En France, les antibiotiques, c’est toujours trop automatique
Santé

En France, les antibiotiques, c’est toujours trop automatique

Par Judikael Hirel. Synthèse n°810, Publiée le 18/11/2019
C’est un fait : même s’ils en consomment un peu moins, les Français consomment toujours trop d'antibiotiques. C’est ce que révèle le tout dernier rapport du Centre européen de prévention et de contrôle des maladies. En effet, avec une dose quotidienne définie (DDD) de 25,3 pour 1.000 habitants en 2018, la France demeure l’un des mauvais élèves de l’Europe, le quatrième plus gros consommateur d'antibiotiques de l'Espace économique européen, derrière les Grecs (34,0), les Chypriotes (28,9) et les Espagnols (26,0). À titre de comparaison, notre niveau de consommation est bien supérieur à la moyenne européenne (20,1) et trois fois plus élevé qu'aux Pays-Bas, où la dose quotidienne définie est de 9,7 pour 1.000 habitants.

Toujours selon ce rapport, "l'assurance-maladie pourrait économiser 400 millions d'euros si la consommation française était la même que celle des Pays-Bas". En l’espace de dix ans, la consommation d’antibiotiques a déjà baisse de 15%. Mais pourquoi est-il si important de réduire plus encore notre consommation d’antibiotiques ? Parce que le fait d’y avoir recours de façon excessive constitue la principale cause de l'augmentation de l'antibiorésistance, c'est-à-dire l'émergence et le maintien de souches bactériennes résistantes aux antibiotiques. Selon une étude publiée il y a tout juste un an dans la revue médicale The Lancet, ces "superbactéries" ont causé la mort de plus de 33.000 Européens en 2015, dont 5.543 en France, soit environ 8 décès pour 100.000 habitants.

Et l'utilisation trop intensive des antibiotiques n'est pas seulement un problème financier : cela accélère la progression de la résistance aux antibiotiques également. Car les antibiotiques tuent les bactéries "en entrant par certaines de leurs portes", pour utiliser une métaphore. Ainsi, quand des bactéries sont confrontées à des antibiotiques, la plupart meurent sauf celles qui sont capables de résister à cet antibiotique, qui peuvent dans ce contexte se développer de façon fulgurante. La porte par laquelle est entré l'antibiotique est alors condamnée pour ces bactéries mutantes et il faudra utiliser un autre antibiotique pour les tuer. Le problème est que le nombre des "portes" des bactéries est limité. On l'estime à environ une centaine pour des bactéries très classiques. Et depuis 60 ans que nous employons des antibiotiques, nous avons déjà fermé la moitié des portes existantes dans certaines bactéries. Cela signifie que dans 30 ans pour les plus pessimistes, ou dans 50 ans pour les plus optimistes, nous n'aurons plus aucune façon de nous défendre contre des maladies qui étaient devenues bénignes depuis des décennies. "Je suis toujours étonné de la façon dont ce problème dramatique pour l'humanité n'est pas traité dans les médias" écrit ainsi Jean Staune dans son livre "Les clés du futur" (p. 139) qui poursuit : "Inconscience ou volonté de ne pas paniquer la population ? Toujours est-il que, si nous ne sommes pas capables de développer une nouvelle révolution dans les sciences du vivant, nous risquons de le payer très cher"
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