer ceux donnés à l'Ukraine). Il pourrait d'ailleurs y avoir des problèmes de formation des pilotes aux F-16, dont l'utilisation pour frapper des cibles à longue portée reste contestée .
Sur le plan politique, Zelensky se dit prêt à travailler avec Donald Trump, mais beaucoup d'analystes estiment qu'un changement à la Maison Blanche pourrait avoir des conséquences dramatiques pour Kiev. Au mois de janvier, Thierry Breton, commissaire européen au Marché intérieur, avait rapporté des propos tenus par Trump à Davos en 2020, où il aurait dit à Ursula van der Leyen : « Vous devez comprendre que si l'Europe est attaquée, nous ne viendrons pas à votre secours [...] au fait, l'OTAN est morte, et nous allons la quitter ». Ses griefs envers l'Alliance concernent surtout son financement : en février 2024, Trump a dit qu'il encouragerait les Russes à faire « tout ce qu'ils veulent » aux pays qui ne respecteraient pas leurs engagements financiers vis-à-vis de l'OTAN.
Suite à leur récente rencontre, Viktor Orban a réaffirmé que Trump trouverait une « solution » rapide au conflit ukrainien, suggérant que l'aide militaire à l'Ukraine serait suspendue, obligeant Kiev à négocier. Deux conseillers de Donald Trump, Fred Fleitz et le lieutenant-général émérite Keith Kellogg, ont déjà parlé dans ce sens, même s'il faut préciser qu'ils ont également proposé de menacer la Russie d'une augmentation de l'aide militaire à l'Ukraine si Moscou refuse d'accepter les lignes de front actuelles comme base d'un cessez-le-feu.
Le retour possible de Donald Trump semble avoir incité les dirigeants européens de l'OTAN à entreprendre des changements structurels dans l'intérêt du « Trump-proofing », c'est-à-dire pour que l'OTAN puisse continuer à fonctionner indépendamment des développements à Washington. En témoigne la décision de placer le Groupe de contact pour la défense de l'Ukraine (le « format Ramstein »), qui coordonne l'aide militaire à Kiev, partiellement sous le contrôle de l'OTAN plutôt que sous celui des États-Unis.
Les spéculations concernant l'impact sur l'Ukraine d'une victoire de Trump se sont intensifiées suite à son choix de J.D. Vance comme colistier, annoncé lors de la Convention nationale républicaine. Vance s'oppose fortement à l'aide militaire à l'Ukraine, ayant déclaré dans les jours suivant l'invasion de 2022 qu'il ne se souciait pas vraiment du sort du pays. Il estime que Vladimir Poutine ne représente pas une menace existentielle pour l'Amérique, dont la politique étrangère devrait plutôt contrer les ambitions chinoises, et que les fonds destinés à l'Ukraine seraient mieux utilisés pour l'économie nationale américaine.
La position de Vance selon laquelle l'Ukraine devrait négocier la paix, même au prix d'une cession de territoire, est loin d'être universellement partagée au sein du parti républicain. Il y a néanmoins des signaux que la question de négociations éventuelles ne serait plus tabou à Kiev. Zelensky a notamment indiqué qu'il souhaite la participation de la Russie au prochain « sommet pour la paix ». La question de savoir si Moscou s'intéresse vraiment à une solution négociée (par opposition à une capitulation de l'Ukraine) est une autre affaire. Le chef adjoint du Conseil national de sécurité, Dimitri Medvedev, a par exemple dit que la Russie devrait se méfier de toute négociation. Même si l'Ukraine acceptait la demande russe de céder les 4 provinces officiellement annexées par Moscou, cela ne signifierait pas la fin de l' « opération militaire spéciale » russe, a écrit Medvedev sur Telegram. L'ancien président estime qu'un groupe « plus radical » pourrait prendre le pouvoir à Kiev et qu' « il serait alors le moment d'écraser définitivement cette racaille [reptile] [...] de détruire ce qui reste de son héritage sanglant et de restituer ses terres restantes au giron de la terre russe ». Medvedev est certes connu pour ses provocations, destinées avant tout à un public interne. La violence de ses propos polémiques indique néanmoins que, même si Kiev entamait des négociations, le chemin vers la paix serait probablement loin d'être simple.