De la Silicon Valley Bank au Crédit Suisse : risques d'une nouvelle crise financière ?
Économie

De la Silicon Valley Bank au Crédit Suisse : risques d'une nouvelle crise financière ?

Par Peter Bannister. Synthèse n°1850, Publiée le 18/03/2023 - Photo : Ank Kumar / Wikimedia Commons
Sommes-nous en train d’assister au début d’une nouvelle crise financière à l'échelle internationale ? Les derniers jours ont vu d’abord la faillite de 3 banques régionales américaines (Silicon Valley Bank (SVB), Signature et Silvergate), puis la chute historique des actions de Crédit Suisse (CS) le 15 mars lors d'une séance dramatique où plusieurs banques européennes ont connu de fortes pertes. Au lendemain, une intervention de taille par la Banque Nationale Suisse, offrant jusqu’à 50 milliards de francs de prêts à CS, semblait avoir calmé la situation, tout comme le plan de plusieurs grandes structures américaines (JPMorgan Chase, Goldman Sachs...) pour aider First Republic, une autre banque outre-Atlantique en difficulté. Pourtant, CS et First Republic ont de nouveau dévissé sur les marchés vendredi à l'issue d'une « semaine noire ».

Dans le cas de la SVB, c’est la vitesse de sa chute qui a surpris les commentateurs. La banque avait assez peu de déposants (37,466 à la fin de 2022), principalement des start-up technologiques en Californie, mais qui avaient tous mis de grandes sommes à la banque, une situation qui la rendait vulnérable à un « bank run » classique (retraits massifs et simultanés), accéléré par les réseaux sociaux. Paradoxalement, ce ne sont pas des opérations risquées ou frauduleuses qui se sont avérées fatales chez la SVB, mais le fait d’avoir investi démesurément dans des obligations américaines à long terme. Normalement considérées comme très sûres, ces obligations (achetées quand les taux d’intérêts étaient près de 0%) ont néanmoins perdu leur valeur suite à la hausse très rapide des taux aux États-Unis (les nouveaux bons à fort rendement étant beaucoup plus attractifs pour les investisseurs que les anciens). C’est dans cette situation défavorable que la SVB a dû vendre massivement ses obligations, avec des pertes de 1,8 milliard de dollars, lorsque les start-up en besoin de liquidité ont retiré beaucoup d'argent en 2022. Par la suite, une crise de confiance chez les déposants a provoqué un raz-de-marée de retraits soudains, face auquel la SVB n’a pas pu résister.

À première vue, les problèmes de Crédit Suisse et de la Silicon Valley Bank n'ont que peu de choses en commun : on peut difficilement considérer la dégringolade du géant suisse le 15 mars comme une conséquence directe des faillites bancaires de la semaine précédente aux E.-U.. Les déboires du CS et de la SVB s'inscrivent néanmoins dans le même contexte nerveux, marqué par des spéculations intenses sur la capacité des banques centrales à concilier des objectifs apparemment contradictoires. Un scénario « pyromane pompier » où le défi consiste à lutter contre l'inflation (par le biais d'une hausse des taux d'intérêt) tout en maintenant la croissance ainsi que la stabilité bancaire (mise en danger par ces mêmes hausses des taux).

De nombreux analystes avaient déjà attiré l'attention sur les difficultés du CS au cours des dernières années, illustrées à la fois par des résultats médiocres et par une série de scandales. En 2020, son directeur général Tidjane Thiam a démissionné après qu'il a été allégué que CS avait employé des détectives privés pour espionner deux anciens dirigeants ainsi que Greenpeace. En mars 2021, CS a subi de lourdes pertes suite aux faillites du fonds américain Archegos et du groupe britannique Greensill (impliquant à eux deux 15 milliards de dollars d’investissements de la banque suisse). En février 2023, les régulateurs FINMA ont clos leur enquête concernant l’affaire Greensill, jugeant que CS avait « gravement manqué à ses obligations prudentielles » et ouvrant 4 procédures contre d’anciens responsables de la banque helvète.

Le 5 mars, on a annoncé que l’un des principaux actionnaires du Crédit Suisse, Harris Associates, avait vendu l’intégralité de sa participation. Le CS s’est donc déjà trouvé malmené en bourse quand des propos de son actionnaire principal actuel, la Banque Nationale Saoudienne, ont mis le feu au poudre au matin du 15 mars en signalant qu’elle ne contribuerait pas à une recapitalisation du CS. Les raisons étaient plutôt techniques, les Saoudiens ne voulant pas tenir plus de 10% des actions du CS afin d’éviter des contraintes réglementaires, mais le marché y a vu les signes d’un manque de confiance et les actions du CS se sont immédiatement trouvées en chute libre.

Le lendemain, la Banque Nationale Suisse semblait avoir ramené du calme relatif en soutenant CS, qui appartient aux 30 banques classifiées comme « systémiques » (c'est-à-dire « too big to fail »), dont l'effondrement pourrait déclencher un effet de domino. Pourtant, si les actions de CS ont fortement progressé le 16 mars, elles sont reparties à la baisse le 17 (-8% à la clôture, -74,09% sur un an). Quant aux autres banques européennes dans la même catégorie, la tendance sur un mois reste très négative (-23,55% pour Société Générale, -21,10% pour BNP Paribas et 19,74% pour Deutsche Bank). Pour l’instant, la BCE a choisi de continuer à hausser ses taux de 0,5 point, l’inflation dans l’Eurozone étant toujours à un niveau élevé (8,5% pour février 2023).
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