Espagne : vers une armée d'un nouveau genre ?
En Espagne, la loi facilitant la transition de genre récemment votée a des conséquences surprenantes. En effet, depuis février 2023, il est possible de modifier son sexe « légal » sur simple demande de modification de la mention au registre de l'état civil. Pas d'opération, pas de prise d'hormones, une simple déclaration. Mais quand une telle simplification croise le chemin des textes prônant la discrimination positive à l'égard des femmes, les effets peuvent doublement surprendre.
« Je suis une femme qui aime les femmes, et cela ne devrait poser aucun problème, puisque la loi me le permet », explique ainsi un caporal de l'armée espagnole. Il est loin d'être le seul à avoir fait cette démarche de changement de sexe : rien que dans la petite enclave espagnole de Ceuta en Afrique du Nord, ils sont pas moins de 41 hommes du rang à avoir fait le même choix. Demain, l'armée espagnole finira-t-elle par ne plus être constituée que de femmes ? Ce ne serait pas impossible, car une fois qu'un soldat, un policier ou un fonctionnaire devient une femme de jure, il va toucher 15 % de salaire en plus une fois obtenu la garde de son enfant en tant que mère. Et ce n'est là qu'un des avantages liés au fait de devenir une femme sur le papier.
Si certains gradés y voient une forme de rébellion contre les règles de discrimination positive en vigueur au sein de la Guardia Civil et de l'armée, les associations LGBT espagnoles y voient surtout une fraude à la loi. Mais au nom de quoi refuser à quiconque le droit de se considérer comme femme ? Qu'est-ce qui permet de dire que l'on est ou non une véritable personne transsexuelle ? L'argument comme l'accusation se retournent contre ceux qui l'ont promu. Et le caporal Roberto Perdigones le déclare d'ailleurs clairement au media El Español : « De l'extérieur je me sens comme un homme hétérosexuel, mais dans mon for intérieur, je suis une femme lesbienne. Et c'est ça qui compte. C'est pourquoi je suis légalement devenu une femme ». D'ailleurs, contester à cet homme le droit de se dire femme constituerait une discrimination et un délit ! Ces agents publics ayant effectué une telle transition de genre administrative afin de se voir octroyer les avantages réservés aux femmes se sont même constitués en association : « Trans No Normativos » (TNN),Trans non-normatifs. L'association a d'ailleurs poussé la logique jusqu'au bout en poursuivant l'association FELGTBi+ espagnole pour propos transphobes. En effet, son président avait jugé « honteux » ce « défilé de militaires qui se moquent des personnes trans en se faisant passer de manière grotesque pour des trans ».
« Je suis une femme, mais j'aime avant tout me qualifier de femme de droits », explique pour sa part Daniel Gallardo, son vice-président, interrogé par le media OK Diario. « Nous sommes des agents publics. Je suis de la Police Nationale, il y a des militaires, des agents des douanes... Et nous connaissions déjà la réalité qui est que, dans ce pays, certains droits constitutionnels que nous devons tous respecter ne sont pas respectés. Le problème est que nous ne sommes pas égaux devant la loi. Je me réfère à l'article 14 de la Constitution qui dit que nous sommes tous égaux devant la loi sans aucune discrimination fondée sur le sexe, la race ou la condition sociale. La réalité est différente. » Jusqu'à l'absurde.