Emmanuel Macron en combat défensif sur tous les fronts
À l'approche d'élections européennes que les sondages prédisent périlleuses pour son parti, Emmanuel Macron multiplie les interventions et presse ses principaux ministres (Attal, Darmanin) de « monter au créneau » à son exemple. Mais l'effet sur leurs interlocuteurs et sur l'opinion reste ténu. Et quand le président lui-même intervient en pompier-policier en chef pour éteindre un incendie, le brasier ne faiblit pas ou repart de plus belle, à peine a-t-il tourné le dos.
Son séjour éclair en Nouvelle-Calédonie enest un exemple saisissant. Deux jours après l'entretien des responsables du FLNKS avec le chef de l'État (23 mai), un communiqué du front indépendantiste affichait« sa détermination invariable à faire accéder Kanaky Nouvelle-Calédonie à la pleine souveraineté », tout en se réjouissant d'avoir « réussi à faire plier le gouvernement français » rapporte Francetvinfo (25 mai). On apprend à cette occasion que la rencontre s'était déroulée sans la présence des ministres Sébastien Lecornu et Gérald Darmanin, deux ministres rejetés par le FLNKS comme « responsables de l'échec de la sortie de l'accord de Nouméa ainsi que du carnage actuel ». Emmanuel Macron a alors reconnu devant des journalistes : « Je considère avoir fait le maximum d'efforts possibles pour permettre un retour au calme, mais je n'ai reçu aucun engagement ferme en retour » (Atlantico, 25 mai). Autant dire que l'engagement pris par le président de la République de ne pas faire « passer en force » la réforme électorale à l'origine des tensions aura été interprété comme un signe de faiblesse. Rappelons que cette réforme consiste à rendre leur droit de vote aux élections provinciales aux Français présents dans l'île depuis au moins 10 ans. « La Nouvelle-Calédonie, n'est pas le Far West » avait déclaré le chef de L'État à la chaîne de télévision Nouvelle-Calédonie La 1ère (Marianne, 24 mai). Un bilan de 7 morts (au 25 mai) et des destructions n'épargnant pas un centre de dialyse, trahissent pourtant des émeutes autrement plus dramatiques que « Règlements de comptes à O.K. Corral » (western tout public, 1957).
Quant à la France métropolitaine, il y a longtemps qu'elle ressemble à un Far West en manque de shérif : « 92 % des Français jugent que l'insécurité progresse dans l'Hexagone », d'après le baromètre « sécurité des Français » réalisé par Fiducial/Odoxa pour Le Figaro (1er avril). Les deux mois écoulés ont confirmé l'emballement de « faits divers » d'une rare violence. Deux se sont produits en plein jour et à un péage d'autoroute, au milieu des usagers : le mitraillage du fourgon cellulaire qui a coûté la vie à deux agents pénitentiaires et permis l'évasion du caïd de la drogue Mohammed Amra, le 14 mai (France 3) et, le 25 mai, l'ahurissante bagarre à un péage d'autoroute entre supporters du Paris-Saint-Germain et de l'OL (une trentaine de blessés dont deux policiers, un car calciné, deux autres endommagés) – violences condamnées, selon la formule rituelle, « avec la plus grande fermeté » par Emmanuel Macron (20 minutes, 25 mai).
Quelques jours avant son aller-retour à Nouméa, le chef de l'État et son parti Renaissance avaient essuyé un échec cuisant à l'Assemblée nationale. Leur projet de loi sur « l'aide à mourir » (cf. LSDJ n°2197) a été lourdement remanié par la commission spéciale réunie du 13 au 17 mai. Le texte réécrit comporte la création d'un délit d'entrave au suicide assisté et à l'euthanasie, le remplacement du critère du « pronostic vital engagé à court ou moyen terme » par celui d'une « affection grave et incurable en phase avancée ou terminale », et la possibilité pour un patient d'inscrire « l'aide à mourir » dans ses directives anticipées au cas où il perdrait conscience. « En moins de cinq jours, les députés ont davantage élargi l'accès à la mort provoquée que ne l'ont fait la Belgique en vingt-deux ans et le Canada en huit ans », ont dénoncé vingt organisations de professionnels de santé regroupées dans la Société française d'accompagnement et de soins palliatifs (SFAP, 20 mai). Emmanuel Macron a été « dépossédé de son texte » et son camp« sonne le tocsin », titre Le Point (24 mai). « La plupart des verrous qui subordonnaient cette aide à mourir à des cas très spécifiques et à une maîtrise jusqu'au bout par le malade lui-même de son propre destin ont sauté » constate l'hebdomadaire. Mais n'est-ce pas le projet de loi voulu par le chef de l'État qui a « ouvert la boîte de Pandore » comme l'en accuse Boulevard Voltaire (21 mai) ?
L'atmosphère va-t-elle se détendre grâce aux Jeux Olympiques ? Il faut l'espérer. Mais pour l'heure, Vincent Trémolet de Villers constate dans son éditorial d'Europe 1 (22 mai, en lien ci-dessous) que l'approche des JO donne l'occasion de chantages aux primes à des syndicats en capacité de tout bloquer. Ceux de la SNCF, qui s'étaient déjà distingués au début du mois en arrachant à la direction une faramineuse exemption des deux ans supplémentaires de travail prévu par la réforme des retraites, ont récidivé le 21 mai avec « une bonne vieille grève comme on sait les faire à la SNCF » selon les mots du secrétaire fédéral SUD Rail, Fabien Villedieu …