International
En Indonésie, un islam de plus en plus radical
La multiplication d’emprisonnements pour « blasphème » porte une ombre à la réputation d’islam modéré de l’archipel. Sous l’influence d’un wahhabisme importé de la Péninsule arabique, les musulmans (85% des Indonésiens) se radicalisent. « Il faut que le monde le sache ! » implore, depuis sa cellule, Appolinaris Darmawan. Ce septuagénaire purge une peine de 5 ans pour « incitation à la haine ». En cause, des vidéos partagées sur YouTube, dans lesquelles il met en cause l’islam, la religion dans laquelle il est né et qu’il a abjurée.
Auteur, spécialiste de l’histoire indonésienne, Appolinaris Darmawan a mis à profit son érudition pour s’adresser à la Cour lors de son procès. À la barre, il a rappelé que la Constitution indonésienne reconnaît la liberté d’expression et qu’en conséquence, son arrestation était injustifiée. Le fait que des musulmans se sentent offensés par mes propos n’est pas suffisant pour m’écrouer, a-t-il plaidé, l’offense étant subjective et ne tombant pas sous le coup de la loi. L’homme n’est pas dupe. Il sait que les juges sont sous pression d’extrémistes religieux. Il sait aussi que ce problème existait déjà sous Sukarno, le premier Président de la République indonésienne, auquel il a consacré un livre. Sukarno, quoique musulman, craignait que son pays ne devienne une République islamique. En 1945, il s’est en particulier opposé à ce qu’une clause de la Constitution stipule que le président soit forcément musulman, et à ce que la Charia serve de base juridique au pays.
En Indonésie, l’enseignement de Mohammed n’est pas parvenu par la conquête, mais par les échanges commerciaux. Et s’il faut relativiser l’idée d’un archipel indonésien ouvert à toutes les religions, il y existe bien une tradition de tolérance de la diversité, témoigne le père Paul Billaud, des Missions étrangères de Paris. Il réside à Bandar Lampung, à l’extrême sud de la grande île de Sumatra. Grâce à son expérience de 40 ans dans l’archipel, le missionnaire constate les évolutions en cours. « Il n’y a plus le respect des autres communautés religieuses qui existait lors de mon arrivée », regrette-t-il. Des pratiques venues d’Arabie Saoudite se généralisent, au détriment des traditions locales. À titre d’exemple, les Javanaises ne portent plus le sarong, mais de longues robes de tissu et des voiles d’inspiration arabe. De même, la polygamie qui était interdite aux fonctionnaires indonésiens, est désormais encouragée. Des « banques islamiques » poussent dans le pays, comme des champignons. Des pressions sont exercées sur des restaurants pour qu’ils cessent leurs activités pendant le Ramadan.
Les réseaux sociaux ont donné une fantastique impulsion aux discours salafistes sur Internet. Certains totalisent des millions de vues sur YouTube. Parmi les prédicateurs à succès, Muhammad Yahya Waloni s’est distingué par un jeu de mots signifiant que les chrétiens « catholiques, comme protestants, sont pour Satan ». Un autre, Ustad Abdul Somad , affirme que « la Croix est démoniaque » et que les musulmans qui meurent dans des hôpitaux chrétiens portant ce signe « vont directement en enfer ».
Des prédicateurs chrétiens ont réagi en postant à leur tour des vidéos critiquant les prêcheurs salafistes, ce qui contribue à tendre les relations entre les communautés religieuses. Ils sont souvent désavoués par leurs Églises, qui préfèrent préserver à tout prix la paix sociale. Et ils se trouvent par conséquent en première ligne et isolés face à la vindicte des extrémistes.
Le cas le plus éloquent est celui de Muhammad Kacé, ancien imam, converti au christianisme (photo pendant son procès). Son visage tuméfié a fait la une des journaux indonésiens au mois de septembre 2021. Arrêté pour l’une de ses vidéos, dans laquelle il dénonçait l’enseignement religieux dispensé dans les écoles coraniques, il a été torturé de façon innommable par des codétenus qui ont eu mystérieusement accès à sa cellule. Au mois de mars 2022, Muhammad Kacé bien qu’apparu très affaibli à la barre, a présenté une défense cohérente. Il a notamment souligné que ses propos ne contenaient pas d’incitation à la haine et que son arrestation représentait une violation de la liberté d’expression. Diabétique, privé de traitement pendant des mois, il s’est évanoui deux fois pendant les séances au tribunal. Sa plaidoirie était perturbée par des extrémistes musulmans qui chantaient au dehors, sur la mélodie d’une comptine enfantine : « Pendons, pendons, pendons Kacé ! ». Il a été condamné à 10 ans de prison pour « incitation à la haine ».
Il n’y a pourtant pas d’appel à la violence dans les quelque 400 vidéos qu’il a mises en ligne, mais un appel à la vigilance qu’il résume par les mots Salam Sadar : « Salue la conscience ». C’est un cri à l’éveil de l’Indonésie pour qu’elle prenne conscience du danger d’un islam étranger qui est en train de l’étouffer !
Auteur, spécialiste de l’histoire indonésienne, Appolinaris Darmawan a mis à profit son érudition pour s’adresser à la Cour lors de son procès. À la barre, il a rappelé que la Constitution indonésienne reconnaît la liberté d’expression et qu’en conséquence, son arrestation était injustifiée. Le fait que des musulmans se sentent offensés par mes propos n’est pas suffisant pour m’écrouer, a-t-il plaidé, l’offense étant subjective et ne tombant pas sous le coup de la loi. L’homme n’est pas dupe. Il sait que les juges sont sous pression d’extrémistes religieux. Il sait aussi que ce problème existait déjà sous Sukarno, le premier Président de la République indonésienne, auquel il a consacré un livre. Sukarno, quoique musulman, craignait que son pays ne devienne une République islamique. En 1945, il s’est en particulier opposé à ce qu’une clause de la Constitution stipule que le président soit forcément musulman, et à ce que la Charia serve de base juridique au pays.
En Indonésie, l’enseignement de Mohammed n’est pas parvenu par la conquête, mais par les échanges commerciaux. Et s’il faut relativiser l’idée d’un archipel indonésien ouvert à toutes les religions, il y existe bien une tradition de tolérance de la diversité, témoigne le père Paul Billaud, des Missions étrangères de Paris. Il réside à Bandar Lampung, à l’extrême sud de la grande île de Sumatra. Grâce à son expérience de 40 ans dans l’archipel, le missionnaire constate les évolutions en cours. « Il n’y a plus le respect des autres communautés religieuses qui existait lors de mon arrivée », regrette-t-il. Des pratiques venues d’Arabie Saoudite se généralisent, au détriment des traditions locales. À titre d’exemple, les Javanaises ne portent plus le sarong, mais de longues robes de tissu et des voiles d’inspiration arabe. De même, la polygamie qui était interdite aux fonctionnaires indonésiens, est désormais encouragée. Des « banques islamiques » poussent dans le pays, comme des champignons. Des pressions sont exercées sur des restaurants pour qu’ils cessent leurs activités pendant le Ramadan.
Les réseaux sociaux ont donné une fantastique impulsion aux discours salafistes sur Internet. Certains totalisent des millions de vues sur YouTube. Parmi les prédicateurs à succès, Muhammad Yahya Waloni s’est distingué par un jeu de mots signifiant que les chrétiens « catholiques, comme protestants, sont pour Satan ». Un autre, Ustad Abdul Somad , affirme que « la Croix est démoniaque » et que les musulmans qui meurent dans des hôpitaux chrétiens portant ce signe « vont directement en enfer ».
Des prédicateurs chrétiens ont réagi en postant à leur tour des vidéos critiquant les prêcheurs salafistes, ce qui contribue à tendre les relations entre les communautés religieuses. Ils sont souvent désavoués par leurs Églises, qui préfèrent préserver à tout prix la paix sociale. Et ils se trouvent par conséquent en première ligne et isolés face à la vindicte des extrémistes.
Le cas le plus éloquent est celui de Muhammad Kacé, ancien imam, converti au christianisme (photo pendant son procès). Son visage tuméfié a fait la une des journaux indonésiens au mois de septembre 2021. Arrêté pour l’une de ses vidéos, dans laquelle il dénonçait l’enseignement religieux dispensé dans les écoles coraniques, il a été torturé de façon innommable par des codétenus qui ont eu mystérieusement accès à sa cellule. Au mois de mars 2022, Muhammad Kacé bien qu’apparu très affaibli à la barre, a présenté une défense cohérente. Il a notamment souligné que ses propos ne contenaient pas d’incitation à la haine et que son arrestation représentait une violation de la liberté d’expression. Diabétique, privé de traitement pendant des mois, il s’est évanoui deux fois pendant les séances au tribunal. Sa plaidoirie était perturbée par des extrémistes musulmans qui chantaient au dehors, sur la mélodie d’une comptine enfantine : « Pendons, pendons, pendons Kacé ! ». Il a été condamné à 10 ans de prison pour « incitation à la haine ».
Il n’y a pourtant pas d’appel à la violence dans les quelque 400 vidéos qu’il a mises en ligne, mais un appel à la vigilance qu’il résume par les mots Salam Sadar : « Salue la conscience ». C’est un cri à l’éveil de l’Indonésie pour qu’elle prenne conscience du danger d’un islam étranger qui est en train de l’étouffer !