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Société

Comment les "petfooders" font main basse sur nos animaux de compagnie

Par Judikael Hirel. Synthèse n°1812, Publiée le 02/02/2023 - Illustration : pixabay
La "malbouffe", cela ne touche pas que les humains. Cela concerne aussi les chiens et les chats. Nos fidèles et nombreux animaux de compagnie (environ 7,5 millions de chiens et 15 millions de chats) représentent un juteux marché pour les géants des croquettes et autres boîtes. Le numéro 40 du magazine trimestriel WE DEMAIN (actuellement en kiosque) consacre une enquête poussée, unique aux géants de la croquette, ces « petfooders » qui s’intéressent de très près à vos animaux de compagnie… Et qui ne se contentent plus, loin s’en faut, de seulement vouloir les nourrir. De la naissance à la disparition, en passant par l’alimentation et les soins, ces « petfooders » font littéralement main basse sur le marché des animaux de compagnie.

Adieu les restes, les bas morceaux achetés chez le boucher, mélangés avec du riz. On apprend ainsi que neuf chats et chiens sur dix mangent désormais uniquement des croquettes. Comment des animaux carnivores en sont-ils arrivés là ? « C’est hallucinant la vitesse à laquelle on a transformé le mode de nourriture de ces animaux », constate François Siegel, co-fondateur de WE DEMAIN, qui cosigne avec Gérard Leclerc cette plongée dans l’univers méconnu de la « petfood ». En l’espace de vingt ans, tout a basculé. « La croquette, c’est de la malbouffe, des aliments super transformés. Or quand on demande aux maîtres pourquoi ils les nourrissent ainsi, la réponse est « parce que c’est bon pour leur santé ». On a réussi à imposer une forme d’alimentation, avec derrière un marketing produit hallucinant. » Alors qu’un Français consacre en moyenne 200 à 300 euros par an à son animal de compagnie, le kilo de croquettes voit son prix varier de 5 à 20 euros. Résultat : cette industrie représente trois milliards et demi d'euros de chiffre d'affaires en France, avec 35 usines et 170 000 salariés.

Deux multinationales, Mars et Nestlé, détiennent et exploitent en fait une multitude de marques et de filiales, Royal Canin, Whiskas, Anicura pour le premier, Purina, Friskies, IVC Evidensia pour le second. De quoi détenir déjà la majorité du très rentable marché de l’alimentation des chats et des chiens, entre campagnes de publicité et segmentation du marché en tout genre, selon la race, l’âge, voire la pathologie de l’animal. Le but : que nous cessions d’alimenter nos animaux de compagnie à l’ancienne pour avoir recours à leurs produits. « Ils ont compris qu'il faut que nous répliquions sur notre animal préféré nos réflexes d'humain. C'est ce qu'on appelle l'anthropomorphisation. » On peut ainsi acheter de la bière pour chien ou chat, des produits à base de CBD, de l'huile de chanvre, du bio, des Omega 3… Tout ce qui est bon pour l’homme est censé être bon pour l’animal. Mars, plus célèbre pour ses barres chocolatées, a ainsi vu son chiffre d’affaires augmenter de 60% en huit ans, pour atteindre 45 milliards d’euros.

Certains vétérinaires indépendants sonnent l’alerte face à cette "malbouffe" animale, qui entraîne troubles digestifs, diabète et obésité. Autant de pathologies qui n’existaient pas auparavant, arrivant de plus en plus jeunes, et qui se résolvent bien souvent avec une alimentation plus carnée et moins transformée. Qu’à cela ne tienne : ces « petfooders » ont aussi racheté, via leurs filiales, plusieurs centaines de cliniques vétérinaires. Aux USA, Mars a ainsi investi 9 milliards de dollars pour racheter un réseau de 800 cliniques vétérinaires, dans lesquelles la vente de produits d’alimentation représente un tiers du chiffre d’affaires… Nestlé et Mars en possèdent à l’heure actuelle plusieurs milliers. De quoi entraîner à terme une hausse du prix des soins, imposer des actes, voire prescrire la consommation de certains produits. Et, plus largement, remettre en cause l’indépendance des vétérinaires. D’autant plus que, pour compléter l’écosystème, ces deux multinationales investissent également dans les écoles et la formation des vétérinaires. Elles s’intéressent même aux élevages, aux animaleries et aux assurances. « La main basse sur un secteur est indiscutable », constate François Siegel.

Jusqu’où iront les géants des croquettes ? Jusqu’à ce que mort s’en suive : elles vont jusqu’à racheter des pompes funèbres animalières. Sur 750 000 décès de chiens et de chats chaque année en France, la moitié sont incinérés. Comptez environ 400 euros pour un « cercueil » pour animal de compagnie, autant pour une incinération. Même mort, votre compagnon à quatre pattes se doit de leur rapporter encore !
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Quand les géants de la croquette font main basse sur le secteur vétérinaire
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