Elon Musk, chevalier blanc de la liberté d'expression ?
Médias

Elon Musk, chevalier blanc de la liberté d'expression ?

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1576, Publiée le 03/05/2022
Il a donc franchi le Rubicon… Le milliardaire sud-africain Elon Musk a pris le contrôle de Twitter et affiche sa volonté d’en refaire un forum d’expression libre. Est-ce une victoire décisive signant le retour des principes fondamentaux démocratiques en Occident ? L’essayiste Mary Harrington en doute (voir son article pour Unherd en lien). Selon elle, la violence des réactions qui ont suivi cette acquisition dévoile la profondeur du mal. En effet, le gouvernement américain affiche sa volonté de nommer un « ministre de la Vérité » et l’Union Européenne veut sa propre législation de contrôle de l’information pour forcer le nouveau Twitter à suivre ses règles…

Il y a au moins un précédent historique qui remonte à l’an 1515. Cette année-là, le pape Léon X a fait publier une bulle visant à contrôler la traduction des textes religieux dont la diffusion était démultipliée par l’imprimerie. Les réseaux sociaux sur internet sont de nos jours ce que l’imprimerie était au début du XVIe siècle. Et le Covid a accéléré la transition de l’imprimé au digital. Or, les libéraux qui voyaient dans l’ère digitale une nouvelle étape libératrice parachevant ce que la Bible de Gutenberg avait commencé, ont fait volte-face. Ils réclament à présent un contrôle accru des échanges en ligne qui ont une influence déplaisante sur la vie politique. Les progressistes qui saluaient naguère l’affaiblissement des grandes institutions qui encadraient l’opinion publique sont devenus les nouveaux censeurs. Washington et Bruxelles se sont donnés le même impératif que Léon X : maintenir le flot furieux des idées sous contrôle. Les libéraux au pouvoir ont pris la place des inquisatores haereticae pravitatis. Toutefois, malgré les mesures strictes annoncées dans sa bulle papale, Léon X n’a pas réussi à empêcher l’impact de l’imprimerie sur la pureté de la doctrine catholique. De graves dissensions religieuses ont suivi…

Nos libéraux ont été secoués par des coups de semonce ! L’année 2016 a vu l’accession de Donald Trump à la Maison Blanche et le Brexit… Libéraliser l’information ne donnait pas forcément des résultats allant dans le sens des progressistes. Alors, ils ont fait tomber le couperet. Twitter a banni Donald Trump après les émeutes du Capitole en janvier 2021. Facebook a censuré massivement les contenus critiquant les vaccins anti-Covid et a fermé la page du New York Post qui révélait les soupçons de corruption impliquant la famille Biden.

Pourquoi une telle bataille autour de Twitter ? Le réseau au petit oiseau bleu fait figure de Rubicon pour les autorités libérales. C’est le forum où l’élite se rassemble, là où les journalistes font une part importante de leur travail. Bref, une sorte de Sénat romain 2.0 dont la vertu a été de fabriquer du consensus, en excluant petit à petit les réfractaires. On comprend mieux la panique générée par l’arrivée fracassante du libertarien sud-africain qui se décrit comme un « absolutiste de la liberté d’expression ». Une journaliste de la chaine américaine MSNBC s’est écriée : « Musk pourrait contrôler ce que les gens doivent penser alors que c’est notre boulot ! »

Contrairement aux inquisiteurs de Léon X, les censeurs contemporains n’ont cure du « rendez à César ce qui appartient à César » du Nouveau Testament. Le nouveau clergé ne reconnait aucune légitimité à un quelconque César, qu’il soit élu par le peuple comme Donald Trump, ou qu’il rachète une société en suivant les lois en vigueur comme Musk… Une nouvelle église s’est constituée, dont les piliers sont des ONG, des accords internationaux, ou encore des structures technocratiques. Cette oligarchie entend régir le monde des idées en balayant d’un revers d’algorithme tout pouvoir politique ou économique qui refuse d’embrasser son anneau papal.

Le dédain des élites pour la volonté populaire a pour corolaire le mépris du peuple pour les élus. Les jeunes générations s’abstiennent massivement lors des élections, ce qui devrait alerter les démocrates sincères. La peur que suscite Elon Musk chez les libéraux de 2022 vient du fait que son autorité n’est pas distribuée. Sans être un despote, il dirige… Ils auraient sans doute préféré voir Twitter sous la férule des actionnaires du prédateur financier BlackRock.

La dérive du régime démocratique dépasse la seule « liberté d’expression ». Elle nous conduit vers une opposition entre des radicaux conservateurs qui réclament le retour d’un homme providentiel, et les libéraux qui préfèrent un monde dirigé par un agglomérat d’organismes. Ou par un algorithme qui a l’élégance de ne pas manifester, ni d’ailleurs de voter…
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