Éducation

L'essor des écoles indépendantes, symptôme d'un naufrage éducatif

Par Raphaël Lepilleur. Synthèse n°2418, Publiée le 10/03/2025 - Crédits photo : Shutterstock
Les écoles hors contrat connaissent une expansion sans précédent en France. Ce phénomène traduit une défiance croissante envers l'Éducation nationale, perçue comme incapable d'assurer sa mission première, à savoir transmettre des connaissances dans un cadre structurant. Face à cela, l'État tente par tous les moyens d'endiguer le phénomène, renforçant son contrôle sur ces établissements et restreignant progressivement la liberté éducative.

Financé en partie par le milliardaire conservateur Pierre-Édouard Stérin, un collège-lycée catholique de garçons (avec internat) ouvrira en septembre 2025 en Sologne. Alors que ses opposants dénoncent un projet d'extrême droite, l'Académie Saint-Louis témoigne en réalité d'une attirance de plus en plus marquée des Français pour les établissements hors contrat.

Les raisons de cet exode sont multiples. La baisse cataclysmique du niveau scolaire est un fait largement documenté. À cela s'ajoute la crise du recrutement enseignant : recours à des contractuels non qualifiés, conditions de travail dégradées, perte d'autorité face à des classes de plus en plus difficiles. L'école, censée être un lieu de neutralité et de transmission, est désormais traversée par des tensions idéologiques et communautaires qui parasitent l'instruction, en plus de favoriser l'insécurité. Face à ce climat, de nombreux parents font le choix des écoles hors contrat (écoles privées, sans subventions, libres de leur programme et de leur recrutement).

Il y a 30 ans, ces établissements étaient quasi inexistants, à peine 40 écoles pour 3 000 élèves. Aujourd'hui, elles représentent plus de 4 % des écoles françaises, et 7 % dans l'enseignement secondaire, avec 2 485 établissements en activité. À la rentrée 2024, 116 nouvelles écoles (ou niveaux) ont ouvert, contre 107 en 2023, soit 76 nouveaux groupes scolaires, dont 76 % sont des créations pures. Loin de concerner uniquement le primaire, 34 % des ouvertures sont des collèges ou lycées.

Les écoles indépendantes se démarquent par leurs approches pédagogiques variées. 50 % des nouvelles structures combinent plusieurs méthodes alternatives, Montessori en tête. Le bilinguisme est en forte progression : 35 écoles sur 116 sont internationales ou bilingues. L'éducation en lien avec la nature séduit également, avec 22 écoles axées sur l'apprentissage en extérieur.

Certaines écoles vont encore plus loin en s'adaptant à des besoins spécifiques : 12 établissements intégrant psychologues et thérapeutes visent un accompagnement sur mesure (ce qui met en exergue les problématiques liées aux différences dans l'école publique).

Contrairement aux clichés, 78 % des créations sont aconfessionnelles. Cependant, les écoles juives connaissent une hausse soudaine, conséquence de la montée des actes antisémites et des préoccupations sécuritaires des familles.

Loin d'être un simple rejet du système éducatif, le développement des écoles hors contrat reflète une aspiration plus large à un mode de vie différent. 58 % des nouvelles écoles s'implantent dans des communes de moins de 20 000 habitants, et 36 % en grande ruralité, dans des bourgs de moins de 5 000 habitants. Cette dynamique est souvent portée par des néoruraux, en quête d'une meilleure qualité de vie et d'une éducation plus adaptée à leurs valeurs et attentes.

Avec la réforme Blanquer, les élèves des lycées hors contrat doivent passer jusqu'à 14 épreuves au baccalauréat, contre seulement 4 épreuves normalement. Contrairement à ces derniers, ils ne bénéficient d'aucune prise en compte du contrôle continu, qui représente pourtant 40 % de la note finale pour les autres candidats. Ils subissent donc un traitement qu'on pourrait qualifier de punitif de la part de l'État.

Ce qui produit un effet paradoxal : ces élèves, confrontés à un cadre plus exigeant, développent une résilience accrue, un niveau académique plus solide et une plus grande capacité d'adaptation. Entraînés à passer des examens, ils sont mieux préparés aux filières sélectives. Ce qui leur permet une intégration réussie dans l'enseignement supérieur.

Contrairement aux craintes initiales, “ cela se déroule étonnamment très bien avec Parcoursup , nous a confirmé Anne Coffinier (fondatrice de l'association Créer son école), contactée à ce sujet. Elle regrette néanmoins que cette réforme, “ bien qu'animée d'une intention louable, aboutisse à un renforcement des inégalités et à la disparition du caractère national du bac ”.

 Le principal problème est la transition entre le hors contrat et le public, notamment au passage du collège au lycée ”. De nombreux élèves sont contraints de retourner dans le public ou dans le sous-contrat. Ceux en difficulté scolaire y voient un moyen d'augmenter leurs chances d'obtenir le baccalauréat. Mais cette réintégration se heurte parfois à la mauvaise volonté des lycées, qui cherchent parfois à faire payer aux familles leur choix initial.

Les établissements hors contrat souffrent de nombreux préjugés, souvent assimilés à des foyers de dérives sectaires ou d'embrigadement idéologique (alors que de nombreux établissements sous contrat, financés par l'état, sont ouvertement confessionnels ou orientés). Leur principal reproche concerne leur coût élevé, alimentant l'idée d'une éducation élitiste.

Pour mieux comprendre ces enjeux, l'article « Liberté scolaire : pourquoi (toujours) autant de haine ? L'État contre les attentes sociales ? », publié par l'association Créer son école en septembre 2024, expose comment l'administration multiplie les obstacles contre ces établissements, les fragilisant au lieu de reconnaître leur utilité sociale et éducative. Une lecture essentielle (à retrouver dans la sélection) pour saisir les tensions croissantes entre liberté scolaire et ingérence étatique.

La sélection
Liberté scolaire : L’État contre les attentes sociales ?
Dossier de presse rentrée 2024 de l'association Créer son école
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