Politique

Crépol, symbole criant de la faiblesse de l'État

Par Philippe Oswald. Synthèse n°2048, Publiée le 29/11/2023 - Photo : Nicolas Guyonnet / Hans Lucas via AFP. Devant le lycée Dauphine à Romans-sur-Isère, une banderole à la mémoire de Thomas le lycéen de 16 ans tué à Crépol.


Le 24 novembre ont été célébrées à Saint-Donat-sur-l'Herbasse près de Crépol (Drôme), les obsèques de Thomas, 16 ans, victime le 19 novembre de l'attaque aux couteaux perpétrée par une bande venue d'un « quartier sensible » de Romans-sur-Isère. Aucun membre du gouvernement n'a assisté à cette cérémonie. C'est seulement le 27 novembre qu'Olivier Véran, porte-parole du gouvernement, s'est rendu à Crépol comme à Canossa pour y reconnaître que ce raid sauvage contre une paisible fête de village n'était pas un simple « fait divers » (c'est-à-dire, selon le Larousse, un « événement sans portée générale qui appartient à la vie quotidienne ») mais un « fait de société » (cf. LSDJ n°2044). Même « retard à l'allumage » de l'Assemblée nationale qui aura attendu le 28 novembre pour observer la rituelle « minute de silence » en hommage à Thomas, alors qu'elle s'était empressée de saluer la mémoire de Nahel, 24 heures après sa mort sous le tir d'un policier lors d'un délit de fuite, le 27 juin dernier.

Après Crépol, les condamnations ont fusé à droite. Marine Le Pen, présidente du Rassemblement national, a pointé des « banlieues criminogènes dans lesquelles se trouvent des milices armées qui opèrent des razzias », Marion Maréchal, vice-présidente de Reconquête, a diagnostiqué une « guerre ethnique sous-jacente », annonciatrice d'une prochaine « guerre civile », Éric Ciotti, président des Républicains, a souligné qu' « on n'est plus en sécurité nulle part », tandis que le sénateur LR Bruno Retailleau, stigmatisait le « racisme anti-blanc » des assaillants, symbole d'une « France ensauvagée », ajoutant : « Il faut aussi aller à la racine du mal, c'est-à-dire à l'immigration. »

Pas de « récupération politique ! Un peu de décence ! » leur a rétorqué Elizabeth Borne. Selon la Première ministre, « jouer sur les peurs » serait « manquer de respect aux victimes et à leurs proches ». Cependant, la mère de la principale victime, Thomas, a qualifié de « meurtre » la mort de son fils, et des proches des victimes (outre Thomas, de nombreux blessés dont deux graves) réclament que le caractère « raciste » de l'attaque soit reconnu. Plus surprenant, le chef de l'État a carrément dénoncé, le 22 novembre, dans un discours aux maires de France, « le terrible assassinat » de l'adolescent. Le terme « assassinat » supposant une préméditation qui n'était pas encore établie, le Président a anticipé sur le travail des enquêteurs... Le procureur de la République a pour sa part ouvert une enquête pour « homicide et tentatives d'homicide en bande organisée ». Emmanuel Macron aurait-il risqué cette imprudence verbale pour apaiser la majorité de la population encore silencieuse, mais que la tragédie de Crépol met à cran ? Les Français pourraient en effet être tentés par une révolte populaire comparable à celle qui a enflammé Dublin le 23 novembre, après l'attaque au couteau perpétrée par un émigré algérien contre une enseignante et trois jeunes enfants à la sortie d'une école catholique (cf. LSDJ 2046).

Le meurtrier présumé de Thomas était « défavorablement connu des services de police ». Il avait déjà été condamné deux fois, la dernière, en septembre, pour « port d'arme blanche sans motif légitime ». Cette dernière condamnation était légère : une amende de 200 € assortie d'une interdiction d'être porteur d'un couteau...pendant deux ans ! On a vu quel effet dissuasif elle avait opéré. La peine prévue par le code pénal pour ce délit est pourtant de deux ans de prison et de 15 000 € d'amende. « Quand l'idéologie l'emporte sur la vie, c'est la mort qui survient. Il y aura encore d'autres Crépol », avertit le pédopsychiatre Maurice Berger dans un entretien au Figaro (22 novembre).

Des Crépol à répétition sont d'autant plus à craindre que, devant l'évidence criante de ce raid, le gouvernement s'accroche encore aux vieux réflexes : le déni et la diversion. Il a tenté successivement d'expliquer qu'il s'agissait d'une « rixe » et non pas d'une expédition concertée, que tous les assaillants ne venaient pas de La Monnaie, quartier sensible de Romans-sur Isère, de dissimuler les noms des assaillants mis en examen (tous typiques du Maghreb), puis de pointer les provocations de groupuscules d'extrême droite comme présentant des menaces équivalentes, le tout assorti des habituels procès en « récupération ». En réalité, l'État ne parvient plus à dissimuler son impuissance. Après le fiasco du Stade de France et les inquiétudes qui planent sur le déroulement des Jeux Olympiques, après les insurrections qui ont suivi la mort de Nahel l'été dernier, après les trois victimes innocentes de balles perdues, un enfant de 10 ans à Nîmes le 21 août, une jeune fille de 24 ans à Marseille, le 11 septembre, un père de famille de 55 ans à Dijon, le 26 novembre, l'attaque de Crépol ouvre une brèche béante dans le mur du silence. Laissons la conclusion à Marie-Hélène Thoraval, maire DVD de Romans-sur-Isère (son interview sur Europe 1 le 29 novembre, en lien ci-dessous) : « S'il y a ensauvagement, comme le dit le gouvernement, alors, il faut de nouvelles méthodes politiques contre les sauvages. »




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Romans-sur-Isère : « Une frange de la population qui refuse toute forme de citoyenneté et d'intégration », regrette Marie-Hélène Thoraval
Ecouter l'interview sur : Europe 1
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1 commentaire
albert
Le 04/12/2023 à 06:11
Ça veut dire quoi LSDJ ? Oui je veux bien faire un bout de chemin avec LSDJ (?) Puis je verrai -
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