Coronavirus : pourquoi la «  distanciation sociale  »
Santé

Coronavirus : pourquoi la «  distanciation sociale  »

Par Olivier Bonnassies. Synthèse n°911, Publiée le 16/03/2020
Il faut lire attentivement l’article que nous sélectionnons aujourd’hui, le meilleur que nous ayons trouvé pour expliquer les mécanismes probables de la pandémie actuelle.

En résumé, si on ne fait rien, ce type de pandémie se développe à une vitesse exponentielle et c’est pourquoi, dans une telle situation, le retard de l’action a un impact extraordinaire.

Il est d'abord certain que le nombre de cas réels est très supérieur au nombre de cas connus par les autorités. L’article sélectionné le démontre de différentes manières, à partir des expériences de la Chine et de l’Italie. Il arrivait ainsi à une estimation de 50 à 300 000 cas réels, en France, au 12 mars, date à laquelle 2 876 cas avaient été identifiés et 61 décès (3 jours après, nous en sommes à 5 400 cas et 127 décès : deux fois plus !).

Il n’y a cependant pas que le nombre de personnes infectées qu’il faut considérer. Car la possibilité que notre système de santé soit submergé est aussi à évaluer puisque le taux de létalité est très différent selon que les patients ont ou non la possibilité d’être pris en charge par des équipes médicales bien équipées. L’OMS cite un taux moyen de 3,4% (30 fois pire que la grippe, avec un taux de transmission 3 fois plus important), mais il faut nuancer. Si les services médicaux fonctionnent, la mortalité est sans doute de l’ordre de 0,5% mais s'ils sont débordés, fatigués et mal équipés, elle peut, d’après les estimations, monter à plus de 4%. Ceci s'explique parce que 20% des cas nécessitent une hospitalisation, 5% des cas l’unité de soins intensifs et 2,5% des cas une aide très intensive avec des machines comme des respirateurs artificiels ou l’ECMO (oxygénation extracorporelle).

Ainsi, en extrapolant avec les chiffres que l’on entend sur l’extension possible de l’épidémie (entre 1% et 70% de la population infectée) cela fait une fourchette de décès très large, allant de quelques milliers à près de 2 millions de morts potentiels…

Autrement dit, agir vite et bien pourrait diviser l’impact d’un facteur 1 000...

Des mesures drastiques et immédiates ont été prises par les pays qui ont déjà connu cela, ayant été frappés par le SRAS, en 2003. Le Japon, Taiwan Singapour, la Thaïlande ou Hong Kong sont ainsi aujourd’hui très peu touchés. La Corée du Sud est victime d’une aberration statistique parce que le patient numéro 31 a été un super-diffuseur qui a transmis le Covid-19 à des milliers de personnes. Mais l’Italie, la France, l’Espagne, les États-Unis, l’Iran et quantité d’autres pays n’avaient pas encore au 8 mars dernier pris de mesures très contraignantes et la croissance du nombre de cas était encore exponentielle.

La seule chose simple qui fonctionne est la « distanciation sociale ». Quand les gens n’interagissent plus entre eux, le virus arrête de se propager. La majeure partie des contaminations se fait en effet par contact à moins de 2m (si quelqu’un tousse) et par les surfaces en métal, céramique ou plastique (poignée de porte, tables, boutons d’ascenseur, etc.) sur lesquels le virus peut survivre. Il faut donc réduire les contacts pour que l'épidémie régresse. C’est ce qui a fonctionné lors de la pandémie de la grippe « espagnole » de 1918, qui a fait quand même trois fois plus de morts que la première guerre mondiale.

Le Covid-19 est né comme chacun sait à Wuhan, et le premier foyer actif était situé à 300 mètres du seul laboratoire P4 de Chine : la probabilité est donc extrêmement forte que ce virus soit issu de ce laboratoire de haut confinement, qui manipule les coronavirus les plus pathogènes. Même si elles ont mis du temps à réagir, les autorités chinoises ont ensuite montré qu’elles étaient parfaitement conscientes du péril en prenant des mesures extrêmes de confinement, en construisant des hôpitaux d’urgence et en produisant une grande quantité de masques et de matériels de protection. Cette réaction forte a payé : aujourd’hui les hôpitaux de fortune sont en train d’être démontés, et la vie reprend en Chine où l’épidémie est considérée comme quasi-terminée. Il n’y aura eu que 80 000 malades pour 1,4 milliards d’habitants…

En synthèse, plus les mesures lourdes sont imposées tôt, plus leur temps d'application nécessaire est court et plus le nombre de personnes affectées sera faible. Il faut donc agir vite et fort, mais c’est du ressort des politiques, qui doivent aussi prendre en compte les effets secondaires de telles mesures.

Car le soutien actif de l’économie est aussi impératif. Beaucoup d’entreprises n’ont plus de recettes et elles doivent payer des salaires et des charges : les mesures de chômage technique annoncées ne sont pas actuellement en place et il y a donc le risque d’une énorme quantité de faillites et de défauts de paiement qui peut conduire, en plus de tout cela, à une crise financière, voire à une faillite de l’Etat et/ou des banques, avec toutes les conséquences terribles que peuvent avoir de tels dérèglements dans une société très fragile et très peu résiliente, dans un contexte social particulièrement tendu.

Bref, la situation n’est pas simple, d'autant qu'elle est absolument inédite.
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