Santé
Crise Covid : des familles victimes de la « dictature sanitaire » veulent agir
Au printemps, lors du premier confinement, on sortait le soir sur les balcons pour applaudir les soignants. Les ballets d’ambulances et le bruit des sirènes donnaient une idée de la guerre qui se jouait dans le silence des rues désertes. Les Français communiaient avec tous les soldats en blouse blanche. On savait que jour et nuit, ils montaient en première ligne et encaissaient les assauts du virus.
Quelques mois plus tard, ce soutien de la population cède la place au doute, à la peur et même à la colère. Dans beaucoup d’esprits, la « dictature sanitaire » a évincé la dimension héroïque. Dictature ? Le mot paraissait démagogique, abstrait, politicien. Pourtant, des milliers de familles l’ont vécue dans leur chair, à travers une forme d’inhumanité dont elles n’imaginaient pas qu’elle fût possible à l’hôpital. Le terme n’a-t-il pas quelque chose à voir avec l’hospitalité ?
Laurent Frémont a 29 ans. Il se dit « orphelin de père ». Il vient de publier une tribune dans Marianne pour raconter le drame que sa famille ne parvient toujours pas à comprendre. Hier matin, il témoignait pour la première fois, en l'occurrence sur les ondes de Radio Notre Dame. Avec la comédienne Stéphanie Bataille – dont la pétition a recueilli 25 000 signatures – il se fait le porte-voix de cette multitude anonyme et meurtrie – qui n’a pas d’accès au media. Et qui doit ravaler sa peine, pour toujours.
Son père n’est pas mort lors du premier confinement mais au mois de novembre, quand les pratiques étaient déjà installées sous l’égide de protocoles rigoureux. Les faits ne s’expliquent point par la précipitation. Ce qui est en cause, c’est la toute-puissance d’un pouvoir bureaucratique intouchable – dont on ne peut contester les décisions. Encore, celles-ci seraient-elles bonnes que nul ne serait fondé à s’en plaindre.
Son père, donc, avait 70 ans. Ce chirurgien connu de Carpentras était en pleine forme. Avant d’être touché à son tour. Faute de lit de réanimation disponible, sa prise en charge est tardive. Admis à la clinique Axium, établissement privé d’Aix-en-Provence, il y passe une semaine en coma artificiel. Puis il revient à lui. Quinze jours plus tard, il est rappelé à Dieu. Tout seul, dans sa chambre, face à des murs blancs et vides. Sans avoir vu ni son épouse ni ses enfants. À aucun moment. Pas même derrière une vitre. Pendant trois semaines…
Laurent Frémont écrit : « Peu importe que mon père, désintubé et réveillé, ait été testé deux fois négatif au Covid ! Peu importe que nos demandes de visite aient été accompagnées de nos tests, également négatifs ! (…) Et quel choc de s’entendre dire que les équipes ont “mieux à faire” que de tenir les proches informés, alors même que l’état de mon père se dégradait ». Non pas en raison du Covid mais d’une maladie nosocomiale. Son père va mourir d’une septicémie… Le médecin le fait mettre en bière immédiatement et c’est « entourée de deux cerbères » que sa mère, après d’interminables tractations et « une indispensable pression extérieure », aura le droit de voir son visage « dans la froideur d’une morgue en sous-sol ».
Quand il y repense, Laurent Frémont se dit qu’il aurait dû « enfoncer la porte » qui lui barrait l’accès à la chambre de son père. En semblables circonstances, il appelle à ne pas se soumettre aux oukases pondus par la technocratie sanitaire. « Tant de familles ont vécu des situations analogues », confie-t-il, amer. Et ce quel que soit le statut, hôpital ou clinique, public ou privé.
Laurent Frémont pointe un « recul de civilisation » : c’est un paradoxe à l’heure où la « dignité » figure au premier rang des exigences de notre époque, au point qu’elle justifie même de se faire donner la mort. Ce beau principe disparaît dans les machines à cash auxquelles ressemblent tant de cliniques et d’Ehpad hors de prix. Ici, une vision matérialiste et technicienne s’accouple fort bien avec la logique rentable et comptable, pour créer une ambiance concentrationnaire. A-t-on pareille inhumanité dans des établissements à vocation religieuse dont les personnels vivent pour et de la charité ? En chassant le bon dieu du quotidien, n’ôte-t-on pas à la vie son visage humain ?
Le politique est-il responsable et coupable ? En partie. Olivier Véran, ministre de la Santé, affirme que « les visites à l’hôpital doivent être et sont autorisées dans toutes les situations. » Pourquoi n’est-il pas obéi ? À cette fin, Laurent Frémont propose d’instaurer un droit opposable, sur le mode du droit au logement promu par la turbulente association DAL. Ici, la chose serait beaucoup plus facile à mettre en place. Ce « droit opposable aux visites des proches » ne nécessiterait ni investissements ni réquisitions. Il mettrait fin à l’arbitraire des personnels administratifs par saisine du juge des référés. Il y a, paraît-il, un débat sur le séparatisme. Parle-t-on de ces familles séparées par l’inhumanité organisée ? Un bon sujet pour des politiques en panne d’inspiration.
Quelques mois plus tard, ce soutien de la population cède la place au doute, à la peur et même à la colère. Dans beaucoup d’esprits, la « dictature sanitaire » a évincé la dimension héroïque. Dictature ? Le mot paraissait démagogique, abstrait, politicien. Pourtant, des milliers de familles l’ont vécue dans leur chair, à travers une forme d’inhumanité dont elles n’imaginaient pas qu’elle fût possible à l’hôpital. Le terme n’a-t-il pas quelque chose à voir avec l’hospitalité ?
Laurent Frémont a 29 ans. Il se dit « orphelin de père ». Il vient de publier une tribune dans Marianne pour raconter le drame que sa famille ne parvient toujours pas à comprendre. Hier matin, il témoignait pour la première fois, en l'occurrence sur les ondes de Radio Notre Dame. Avec la comédienne Stéphanie Bataille – dont la pétition a recueilli 25 000 signatures – il se fait le porte-voix de cette multitude anonyme et meurtrie – qui n’a pas d’accès au media. Et qui doit ravaler sa peine, pour toujours.
Son père n’est pas mort lors du premier confinement mais au mois de novembre, quand les pratiques étaient déjà installées sous l’égide de protocoles rigoureux. Les faits ne s’expliquent point par la précipitation. Ce qui est en cause, c’est la toute-puissance d’un pouvoir bureaucratique intouchable – dont on ne peut contester les décisions. Encore, celles-ci seraient-elles bonnes que nul ne serait fondé à s’en plaindre.
Son père, donc, avait 70 ans. Ce chirurgien connu de Carpentras était en pleine forme. Avant d’être touché à son tour. Faute de lit de réanimation disponible, sa prise en charge est tardive. Admis à la clinique Axium, établissement privé d’Aix-en-Provence, il y passe une semaine en coma artificiel. Puis il revient à lui. Quinze jours plus tard, il est rappelé à Dieu. Tout seul, dans sa chambre, face à des murs blancs et vides. Sans avoir vu ni son épouse ni ses enfants. À aucun moment. Pas même derrière une vitre. Pendant trois semaines…
Laurent Frémont écrit : « Peu importe que mon père, désintubé et réveillé, ait été testé deux fois négatif au Covid ! Peu importe que nos demandes de visite aient été accompagnées de nos tests, également négatifs ! (…) Et quel choc de s’entendre dire que les équipes ont “mieux à faire” que de tenir les proches informés, alors même que l’état de mon père se dégradait ». Non pas en raison du Covid mais d’une maladie nosocomiale. Son père va mourir d’une septicémie… Le médecin le fait mettre en bière immédiatement et c’est « entourée de deux cerbères » que sa mère, après d’interminables tractations et « une indispensable pression extérieure », aura le droit de voir son visage « dans la froideur d’une morgue en sous-sol ».
Quand il y repense, Laurent Frémont se dit qu’il aurait dû « enfoncer la porte » qui lui barrait l’accès à la chambre de son père. En semblables circonstances, il appelle à ne pas se soumettre aux oukases pondus par la technocratie sanitaire. « Tant de familles ont vécu des situations analogues », confie-t-il, amer. Et ce quel que soit le statut, hôpital ou clinique, public ou privé.
Laurent Frémont pointe un « recul de civilisation » : c’est un paradoxe à l’heure où la « dignité » figure au premier rang des exigences de notre époque, au point qu’elle justifie même de se faire donner la mort. Ce beau principe disparaît dans les machines à cash auxquelles ressemblent tant de cliniques et d’Ehpad hors de prix. Ici, une vision matérialiste et technicienne s’accouple fort bien avec la logique rentable et comptable, pour créer une ambiance concentrationnaire. A-t-on pareille inhumanité dans des établissements à vocation religieuse dont les personnels vivent pour et de la charité ? En chassant le bon dieu du quotidien, n’ôte-t-on pas à la vie son visage humain ?
Le politique est-il responsable et coupable ? En partie. Olivier Véran, ministre de la Santé, affirme que « les visites à l’hôpital doivent être et sont autorisées dans toutes les situations. » Pourquoi n’est-il pas obéi ? À cette fin, Laurent Frémont propose d’instaurer un droit opposable, sur le mode du droit au logement promu par la turbulente association DAL. Ici, la chose serait beaucoup plus facile à mettre en place. Ce « droit opposable aux visites des proches » ne nécessiterait ni investissements ni réquisitions. Il mettrait fin à l’arbitraire des personnels administratifs par saisine du juge des référés. Il y a, paraît-il, un débat sur le séparatisme. Parle-t-on de ces familles séparées par l’inhumanité organisée ? Un bon sujet pour des politiques en panne d’inspiration.
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