TikTok, le très décrié réseau social chinois, fait des ravages auprès des plus jeunes. Mais retrouver dans un Ehpad ses clips mêlant chorégraphies et playback sur des morceaux célèbres est plus surprenant. Pourtant, afin d'ajouter un peu de dynamisme et de joie de vivre dans le quotidien, Élodie Mandler et Chloé Simonet, deux aides-soignantes, ont fait rentrer TikTok au sein de l'Ehpad Taillegrain à Bourges (Cher). La reprise par des résidentes du tube de rap "Confessions nocturnes" de Diam's et Vitaa a ainsi déjà été visionnée plus de quatre millions de fois sur TikTok. C'est d'ailleurs la ressemblance de deux des résidentes avec le duo de chanteuses qui aura donné à Chloé l'idée de reprendre ce morceau vieux d'une quinzaine d'années.

Depuis février dernier, nombreux ont été les résidents à accepter de jouer le jeu : d'emblée, une dizaine sur quarante a bien voulu essayer. Quelques minutes pour apprendre une chorégraphie simple, quelques accessoires et déguisements pour ajouter une touche de style et d'humour, et c'est en ligne... On pouvait ainsi voir Annick (90 ans) et Lucette (80 ans) reprendre la danse de Mercredi Adams, popularisée par l'actrice Jenna Ortega dans la série du même nom sur Netflix. Le mélange des générations est détonnant, et contribue au succès de l'idée. Mais qui aurait pu imaginer un seul instant un tel succès ?

Sur TikTok, l'Ehpad de Taillegrain compte désormais 36 000 fans et plus de 720 000 « likes ». De Joe Dassin à Céline Dion en passant par le rappeur Naps et son hit « La kiffance », les seniors s'amusent bien, et rien que cela fait plaisir à voir. Mais au-delà du plaisir fou de s'imaginer regardé à distance par des millions de personnes, cette idée toute simple va en fait beaucoup plus loin que cela. Bien sûr, cela contribue à faire une activité, voire un peu d'exercice, comme le proposaient il y a quelques années les consoles de jeu Wii de Nintendo. D'ailleurs, le projet proposé par les jeunes aides-soignantes a d'abord été validé par le centre hospitalier. Des objectifs très précis ont ainsi été fixés : "Stimuler les fonctions cognitives, la coordination physique des résidents, la créativité et l'imagination". Et ça marche...

Mais cet atelier TikTok aura également permis de redonner une certaine fierté, et même une existence sociale, dans une société de plus en plus individualiste au sein de laquelle les plus âgés peuvent rapidement finir par se sentir aussi invisibles qu'inutiles. Toutes les générations se retrouvent dans ce concept aussi simple que chaleureux. Si les enfants devenus adultes sont surpris de voir leur parents danser sur TikTok, il faut imaginer la réaction des petits-enfants, en PLS (comme on dit aujourd'hui) devant leurs grands-parents voire arrière-grands-parents devenus de véritables stars des réseaux sociaux. Après les scandales liés aux maltraitances dévoilés dans les Ehpad ces derniers mois, voilà au passage un phénomène qui change leur image du tout au tout. Et qui rappelle que le rôle des aides-soignantes ne se limite pas aux seuls soins.

 « Ta grand-mère sur TikTok ! »  On croirait entendre une insulte de cours de récréation d'école primaire. Mais, paradoxalement, un réseau social chinois connu pour la vacuité de ses contenus, accusé d'avoir été conçu pour abétifier les masses occidentale (le TikTok accessible en Chine étant absolument différent, patriotique et éducatif) permet bel et bien de recréer du lien intergénérationnel. Preuve s'il en fallait une que la technologie permet de faire aussi bien le pire que le meilleur. La seule question est de choisir l'usage que l'on en fait.