International
En Allemagne, Oskar Lafontaine « bombarde » l'OTAN
Malgré son nom familier venu d’un ancien soldat de Napoléon, Oskar Lafontaine trouve peu d’écho chez nous, même quand cette figure historique de la gauche allemande « se lâche » sur l’Union européenne et l’OTAN. Son interview intitulée « L’Europe paie le prix de la lâcheté de ses propres dirigeants » passa inaperçue. On peut y voir deux raisons :
La première tient au media qui la publia fin novembre : DWN, Deutsche Wirtschaftsnachrichten, (l’actualité économique allemande). Ce nom placide et ennuyeux déguise en fait un site sensationnaliste et franc-tireur dont les infos sont sujettes à caution.
Deuxième raison : la France n’a pas besoin d’Oskar Lafontaine ; Jean-Luc Mélenchon lui suffit. Les deux hommes partagent un sens aigu de la provocation, une forme d’inflexibilité idéologique et des trajectoires politiques inachevées, comme s'ils butaient sur leur seuil d'incompétence.
Néanmoins, Lafontaine ne joue pas dans la même cour que son alter ego français. L'ancien maire de Sarrebruck, ministre-président de Sarre pendant 13 ans (1985-1998), jouit de l'image installée d’une personnalité puissante dans un État décentralisé. Son style charmeur et son allure fine le rendent compatible avec l’exercice du pouvoir. L’homme aurait pu devenir chancelier s’il n’avait trouvé sur sa route un certain Helmut Kohl. Proche de Willy Brandt, Lafontaine demeure une figure historique des socio-démocrates, vaste formation régie par l’esprit de coalition. Même s’il incarne l’aile gauche du SPD, il dirigera le parti pendant 4 ans (1995-1999). En 1998, Gerhard Schröder le prendra même comme ministre fédéral des Finances. Il quittera le SPD lorsque le chancelier social-démocrate engagera de profondes réformes libérales, au tournant des années 2000.
De 8 ans son aîné, Lafontaine inspirera le futur chef des Insoumis. Libération écrit qu’ « en 2008 Mélenchon suit le même chemin hors du PS et prend exemple sur Die Linke, le parti cofondé par Lafontaine avec d’anciens sociaux-démocrates, des petites formations d’extrême gauche implantées dans l’ouest du pays et d’anciens communistes installés en ex-Allemagne de l’Est ». Et Libé ajoute : « Mélenchon imagine alors calquer le modèle Die Linke pour le Front de gauche, en vue d’en faire un parti unifié. »
Lafontaine a le mérite de rester fidèle à ses idées, quitte à sacrifier son destin national, comme il le fait sur l’unification allemande en suggérant que la RDA reste autonome de la RFA ! Ses sympathies avec des apparatchiks de l'ex-bloc soviétique comme l’avocat Gregor Gysi, fils de l’ancien ministre de la Culture est-allemand, pénalise son positionnement. Tout est-il permis au nom de l'indépendance à l'égard de Washington ?
Lafontaine garde la même ligne anti-OTAN que lors de la crise des euromissiles (1979-1982). Dans cette interview, il « bombarde » l'Amérique et ses vassaux européens dans un style corrosif et un élan subversif. C'est le ton qui surprend. Avec l'âge (79 ans), l'homme prend des libertés : « L’explosion des deux gazoducs (Nord Stream 1 et 2, ndlr) est une déclaration de guerre à l’Allemagne, lance-t-il, « et c’est à la fois pathétique et lâche que le gouvernement fédéral veuille mettre l’incident sous le tapis ». Selon lui, « les États-Unis ont soit directement mené l’attaque, soit au moins donné le feu vert ».
Comme dans sa jeunesse, il demande « le retrait de toutes les installations militaires et nucléaires américaines d’Allemagne ainsi que la fermeture de la base aérienne de Ramstein ». Lafontaine perçoit-t-il que ce genre d'injonction l'aligne sur le discours d'une droite hostile à l'UE et à l'américanisation à marche forcée du Vieux continent ?
La guerre à l'est, dans sa logique, lui donne raison : « L’Ukraine, non pas en droit, mais de fait, est un membre de l’OTAN », assène-t-il. À ses yeux, « les États-Unis ont magnifiquement réussi à séparer l’UE de la Russie, à mettre l’Allemagne hors-jeu comme rival économique, à dicter leur politique à l’UE et aux États européens ». Lafontaine déplore que les USA aient réussi à « vendre leur saleté de gaz de schiste et à réaliser des affaires en or pour leurs industries d’armements ».
L'homme estime que « tout cela va conduire à la désindustrialisation, la pauvreté et au chômage ». Il conclut en disant que « les États-Unis doivent renoncer à mettre la Russie à genoux avant leur prochain combat au corps à corps avec la Chine ». Ses dernières paroles sont : « une initiative franco-allemande s’impose ! »
Oskar Lafontaine omet cependant de traiter le sujet à fond. L'OTAN n'est pas qu'une lubie US. L'Amérique isolationniste se plaint de son coût. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord est aussi née de la volonté des Européens de ne pas tomber dans la besace sanglante de Staline. On voit mal une Europe militairement dégarnie et démographiquement anémiée résilier son assurance-vie, face à une Russie résolue à l'est, et au risque de déstabilisation islamiste au sud.
On ne range pas son parapluie par temps d'orage.
La première tient au media qui la publia fin novembre : DWN, Deutsche Wirtschaftsnachrichten, (l’actualité économique allemande). Ce nom placide et ennuyeux déguise en fait un site sensationnaliste et franc-tireur dont les infos sont sujettes à caution.
Deuxième raison : la France n’a pas besoin d’Oskar Lafontaine ; Jean-Luc Mélenchon lui suffit. Les deux hommes partagent un sens aigu de la provocation, une forme d’inflexibilité idéologique et des trajectoires politiques inachevées, comme s'ils butaient sur leur seuil d'incompétence.
Néanmoins, Lafontaine ne joue pas dans la même cour que son alter ego français. L'ancien maire de Sarrebruck, ministre-président de Sarre pendant 13 ans (1985-1998), jouit de l'image installée d’une personnalité puissante dans un État décentralisé. Son style charmeur et son allure fine le rendent compatible avec l’exercice du pouvoir. L’homme aurait pu devenir chancelier s’il n’avait trouvé sur sa route un certain Helmut Kohl. Proche de Willy Brandt, Lafontaine demeure une figure historique des socio-démocrates, vaste formation régie par l’esprit de coalition. Même s’il incarne l’aile gauche du SPD, il dirigera le parti pendant 4 ans (1995-1999). En 1998, Gerhard Schröder le prendra même comme ministre fédéral des Finances. Il quittera le SPD lorsque le chancelier social-démocrate engagera de profondes réformes libérales, au tournant des années 2000.
De 8 ans son aîné, Lafontaine inspirera le futur chef des Insoumis. Libération écrit qu’ « en 2008 Mélenchon suit le même chemin hors du PS et prend exemple sur Die Linke, le parti cofondé par Lafontaine avec d’anciens sociaux-démocrates, des petites formations d’extrême gauche implantées dans l’ouest du pays et d’anciens communistes installés en ex-Allemagne de l’Est ». Et Libé ajoute : « Mélenchon imagine alors calquer le modèle Die Linke pour le Front de gauche, en vue d’en faire un parti unifié. »
Lafontaine a le mérite de rester fidèle à ses idées, quitte à sacrifier son destin national, comme il le fait sur l’unification allemande en suggérant que la RDA reste autonome de la RFA ! Ses sympathies avec des apparatchiks de l'ex-bloc soviétique comme l’avocat Gregor Gysi, fils de l’ancien ministre de la Culture est-allemand, pénalise son positionnement. Tout est-il permis au nom de l'indépendance à l'égard de Washington ?
Lafontaine garde la même ligne anti-OTAN que lors de la crise des euromissiles (1979-1982). Dans cette interview, il « bombarde » l'Amérique et ses vassaux européens dans un style corrosif et un élan subversif. C'est le ton qui surprend. Avec l'âge (79 ans), l'homme prend des libertés : « L’explosion des deux gazoducs (Nord Stream 1 et 2, ndlr) est une déclaration de guerre à l’Allemagne, lance-t-il, « et c’est à la fois pathétique et lâche que le gouvernement fédéral veuille mettre l’incident sous le tapis ». Selon lui, « les États-Unis ont soit directement mené l’attaque, soit au moins donné le feu vert ».
Comme dans sa jeunesse, il demande « le retrait de toutes les installations militaires et nucléaires américaines d’Allemagne ainsi que la fermeture de la base aérienne de Ramstein ». Lafontaine perçoit-t-il que ce genre d'injonction l'aligne sur le discours d'une droite hostile à l'UE et à l'américanisation à marche forcée du Vieux continent ?
La guerre à l'est, dans sa logique, lui donne raison : « L’Ukraine, non pas en droit, mais de fait, est un membre de l’OTAN », assène-t-il. À ses yeux, « les États-Unis ont magnifiquement réussi à séparer l’UE de la Russie, à mettre l’Allemagne hors-jeu comme rival économique, à dicter leur politique à l’UE et aux États européens ». Lafontaine déplore que les USA aient réussi à « vendre leur saleté de gaz de schiste et à réaliser des affaires en or pour leurs industries d’armements ».
L'homme estime que « tout cela va conduire à la désindustrialisation, la pauvreté et au chômage ». Il conclut en disant que « les États-Unis doivent renoncer à mettre la Russie à genoux avant leur prochain combat au corps à corps avec la Chine ». Ses dernières paroles sont : « une initiative franco-allemande s’impose ! »
Oskar Lafontaine omet cependant de traiter le sujet à fond. L'OTAN n'est pas qu'une lubie US. L'Amérique isolationniste se plaint de son coût. L'Organisation du traité de l'Atlantique Nord est aussi née de la volonté des Européens de ne pas tomber dans la besace sanglante de Staline. On voit mal une Europe militairement dégarnie et démographiquement anémiée résilier son assurance-vie, face à une Russie résolue à l'est, et au risque de déstabilisation islamiste au sud.
On ne range pas son parapluie par temps d'orage.