Derrière les tentatives d'assassinat contre Donald Trump, la montée de la violence politique
« N'y a-t-il donc personne pour me débarrasser de ce prêtre turbulent ? » s'est exaspéré Henri II d'Angleterre en 1170 devant sa cour… Prenant au pied de la lettre le cri de leur roi, des chevaliers zélés allaient assassiner Thomas Becket, l'archevêque de Canterbury. C'est un exemple célèbre qui démontre qu'un discours politique incendiaire peut provoquer la violence. L'ancien président Donald Trump est connu pour ses déclarations peu nuancées (c'est un euphémisme) – un piège qui a permis à ses opposants de pointer du doigt sa responsabilité dans les émeutes du 6 janvier 2021 à Washington. Des manifestants avaient pris au premier degré ses diatribes contre le Congrès… Ne se connaissant pas de meilleur adversaire que lui-même, il n'a pas résisté à la tentation de relayer une rumeur lors de son débat du 10 septembre contre Kamala Harris : les migrants mangeraient les chiens et les chats… Cette provocation pourrait faire sourire tant le personnage est coutumier des formules chocs mais elle a entraîné des menaces très réelles d'attentats à la bombe dans la ville de Springfield (Ohio). Loin de se rétracter, Donald Trump sait qu'il peut rameuter ses soutiens – comme le mouvement MAGA qui adhère à une vision apocalyptique du monde où les adversaires de Trump enlèveraient et violeraient des enfants… Déjà, lors de la campagne de 2016, l'équipe du candidat antisystème revendiquait le droit de soutenir des « vérités alternatives ».
On compte déjà deux tentatives d'assassinat contre Donald Trump en trois mois alors que les élections approchent. Les héritiers d'Henri II ne se trouveraient-ils pas à la tête du Parti démocrate et de la majorité des grands médias qui répètent que son retour au pouvoir serait une catastrophe pour le monde se demande Mary Harrington (voir l'article en lien) ? Ceux qui ont légitimé le déchaînement de la violence dans les rues américaines après la mort de George Floyd en juin 2020 ont martelé que Donald Trump devait à tout prix être « écarté ». Les « vérités alternatives » trouvent une chambre d'écho dans le monde virtuel des réseaux sociaux et radicalisent les oppositions. Le fait que les deux hommes qui ont essayé d'abattre Trump sont apparus dans des clips vidéo — le premier pour le très puissant fond d'investissement Blackrock, le second pour le bataillon ukrainien Azov – a convaincu de nombreux soutiens de Trump qu'il s'agissait d'une conspiration. Les enquêtes sont en cours et si une manigance impliquant les sommets de l'administration américaine ne peut être formellement écartée, elle n'est étayée par aucune preuve à ce stade.
L'explication la plus raisonnable derrière les tentatives de deux hommes « paumés » et dont les profils ne portent pas de marques idéologiques prononcées (la haine anti-Trump, la cause de l'Ukraine) : le terrorisme « stochastique », c'est à dire une violence bien réelle qui émerge par hasard et logiquement, d'un point de vue statistique, à cause d'une rhétorique politique incendiaire. Le discours politique aux États-Unis (et à des degrés divers dans les démocraties occidentales) devient de plus en plus idéologique et manichéen : le rapport à la réalité objective s'amenuise. Pas étonnant alors que les opinions se radicalisent quand on dépeint son adversaire comme un ennemi de l'humanité, ou la prochaine élection comme un « dernier combat ». Est-il vrai que des migrants festoient autour de barbecues félins ? Ce n'est pas important pour le camp Trump : ce qui compte est de marteler un message qui renforce leur ligne anti-immigration. Le camp démocrate répète en boucle que Donald Trump veut bannir le droit à l'avortement dans toute la fédération américaine jusqu'à convaincre une majorité d'Américains… C'est faux : Donald Trump s'est contenté de dire qu'il voulait rendre la liberté aux États de légiférer sur ce sujet. Rien n'y fait : Kamala Harris et ses relais médiatiques répètent en boucle cette « vérité alternative ». Tout est donc fait pour approfondir les divisions entre deux camps : il n'est plus question d'alternance politique mais de combat à mort entre le Bien et le Mal.
Ce terrorisme stochastique (conséquence du « terrorisme intellectuel » pour reprendre la formule du Français Jean Sévillia) trouve son paroxysme dans l'accusation « fasciste » ou « nazi »… On associe le nom d'un candidat avec la figure du mal absolu. De grands magazines ont osé cette comparaison. Trump voudrait imposer un état-major aussi dévoué que les généraux d'Hitler… (The Atlantic, août 2022). Le Washington Post affirmait en décembre 2023 qu'il était légitime de comparer Trump avec Hitler… Le New York Magazine faisait un parallèle en juillet 2016 entre la montée au pouvoir d'Hitler et l'adhésion des Républicains au candidat antisystème Donald Trump… Dans une telle atmosphère, nul besoin d'une conspiration élaborée pour éliminer un adversaire : des esprits faibles peuvent se découvrir un destin glorieux en rendant un service à l'humanité. Les Rolling Stones ont eu raison trop tôt avec leur tube "Sympathy for the Devil" (« Je me suis écrié : qui a tué les Kennedy ? Alors qu'en fait c'était vous et moi »). Dans l'âge où le fantasme prime sur la vérité, les Henri II modernes ont une foule à leur écoute…