
Cinq ans plus tard : le bilan d'un confinement trop sévère
La rhétorique guerrière employée à l'époque par Emmanuel Macron est d'une proximité troublante avec celle de l'ex-dirigeant philippin. « Nous sommes en guerre contre un ennemi vicieux et invisible qui ne peut être vu à l'œil nu. Dans cette guerre extraordinaire, nous sommes tous des soldats », expliquait ce dernier le 16 mars 2020. Le président français avait affirmé ce même jour : « Nous sommes en guerre, en guerre sanitaire certes. Nous ne luttons ni contre une armée ni contre une autre nation, mais l'ennemi est là, invisible, insaisissable et qui progresse. Et cela requiert notre mobilisation générale. » Le langage employé anticipait et voulait justifier une privation de liberté sans précédent. Au total, entre le 17 mars 2020, date du premier confinement, et le 20 juin 2021, levée du dernier couvre-feu, la France aura connu pas moins de 111 jours de confinement strict et 38 jours de confinement assoupli. En outre, 155 soirées de couvre-feu ont eu lieu, presque autant que le nombre de jours sans couvre-feux ou confinement (157 jours).
Si des mesures de confinement au sens large (fermeture des frontières, des écoles, interdiction des rassemblements à partir d'un certain nombre) ont été appliquées dans la totalité des pays européens, il est important de les distinguer de l'assignation à résidence. Celle-ci a souvent eu lieu dans les pays où les effectifs des forces de l'ordre étaient les plus fournis. Logique, dans la mesure où ils avaient les moyens d'imposer cette mesure particulièrement restrictive. Mais il faut souligner également une autre interprétation, en aucun cas incompatible : les élites politiques habituées à gouverner sans police choisissent de ne pas enfermer leur population.
La Grèce, l'Espagne, l'Italie ou la France se sont inspirées du modèle chinois. La plupart des États du nord de l'Europe et la majorité des Länder allemands n'ont pas réglementé les sorties, tout en interdisant les rassemblements. Du 1er mars au 1er juin 2020 : 3 groupes se différencient. En Italie, en Espagne et en France, la fréquentation des espaces verts chute de 25 à 50 % par rapport au cœur de l'hiver. Au Royaume-Uni elle se maintient. En Allemagne, aux Pays-Bas, en Norvège, en Finlande, en Suède ou au Danemark, elle augmente de 80 %, comme lors d'un printemps normal. Vis-à-vis des sanctions, la France et ses voisines du Sud se sont aussi montrées les plus intransigeantes. L'Espagne a distribué 1 million d'amendes à plus de 600 € chacune avant que la mesure soit déclarée inconstitutionnelle un an plus tard. La France, elle, a distribué 1,1 million de contraventions. Le risque de se faire verbaliser dans l'Hexagone était 56 fois plus élevé qu'au Royaume-Uni où les sanctions ne sont intervenues qu'en dernier recours...
Aujourd'hui, des études scientifiques ont démontré l'inutilité des assignations à domicile. Le cas de l'Espagne, qui a cloîtré ses habitants tout en conservant des taux de mortalité surélevés, pose question. La baisse observée des décès et des contaminations s'explique plutôt par la fermeture des établissements scolaires et des lieux de travail, ainsi que par la limitation des rassemblements. Au Danemark, en Lettonie, au Japon et à Taïwan, la mortalité a baissé en 2020 malgré l'absence d'assignation à domicile. En Allemagne, Islande, Finlande, Corée du Sud et Slovaquie, elle n'a pas augmenté.
Cela, sans compter les conséquences psychologiques désastreuses qu'a entraînées cette mesure, avec, en particulier, une explosion des syndromes dépressifs chez les 15-24 ans. À un niveau global, on a pu constater que les femmes ont elles aussi été particulièrement touchées, d'abord par une charge domestique devenue beaucoup plus lourde, et surtout par l'augmentation significative des violences conjugales et familiales…
Il est vrai que l'ensemble des gouvernements européens ne disposait que d'informations partielles et que la saturation des hôpitaux a naturellement pesé dans la radicalité des décisions. Mais il est sans doute utile de rappeler que près de 95 % des décès liés au Covid concernaient des personnes âgées de 60 ans et plus. Frank-Walter Steinmeir, président de la République fédérale d'Allemagne, prend rarement la parole, mais s'était montré clair en 2020 : « Non, cette pandémie n'est pas une guerre. »