
Comment la CIA et la Suisse ont mis le monde sur écoute
Les 280 pages de rapports déclassifiés en 2019 par la CIA ont été épluchés par le Washington Post, la chaîne de télévision allemande ZDF et la radio-TV suisse allemande SRF. On y apprend que la société suisse Crypto AG a vendu de 1970 à 1993 des appareils de cryptage truqués à 130 pays, dont les services de renseignement des États-Unis et d’Allemagne de l’Ouest pouvaient ainsi espionner les échanges en toute tranquillité. Du Vatican à l’Iran en passant par nombre de pays européens, les machines soi-disant inviolables, les nouvelles Enigma vendues par Crypto AG et Infoguard AG, existaient en fait en deux versions : une réellement sécurisée, l’autre contenant des vulnérabilités cachées au sein de ses algorithmes et dont les échanges cryptés, notamment diplomatiques, étaient en fait lisibles pour le renseignement américain et allemand.
L’enquête menée remue le Landerneau suisse : les autorités helvétiques étaient en effet au courant et même parfois complices de cette vaste opération d'espionnage. L'opération Rubicon a finement joué sur "l'image de la Suisse à l'étranger en tant qu'État neutre". Si les services de renseignement ouest-allemands se sont désengagés de l’opération à la fin des années 1970, la CIA est ensuite restée seul maître à bord jusqu’en 2018. Il faut dire que la disponibilité de technologies de chiffrage fort était désormais accessible sur n’importe quel smartphone... Qui sait, dans quelques décennies, on apprendra peut-être que les messageries dites sécurisées du moment était tout autant sur écoute. Mais de qui ?