Élections présidentielles américaines en 2024 : le compte à rebours est lancé
L'actualité internationale est dominée par des conflits sanglants et un chaos géostratégique mais il y a l'an prochain une échéance majeure : le 5 novembre 2024 se tiendront les élections présidentielles américaines avec des conséquences lourdes sur le monde. Moins d'un an avant ce scrutin décisif, que disent les sondages sur ce « remake » prévu du duel Biden – Trump ? Et quelle fiabilité peut-on encore accorder à des outils qui se sont lourdement trompés en 2016 en ne donnant aucune chance à Donald Trump ? UnHerd a interrogé Joe Bedell (notre sélection), directeur associé de Stack Data Strategy (SDS). Cet institut de sondage a mené une étude d'ampleur nationale qui conclut que si l'élection se tenait maintenant, Donald Trump aurait sa revanche face à Joe Biden. L'autre enseignement est l'impact de « l'outsider » Robert F. Kennedy Jr. sur les perspectives des 2 candidats en lice du côté des Républicains et des Démocrates.
Tout d'abord, considérant les échecs successifs des sondages dans les pays démocratiques, quelle confiance accorder à ces projections ? Une évolution notable est en cours avec l'utilisation plus large de la méthode « MRP » - pour « Multi-level Regression and Post-stratification » : littéralement « régression et post-stratification à plusieurs niveaux ». Cette approche complexe a montré son efficacité. Savoir « qui » plutôt que « combien » : la méthode MRP interroge un grand nombre de personnes (15 000 Américains ont été consultés par SDS) alors que l'approche classique est de privilégier un petit « échantillon représentatif ». Les données sociodémographiques – qui servent à établir des profils d'électeurs - sont croisées avec d'autres sources comme les statistiques sociales officielles et les résultats de scrutins passés. Le but : calculer la probabilité que chaque électeur type vote pour chaque parti. La dernière étape consiste à estimer la présence de ces profils types dans les circonscriptions. En résumé : on réduit l'incertitude en travaillant sur une base plus large et on anticipe des comportements au niveau national pour bâtir des prévisions au niveau local.
Le résultat de l'enquête de SDS est sans appel : Trump aurait sa revanche en remportant 292 voix de grands électeurs. C'est-à-dire 2 voix de mieux qu'en 2016 alors que la majorité absolue est atteinte avec 270 voix. Comme en 2016, il perdrait le vote populaire avec 47.8 % des voix contre 49 % pour Biden. Les États pivots de la Pennsylvanie, du Wisconsin, de l'Arizona et de la Géorgie voteraient Trump comme en 2016 alors qu'ils étaient passés de justesse du côté de Biden en 2020. Comment expliquer une telle évolution alors que les dernières élections locales ont plutôt conforté le Parti démocrate ? D'abord l'impopularité de Joe Biden dont la faiblesse physique et les défaillances cognitives inquiètent de plus en plus d'Américains. Ensuite, l'érosion du soutien dans des communautés fidèles aux Démocrates. Chez les Afro-Américains par exemple : les entrepreneurs y sont influents et ont profité de la forte croissance économique de l'ère Trump. Ils souffrent maintenant de l'inflation et des coûts de l'énergie. Ils se retrouvent de moins en moins dans les luttes « wokistes » menées par des étudiants blancs à cheveux bleus… De tradition protestante, ils s'inquiètent des cris « free Palestine ! » de l'aile gauche démocrate. Ils voteraient à 20 % pour Trump – un niveau jamais atteint. Les Hispaniques votent de plus en plus pour les Républicains (45 % à ce stade) : largement catholiques, ils rejettent le libéralisme sociétal prôné par Biden. Les Cubains d'origine sont anti-communistes et s'indignent des déclarations d'adhésion au « socialisme » de personnalités du Parti démocrate. Il y a par ailleurs la Floride, et ses 29 grands électeurs, qui est passée d'État pivot à bastion républicain en quelques années. Si, à l'inverse, le Michigan (16 sièges) est donné comme votant Biden, la marge est étroite à cause de la révolte de l'importante communauté arabe vivant dans cet Etat. Si 64 % des Musulmans américains (1,1 % de la population nationale) ont voté Biden en 2020, les appels dénonçant le soutien inconditionnel de la Maison Blanche pour Israël se multiplient (les intentions de vote pour Biden se seraient écroulées sous la barre des 20 %). Ils ne voteront pas forcément pour Trump, mais cela pourrait profiter au troisième homme : Robert F. Kennedy Jr. Enfin, la seule communauté où le vote démocrate augmente est celle des « boomers » (les plus de 65 ans).
Kennedy – et ses 8 % projetés - pourrait tenir un rôle de « faiseur de roi », sa candidature favorisant plutôt Trump que Biden. Il offre une alternative au duel Biden-Trump et sa critique acerbe de la politique anti Covid lui a permis d'affirmer sa présence. Atypique et antisystème, on parle même d'un accord possible avec Trump pour une place de Vice-Président… Sa candidature ajoute de l'incertitude : venant de la gauche, ses donateurs sont plutôt de droite et il pourrait attirer dans les bureaux de vote nombre d'abstentionnistes.