Politique

La convergence chinoise ou la dérive totalitaire de l'Occident : le Léviathan technocratique

Par Ludovic Lavaucelle. Synthèse n°1975, Publiée le 05/09/2023 - Illustration : la Tour de Babel par Pieter Brueghel l'Ancien 1563

Le régime technocratique ressemble à une « Tour de Babel » : plus il croît, plus il se fragilise. La solution est d'ajouter des étages de bureaucrates – introduisant toujours plus de règlements, donc de complexité (voir LSDJ 1970). Les crises succèdent aux crises et minent la légitimité du régime. Quand même l'argument de l'expertise ne cache plus les faillites, il ne peut survivre qu'en promettant toujours plus de « progrès » : de l'efficacité par la digitalisation, les réformes sociétales pour assouvir tous les désirs… De vraies réformes – redonner du pouvoir aux instances locales, abandonner les prétentions universalistes - sont impossibles car elles reviendraient à « revenir en arrière »... Tout ceci engendre une tension permanente qui enjoint les élites à concentrer toute leur énergie sur le maintien au pouvoir selon N.S. Lyons dans la dernière partie de son essai (voir en lien).

La révolution permanente : « Il faut que tout change pour que rien ne change »... L'obsession d'un régime technocratique est de casser les oppositions pour assurer son maintien au pouvoir (voir LSDJ 1973). Là encore, un lien direct entre les sociétés libérales occidentales et la Chine totalitaire… Toute institution permettant aux individus de vivre sans dépendre de l'Etat doit être abattue. Le processus révolutionnaire aux Etats-Unis s'est déroulé par vagues à chaque génération depuis un siècle. L'ère progressiste du Président Wilson des années des années 1910 et la création de la Société Des Nations, suivie par le « New Deal » de Roosevelt et la 2ème Guerre Mondiale des années 30 et 40. Pour reprendre avec les années 60 et les « Droits civiques ». La période néo-libérale de Reagan et Clinton a subtilement permis de déstabiliser la société américaine en facilitant le développement de multinationales, des géants technocratiques privés. La période actuelle est une nouvelle vague révolutionnaire sous l'étendard du « wokisme » qui offre une justification morale aux idéaux portés par les régimes libéraux : combattre les limites de la Nature par la science, instaurer la « justice sociale » dans des luttes sans fin. Dans une lettre de Mao à sa femme en 1966, au début de la « Révolution culturelle » (dont le but était d'écarter ses rivaux), on lit : « Le chaos est total, la situation est excellente ! ». Les cibles sont toujours les mêmes : les classes moyennes truffées de « fascistes » qu'on doit - soit massacrer comme en Chine communiste, soit enterrer peu à peu sous les coups de butoir de multinationales et de réglementations brimant l'initiative individuelle comme dans les régimes libéraux post-démocratiques.

 « L'Etat de droit » est devenu une façade qui cache l'assujettissement de la justice au régime technocratique. L'introduction de lois pour lutter contre « la haine » en Occident a installé une grille juridique dont l'interprétation est subjective, avec des juges permettant un contrôle toujours plus grand sur les libertés fondamentales. Les régimes communistes ont poursuivi une stratégie moins subtile – mais similaire. Les facultés de droit n'existent pas dans un régime communiste malgré un canevas législatif très fourni : elles sont inutiles puisque le Parti est la loi. Et la ligne du Parti étant évanescente, ses membres sont constamment sur le qui-vive pour deviner les nouveaux combats à venir …

Gérer le réel par la censure : l'intelligence artificielle est pleine de promesses pour les régimes technocratiques. Les nouvelles technologies ont la capacité de détecter et d'effacer en ligne toute information ou opinion indésirable – elles peuvent aussi sélectionner voire habiller l'information pour l'utilisateur… Il n'est pas étonnant qu'Elon Musk, avec X (ex Twitter) comme Vincent Bolloré en France (groupe Canal, le JDD) soient devenus des cibles de l'appareil technocratique : l'indépendance médiatique est un danger à combattre.

L'expérience de Fengqiao ou le rêve d'un contrôle social absolu… Cette petite ville chinoise typique a été louée par Mao dans les années 60. Le Parti n'a pas eu besoin d'y envoyer ses gros bras pour installer la révolution. Grâce à l'endoctrinement, la population a fait le travail toute seule… Les éléments réactionnaires étaient débusqués par les voisins, et au sein des familles. Certains de ces « ennemis de l'Etat » se dénonçaient dans des torrents de larmes face à la masse prompte à pardonner la brebis égarée. Xi Jinping n'a pas oublié le paradis de Fengqiao : le « crédit social » adapte la même recette avec d'énormes moyens technologiques. Des panneaux affichent l'identité des passants traversant la rue hors des passages autorisés par exemple… L'épisode du Covid en Occident a démontré une « convergence chinoise », avec l'instauration du « pass sanitaire ». La rééducation des cadres à la « diversité » au sein de la plupart des grandes entreprises pour dénicher et guérir les « racistes » qui s'ignorent ? Le rêve d'une « servitude volontaire », d'un Fengqiao global…

La sélection
The China convergence
Lire l'essai sur : The Upheaval
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1 commentaire
Le 05/09/2023 à 23:08
On comprend mieux pourquoi la Chine s'est félicité de la victoire de Biden qui la cite en exemple.
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