International
De Moscou à Bakhmout : dernières nouvelles de l'Est
Deux jours après le défilé du 9 mai à Moscou à l'occasion du Jour de la Victoire, au cours duquel Vladimir Poutine, entouré d'Alexandre Loukachenko et des dirigeants des anciennes républiques soviétiques d'Asie centrale, a accusé l'Occident de déclencher une guerre de civilisation contre la Russie, l'évolution future de l' « opération militaire spéciale » en Ukraine semble plus incertaine que jamais. Le défilé lui-même a été relativement restreint par rapport aux années précédentes, en partie suite aux interrogations sur les explosions de deux drones au-dessus du Kremlin quelques jours auparavant, une attaque attribuée par la Russie à l’Occident, mais par d’autres commentateurs à des « partisans russes » ou même les services secrets du gouvernement de la Fédération.
Quant aux opérations en Ukraine, l’attention continue à se porter sur la bataille de Bakhmout dans l'est du pays. Cette ville, qui comptait autrefois quelque 70 000 habitants, est aujourd'hui pratiquement détruite à la suite de combats acharnés qui ont causé des pertes catastrophiques dans les deux camps. Selon Evgeni Prigojine, le flamboyant chef du désormais tristement célèbre groupe Wagner (déclaré organisation terroriste le 9 mai par les députés français), ce sont lui et le général Surovikine – « la seule personne avec des étoiles de général d’armée qui sait combattre » – qui ont lancé l'opération « hachoir à viande » le 8 octobre 2022 dans le but de forcer Wolodymyr Zelensky à engager le plus de troupes possible dans la défense de Bakhmout, d'écraser les forces ukrainiennes tout en permettant aux soldats russes de se regrouper. De nombreux analystes pensent que l'intention était d'occuper Bakhmout à temps pour les célébrations du 9 mai à Moscou, mais la semaine dernière, Prigojine a provoqué l'étonnement en publiant une vidéo choc au langage extrêmement cru, menaçant de quitter Bakhmout en raison d'un manque de munitions. Accusant ouvertement le ministre russe de la défense Sergei Shoigu et le chef d'état-major Valeri Guerasimov d'être responsables de la mort de milliers de soldats russes, Prigojine a déclaré son intention de confier des opérations au bataillon Akhmat du leader tchetchène Ramzan Kadyrov. Prigojine a ensuite changé d'avis en l'espace de quelques heures, mais les derniers rapports indiquent que sa position sur le terrain reste problématique et que, comme il l'a affirmé dans un message ultérieur, la 72e brigade motorisée russe a effectivement fui Bakhmout, laissant derrière elle 500 cadavres.
Si l'échec des troupes de la Fédération à achever l'occupation de Bakhmout a démontré la détermination de la défense ukrainienne, l'observation des rapports de force a également convaincu les analystes d'être prudents quant à l'évocation d'une contre-offensive ukrainienne décisive dans les mois à venir, aidée par les chars occidentaux, malgré l'optimisme affiché d'Anthony Blinken aux USA. Si certains craignent que d'éventuelles avancées ukrainiennes ne poussent un Vladimir Poutine désespéré à envisager l'utilisation d'armes nucléaires tactiques, le ministre ukrainien de la défense, Oleksii Reznikov, a lui-même mis en garde contre les espoirs exagérés de reprendre du territoire. Ce réalisme n'est pas difficile à comprendre : l'Ukraine ne pourra plus compter sur un effet de surprise, les images satellite du sud du pays montrant des centaines de kilomètres de tranchées russes et de pièges à chars en forme de « dents de dragon », déjà mis en place par Wagner en automne 2022.
Dans l'éventualité très probable d'une prolongation de la guerre, la question se pose de savoir si l'opinion publique et les responsables politiques occidentaux continueront à soutenir Kiev. 14 mois après l'invasion de l'Ukraine, certains perçoivent déjà des signes de lassitude, tant en ce qui concerne la fourniture d'armements que le maintien des sanctions russes. Dans un récent article pour The Spectator, Owen Matthews cite des exemples en Allemagne et en Italie d'une volonté de revenir au « business as usual » par rapport à l’énergie russe. Le premier ministre du Land allemand de Saxe, Michael Kretschmer, a déjà demandé en mars la réparation du gazoduc Nord Stream 1, tandis que la plus grande entreprise énergétique italienne, ENEL, vient de nommer Paolo Scaroni, publiquement opposé aux sanctions contre la Russie, au poste de PDG. Scaroni était le candidat préféré du gouvernement italien : il semble que Georgia Meloni, elle-même pro-ukrainienne, aurait été poussée à accepter sa candidature par ses partenaires de coalition, Silvio Berlusconi et Matteo Salvini (Liga Nord), tous deux fervents partisans de Poutine par le passé. On verra si la nomination de Scaroni sera suivie de développements analogues dans d’autres pays, signalant une dissipation graduelle de la solidarité occidentale en faveur de Kiev – une dissipation aux conséquences potentiellement lourdes pour la suite de la guerre. Pour l’instant, l'impression dominante reste celle d'une impasse militaire et diplomatique dans laquelle la seule certitude semble la perte continue de vies humaines.
Quant aux opérations en Ukraine, l’attention continue à se porter sur la bataille de Bakhmout dans l'est du pays. Cette ville, qui comptait autrefois quelque 70 000 habitants, est aujourd'hui pratiquement détruite à la suite de combats acharnés qui ont causé des pertes catastrophiques dans les deux camps. Selon Evgeni Prigojine, le flamboyant chef du désormais tristement célèbre groupe Wagner (déclaré organisation terroriste le 9 mai par les députés français), ce sont lui et le général Surovikine – « la seule personne avec des étoiles de général d’armée qui sait combattre » – qui ont lancé l'opération « hachoir à viande » le 8 octobre 2022 dans le but de forcer Wolodymyr Zelensky à engager le plus de troupes possible dans la défense de Bakhmout, d'écraser les forces ukrainiennes tout en permettant aux soldats russes de se regrouper. De nombreux analystes pensent que l'intention était d'occuper Bakhmout à temps pour les célébrations du 9 mai à Moscou, mais la semaine dernière, Prigojine a provoqué l'étonnement en publiant une vidéo choc au langage extrêmement cru, menaçant de quitter Bakhmout en raison d'un manque de munitions. Accusant ouvertement le ministre russe de la défense Sergei Shoigu et le chef d'état-major Valeri Guerasimov d'être responsables de la mort de milliers de soldats russes, Prigojine a déclaré son intention de confier des opérations au bataillon Akhmat du leader tchetchène Ramzan Kadyrov. Prigojine a ensuite changé d'avis en l'espace de quelques heures, mais les derniers rapports indiquent que sa position sur le terrain reste problématique et que, comme il l'a affirmé dans un message ultérieur, la 72e brigade motorisée russe a effectivement fui Bakhmout, laissant derrière elle 500 cadavres.
Si l'échec des troupes de la Fédération à achever l'occupation de Bakhmout a démontré la détermination de la défense ukrainienne, l'observation des rapports de force a également convaincu les analystes d'être prudents quant à l'évocation d'une contre-offensive ukrainienne décisive dans les mois à venir, aidée par les chars occidentaux, malgré l'optimisme affiché d'Anthony Blinken aux USA. Si certains craignent que d'éventuelles avancées ukrainiennes ne poussent un Vladimir Poutine désespéré à envisager l'utilisation d'armes nucléaires tactiques, le ministre ukrainien de la défense, Oleksii Reznikov, a lui-même mis en garde contre les espoirs exagérés de reprendre du territoire. Ce réalisme n'est pas difficile à comprendre : l'Ukraine ne pourra plus compter sur un effet de surprise, les images satellite du sud du pays montrant des centaines de kilomètres de tranchées russes et de pièges à chars en forme de « dents de dragon », déjà mis en place par Wagner en automne 2022.
Dans l'éventualité très probable d'une prolongation de la guerre, la question se pose de savoir si l'opinion publique et les responsables politiques occidentaux continueront à soutenir Kiev. 14 mois après l'invasion de l'Ukraine, certains perçoivent déjà des signes de lassitude, tant en ce qui concerne la fourniture d'armements que le maintien des sanctions russes. Dans un récent article pour The Spectator, Owen Matthews cite des exemples en Allemagne et en Italie d'une volonté de revenir au « business as usual » par rapport à l’énergie russe. Le premier ministre du Land allemand de Saxe, Michael Kretschmer, a déjà demandé en mars la réparation du gazoduc Nord Stream 1, tandis que la plus grande entreprise énergétique italienne, ENEL, vient de nommer Paolo Scaroni, publiquement opposé aux sanctions contre la Russie, au poste de PDG. Scaroni était le candidat préféré du gouvernement italien : il semble que Georgia Meloni, elle-même pro-ukrainienne, aurait été poussée à accepter sa candidature par ses partenaires de coalition, Silvio Berlusconi et Matteo Salvini (Liga Nord), tous deux fervents partisans de Poutine par le passé. On verra si la nomination de Scaroni sera suivie de développements analogues dans d’autres pays, signalant une dissipation graduelle de la solidarité occidentale en faveur de Kiev – une dissipation aux conséquences potentiellement lourdes pour la suite de la guerre. Pour l’instant, l'impression dominante reste celle d'une impasse militaire et diplomatique dans laquelle la seule certitude semble la perte continue de vies humaines.