International
Controverse : la Cour européenne des droits de l’homme a-t-elle ouvert la porte à la charia ?
La charia a-t-elle sa place en Europe pour la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH)? Un arrêt du19 décembre de la CEDH contre la Grèce a déclenché une polémique entre deux juristes. Dans Le Figaro du 26 décembre, Grégor Puppinck, docteur en droit et directeur du Centre européen pour le droit et la justice (ECLJ), estime que cet arrêt de la CEDH ouvre la porte à une application de la charia en marge du droit commun dans les pays européens. Non, lui a répondu Nicolas Hervieu, chargé d'enseignements à Sciences Po et juriste spécialiste en droit européen des droits de l'homme, dans Le Figaro du 28 décembre : au contraire, cet arrêt protège les libertés face à cette loi religieuse.
Résumons cet arrêt et les deux interprétations qui s’opposent. Saisie par une citoyenne grecque, une veuve musulmane de Thrace privée par la charia de l'essentiel de l'héritage de son époux que lui aurait accordé le droit commun grec, la CEDH a condamné l’application automatique de la charia par l’Etat grec à des ressortissants grecs de confession musulmane.
Grégor Puppinck estime que, par cet arrêt, la CEDH accepte en réalité l’application de la charia pourvu qu’elle ne soit pas forcée mais se fasse dans le respect de la volonté des intéressés et d’« intérêts publics importants » selon les termes de l’arrêt. Grégor Puppinck souligne que Cour adopte ici une approche à la fois libérale et communautariste, en accordant à des communautés des privilèges juridiques au sein d'un même État, au nom d’un « droit de libre identification » dont la CEDH dit faire sa « pierre angulaire ». Or, objecte-t-il, le consentement au sein d’une société islamique ne suffit pas à garantir la liberté (« ce n'est pas parce qu'une jeune femme musulmane consent à épouser un homme choisi par ses parents que son choix est libre »). En outre, la charia étant un système juridique qui couvre tous les aspects de la vie, cet arrêt place les autorités publiques dans une position défensive face à des revendications de l’application de la charia à d’autres normes que matrimoniales ou testamentaires (alimentaires, financières…). Une fois admis le principe de l'applicabilité de la charia en Europe, ces revendications se feront au nom du « respect des droits de l’homme » dont la CEDH se veut le garant…
Le nœud du problème, conclut Grégor Puppinck, c’est que l'individualisme libéral aux « valeurs » fluctuantes ne peut lutter efficacement contre la charia, prétendument dictée par Allah. Seul un retour à une compréhension objective des droits de l'homme, fondée dans le droit naturel (et non sur les désirs individuels ou la volonté d’Allah), permettrait de leur rendre leur universalité.
Nicolas Hervieu répond que « La Cour européenne a jugé précisément l'inverse de ce que suggère la tribune de Grégor Puppinck. » Il rappelle l’origine de l’arrêt (la plainte d’une veuve dépossédée par la charia) et conteste qu’un éventuel accord des intéressés aurait «suffi» à les extraire du droit commun pour permettre l'application de la charia. En effet, pour la CEDH, l'application de règles religieuses, même consentie, n’est pas tolérable si elle «se heurte à un intérêt public important», dont ferait partie la prohibition de la discrimination fondée sur le sexe. Bref selon Nicolas Hervieu, la Cour européenne, qu’il estime peu suspecte de complaisance envers l'islamisme radical, s'opposerait nécessairement à toute loi religieuse qui heurterait frontalement les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH se refuse toutefois à sacrifier la protection des droits fondamentaux sur l'autel de la lutte contre l'islamisme radical. Par ce décret comme par les précédents, elle « nous protège tous contre l'application de lois religieuses qui porteraient atteinte à nos droits et libertés. »
Qui a raison ? A chacun de se faire son opinion en lisant l’arrêt de la CEDH (en lien ci-dessous). On y lit notamment qu’un Etat européen « peut créer un cadre juridique déterminé pour accorder au communautés religieuses un statut spécial impliquant des privilèges particuliers ».
Résumons cet arrêt et les deux interprétations qui s’opposent. Saisie par une citoyenne grecque, une veuve musulmane de Thrace privée par la charia de l'essentiel de l'héritage de son époux que lui aurait accordé le droit commun grec, la CEDH a condamné l’application automatique de la charia par l’Etat grec à des ressortissants grecs de confession musulmane.
Grégor Puppinck estime que, par cet arrêt, la CEDH accepte en réalité l’application de la charia pourvu qu’elle ne soit pas forcée mais se fasse dans le respect de la volonté des intéressés et d’« intérêts publics importants » selon les termes de l’arrêt. Grégor Puppinck souligne que Cour adopte ici une approche à la fois libérale et communautariste, en accordant à des communautés des privilèges juridiques au sein d'un même État, au nom d’un « droit de libre identification » dont la CEDH dit faire sa « pierre angulaire ». Or, objecte-t-il, le consentement au sein d’une société islamique ne suffit pas à garantir la liberté (« ce n'est pas parce qu'une jeune femme musulmane consent à épouser un homme choisi par ses parents que son choix est libre »). En outre, la charia étant un système juridique qui couvre tous les aspects de la vie, cet arrêt place les autorités publiques dans une position défensive face à des revendications de l’application de la charia à d’autres normes que matrimoniales ou testamentaires (alimentaires, financières…). Une fois admis le principe de l'applicabilité de la charia en Europe, ces revendications se feront au nom du « respect des droits de l’homme » dont la CEDH se veut le garant…
Le nœud du problème, conclut Grégor Puppinck, c’est que l'individualisme libéral aux « valeurs » fluctuantes ne peut lutter efficacement contre la charia, prétendument dictée par Allah. Seul un retour à une compréhension objective des droits de l'homme, fondée dans le droit naturel (et non sur les désirs individuels ou la volonté d’Allah), permettrait de leur rendre leur universalité.
Nicolas Hervieu répond que « La Cour européenne a jugé précisément l'inverse de ce que suggère la tribune de Grégor Puppinck. » Il rappelle l’origine de l’arrêt (la plainte d’une veuve dépossédée par la charia) et conteste qu’un éventuel accord des intéressés aurait «suffi» à les extraire du droit commun pour permettre l'application de la charia. En effet, pour la CEDH, l'application de règles religieuses, même consentie, n’est pas tolérable si elle «se heurte à un intérêt public important», dont ferait partie la prohibition de la discrimination fondée sur le sexe. Bref selon Nicolas Hervieu, la Cour européenne, qu’il estime peu suspecte de complaisance envers l'islamisme radical, s'opposerait nécessairement à toute loi religieuse qui heurterait frontalement les droits et libertés garantis par la Convention européenne des droits de l’homme. La CEDH se refuse toutefois à sacrifier la protection des droits fondamentaux sur l'autel de la lutte contre l'islamisme radical. Par ce décret comme par les précédents, elle « nous protège tous contre l'application de lois religieuses qui porteraient atteinte à nos droits et libertés. »
Qui a raison ? A chacun de se faire son opinion en lisant l’arrêt de la CEDH (en lien ci-dessous). On y lit notamment qu’un Etat européen « peut créer un cadre juridique déterminé pour accorder au communautés religieuses un statut spécial impliquant des privilèges particuliers ».