L'enquête qui secoue l'audiovisuel public
Voilà une enquête qui ne manque pas de sel. Elle est d'autant plus savoureuse — ou piquante, selon les goûts — qu'elle a été suggérée à l'institut conservateur et libéral Thomas More (voir lien ci-dessous) par une initiative du Conseil d'État. Le 13 février 2024, la plus haute juridiction administrative a sommé l'Arcom, régulateur de l'audiovisuel, de renforcer son contrôle du pluralisme dans les media. Tous ceux qui s'y exprimaient, élus ou représentants de partis politiques, mais aussi journalistes, chroniqueurs ou simples acteurs de la société civile, devaient désormais être étiquetés politiquement. Tâche herculéenne ? Mission impossible ? On ne paraissait guère s'en soucier tant qu'un seul media, la chaîne privée CNews, était dans le collimateur à la suite d'une plainte de l'ONG Reporters sans frontières (cf. LSDJ n°2120). Mais les initiateurs de cette inquisition contre CNews ont vite déchanté en découvrant, trop tard, qu'il était intenable de la réserver à cette chaîne d'information. D'autant que les chercheurs de l'institut Thomas More avaient déjà pris la balle au bond.
Ni une, ni deux, ils ont relevé le défi de vérifier si l'audiovisuel public, tenu statutairement à l'exemplarité, respectait les obligations légales non seulement de pluralisme, comme tous les media privés ou publics, mais aussi d'impartialité éditoriale en tant qu'exerçant un service public. Du 19 au 23 février 2024, ils ont identifié, écouté et visionné 587 intervenants dans les programmes de trois chaînes et de trois stations du service public : France 2, France 5, France Info TV, France Info Radio, France Culture et France Inter. Pour respecter les règles léonines édictées par le Conseil d'État, ils se sont efforcés de classer ces intervenants par sensibilité politique, selon le parti qu'ils représentaient ou les idées qu'ils exprimaient. Et là, surprise (ou, soyons franc, confirmation d'un secret de polichinelle) : si 50 % de ces intervenants étaient inclassables politiquement, dans l'autre moitié, 25 % étaient clairement « de gauche », 21 % étaient centristes ou macronistes, et 4 % seulement pouvaient être considérés comme de droite par leur identité ou/et par leurs propos. La palme revient à France Culture avec seulement...1 % de personnalités de droite invitées à s'exprimer, talonnée par France 2 qui n'entrebâille sa porte qu'à 3 % de gens « de droite » (conservateurs, identitaires, souverainistes, nationalistes etc.) Cette partialité ressort clairement de l'analyse consacrée au magazine hebdomadaire de France 2 « Complément d'enquête » : sur les 86 éditions diffusées ces trois dernières années, 37 % reflètent un positionnement idéologique de gauche et 0 % de droite ! Les titres des émissions sont souvent éloquents : « Police municipale : les nouveaux mercenaires ? » ( 2 décembre 2021) ; « Histoire, argent, pouvoir : les vrais secrets du Puy du Fou » (7 septembre 2023)...
En réalité, il n'y a dans ce parti-pris ni surprise, ni secret, car il est assumé par la direction des chaînes de service public. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, a déclaré sans ambages à des députés qui l'auditionnaient en juillet dernier : « On ne représente pas la France telle qu'elle est (…) mais telle qu'on voudrait qu'elle soit »... tout un programme ! Quant à Adèle Van Reeth, directrice de France Inter, elle a crânement affirmé dans un entretien au Figaro du 28 mars 2024 : « Nous sommes une radio progressiste, et nous l'assumons. »
« Le rapport étrille en particulier France Inter » souligne Le Point (27 mai). « Sur 136 participants durant les six jours, la radio publique est celle qui compte le moins de personnes neutres (37 %) et le plus de socialistes et progressistes (32 %). Selon une mesure du temps de parole des courants politiques effectuée sur trois mois (au quatrième trimestre 2023), "les gauches" s'expriment beaucoup plus que les résultats obtenus aux législatives (50 % pour un résultat de 33 %), tandis que la "droite radicale" s'exprime beaucoup moins (10 % pour un résultat aux législatives de 2022 de 24 %). » Quand les chartes de France Télévisions et de Radio France les engagent à promouvoir la « diversité », il s'agit de tout autre chose !
À propos de la portion congrue concédée aux acteurs, penseurs ou sympathisants de droite par des media de service public, Jean-Thomas Lesueur, directeur général de l'institut Thomas More, interviewé par le Figaro Magazine (24 mai), juge « assez ironique qu'Adèle Van Reeth ait mis à pied Guillaume Meurice ». Cet « humoriste » de France Inter a été écarté pour avoir qualifié Benyamin Netanyahou de « nazi sans prépuce ». Alors que pour Lesueur, « finalement, c'est lui qui a le mieux résumé l'absence de pluralisme de l'antenne quand il a dit : “On équilibre. On essaye de faire une vanne de gauche, une vanne d'extrême-gauche, une vanne d'ultragauche, pour vraiment avoir tout le panel du spectre politique.” » Un pied-de-nez à la majorité de citoyens et de contribuables qui ne partagent pas les idées défendues et promues par les chaînes de radio/télévision d'État alors qu'ils sont contraints de les financer pour la bagatelle de 4 milliards par an...