Entre l'Ukraine et l'UE, les Hongrois plébiscitent Viktor Orban
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Entre l'Ukraine et l'UE, les Hongrois plébiscitent Viktor Orban

Par Louis Daufresne. Synthèse n°1555, Publiée le 08/04/2022
Depuis sa réélection dimanche dernier, Viktor Orban est en orbite pour un cinquième mandat, le quatrième consécutif depuis 2010 ! Taquin, le Premier ministre hongrois parle d’« une victoire si grande qu'on peut sans doute la voir de la Lune, et en tout cas certainement de Bruxelles ».

En France, il y eut plutôt une éclipse, la guerre en Ukraine et la présidentielle offrant un alibi au silence embarrassé des media. Les urnes eussent parlé autrement qu’ils se plussent à faire résonner sa défaite au-delà de notre galaxie. Le fait qu’Orban s’adjuge une victoire triomphale semble ne pas être important, alors que nul ne s’attendait à un résultat si massif, y compris ses propres troupes. Surtout : les adversaires d'Orban espéraient un effet domino : l’agression de l’Ukraine devait donner une ruade électorale à ce cheval de Troie de Poutine en Europe. Or au lieu d’une sanction, c’est une consécration.

La coalition du Fidesz et du Parti populaire démocrate-chrétien obtient la majorité des deux tiers (135 sièges sur 199), ce qui autoriserait le Premier ministre à changer la constitution s’il le voulait. Ce succès va « insuffler une énorme confiance » au doyen des dirigeants en exercice dans l'Union européenne (58 ans), estime Patrik Szicherle, membre du groupe de réflexion Political Capital, interrogé par l'AFP. « Désormais nulle nécessité pour le Fidesz de dévier de sa ligne », poursuit-il. Et d’observer « une énorme demande en Hongrie pour la politique illibérale et autocratique ». Bigre !

Le front anti-Orban, quant à lui, recueille 800 000 voix de moins qu’en 2018 (35 sièges), lorsque les six partis de l'opposition se présentaient séparément. Un reflux énorme sur 8 millions d’électeurs. La coalition Unis pour la Hongrie pâtit d’une absence d’unité, de message et de chef charismatique. D’envergure provinciale, Peter Marki-Zay n’appartenait à aucun des six partis, lesquels firent mollement campagne pour lui. En outre, figurait dans l’une des formations coalisées le nom de Ferenc Gyurcsany, l’ex-Premier ministre, symbole de l’austérité des années 2000. Beaucoup de Hongrois détestent ce personnage clivant, un boulet dont l’opposition ne sut pas se délester.

Il n’empêche : qui eût parié sur le succès d’Orban le 24 février au matin, quand les chars moscovites fondirent sur l’Ukraine ? Le peuple hongrois, hostile à l’hégémonisme russe, aurait dû lui faire payer sa proximité avec Vladimir Poutine (qui s’empressa de le féliciter pour sa réélection). D’autant que le conflit voisin isola aussi la Hongrie au sein du groupe de Visegrad – cette mini UE (Pologne, Hongrie, Tchéquie, Slovaquie). Aujourd’hui la guerre en Ukraine place Budapest et Varsovie aux antipodes. Réconcilier les deux capitales sera l’un des défis du prochain mandat.

Dimanche soir, Viktor Orban se vanta que « même le président » Volodymyr Zelensky ne pût empêcher sa réélection. L’homme fait le funambule entre l’est et l’ouest, se pose en médiateur aussi. Il suggère que des pourparlers de paix russo-ukrainiens se tiennent à Budapest, ce que Kiev qualifie de « cynique ». Il entend protéger la minorité hongroise d'Ukraine, 150 000 âmes qui pourtant ne sont pas menacées par le conflit. Si Orban reconnaît que la Russie est l’agresseur, il refuse de livrer des armes à l'Ukraine, n’expulse pas les diplomates russes, et ne juge pas Poutine responsable des massacres de Boutcha, Irpin et Gostomel. Si besoin, Orban se dit prêt à payer le gaz russe en roubles, contrairement à tous les autres pays de l'Union européenne. Budapest fait valoir que la Hongrie ne peut être ravitaillée par la mer.

Une question demeure, que pose L'Express : « Comment lui, l'ancien révolutionnaire libéral qui avait séduit la Hongrie en prononçant un discours sur la place des Héros de Budapest, en 1989, pour appeler au départ des troupes soviétiques et à la tenue d'élections libres, peut-il soutenir l'arrivée des troupes russes dans une Ukraine qui ne veut pas d'elles ?  »

Soutien ou pragmatisme ? Bruxelles réprime en tout cas ce numéro d'équilibriste. Deux jours après la victoire d'Orban, la Commission européenne déclenchait une procédure dite de « conditionnalité » destinée à priver la Hongrie de fonds européens. Devant le Parlement, Ursula von der Leyen argua que ce pays ne luttait pas assez contre la corruption pour bloquer le plan de relance post-covid de 7,2 milliards d'euros. En retour, Budapest accusa l’UE de « punir les électeurs hongrois pour ne pas avoir exprimé une opinion au goût de Bruxelles ». 

Mais comme l’indique un diplomate, « pendant la guerre, les gens cherchent la stabilité. Viktor Orban affronta de nombreux conflits pendant 12 ans. Aucun de ses concurrents n'avait cette expérience. »

Les Hongrois savaient ce qu’ils risquaient en votant massivement pour Viktor Orban puisque la Cour de justice de l'UE avait confirmé la légalité de cette procédure mi-février, en rejetant les recours en annulation de la Hongrie et de la Pologne.

Le chantage aux subventions n’eut pas raison de leur vote, ce qui doit laisser Bruxelles perplexe, l'argent étant l'arme ultime pour vendre les charmes de l'UE.
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La solitude de Viktor Orban, le Poutine de la puszta
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