International
Chine: les voies impénétrables de Xi Jinping
La Chine inquiète l’Occident. Nouvel « axe du mal » communiste pour la droite, dictature militariste pour la gauche, les Occidentaux ont du mal à définir l’idéologie qui inspire l’homme fort de Pékin. N.S. Lyons, analyste américain spécialiste de la Chine, nous invite à dépasser les clichés pour mieux saisir la complexité du modèle chinois. Il s’agit, selon lui, d’un syncrétisme idéologique puisant ses sources dans les totalitarismes du XXème siècle et dans la vieille histoire de l’Empire du Milieu (voir son essai publié sur son blog « The Upheaval » ci-dessous). La Chine est-elle :
Communiste ?
Plus que jamais ! Si l’on en croit Xi Jinping lors des célébrations du 100ème anniversaire du Parti Communiste Chinois (PCC), le succès économique chinois serait uniquement dû au fait que « le marxisme fonctionne ». De l’écolier à l’étudiant, et du soldat au cadre du Parti, des heures d’endoctrinement sont consacrées au « marxisme-léninisme ». Pourtant, sur le plan économique, tout observateur peut voir que le pays a pleinement profité du libre-échange globalisé…
Capitaliste ?
Les jeunes diplômés sont pleins d’ambitions et recherchent l’enrichissement. Les chiffres donnent le vertige : la Chine a généré un nouveau milliardaire toutes les 36 heures, en moyenne, ces deux dernières années ! Presqu’un tiers des milliardaires dans le monde sont chinois… La société chinoise est aujourd’hui l’une des plus inégalitaires au monde (1% de la population détient 31% de la richesse nationale contre 35% aux Etats-Unis). L’État contrôle néanmoins 40% de la richesse nationale, et Xi-Jinping veut augmenter ce ratio. Les grandes entreprises privées sont largement subventionnées et protégées. En 2019, 4,6 millions de cellules du PCC étaient implantées dans les sociétés privées. Enfin, la loi oblige les acteurs privés à partager toutes leurs informations avec le gouvernement.
Fasciste ?
Le modèle chinois rappelle les conglomérats « zaibatsu » nippons de l’entre-deux-guerres. Par ailleurs, la mode néo-maoïste déplait à Xi Jinping. Pas question de se laisser déborder sur sa gauche ! Les médias d’État ont d’ailleurs censuré les images de deux jeunes athlètes lors des derniers J.O. qui arboraient des badges avec la figure de Mao… Le nouveau timonier a besoin d’une nouvelle légitimité populaire : il la puise dans une histoire mythique de l’Empire du Milieu renaissant de ses cendres. « Make China Great Again ! » La Chine rejette le modèle fédéral et multi-ethnique soviétique. Les Han (92% de la population) doivent dominer. D’où la féroce répression des Ouïghours envoyés dans des camps de sinisation.
Autocrate ?
Prête-t-on trop d’importance à l’idéologie ? Le philosophe officiel du PCC, Wang Huning, reprend à son compte les théories politiques d’illustres prédécesseurs. Confucius bien sûr, mais surtout une autre figure moins connue en Occident, Han Fei (-280, -230 av. J.C.). Avec ce théoricien du « légalisme », la Chine avait, dès l’Antiquité, son Machiavel. Le caractère de l’Homme ne peut pas s’améliorer, par conséquent le gouvernant doit dominer la société grâce à un Etat fort. Xi Jinping est un dictateur typique en ce sens qu’il a écarté ses rivaux avec les campagnes « anti-corruption » et a modifié la constitution pour régner à vie… Il maintient pourtant un discours idéologique.
Libérale ?
L’adhésion à l’OMC en 2001 devait libéraliser la Chine « en douceur ». Les Américains en étaient persuadés… Une génération plus tard, la Chine prend le chemin inverse si l’on regarde les critères « d’État de droit », de liberté d’expression… Mais si l’on entend par « libéralisme » la libération de l’individu de toute contrainte religieuse, traditionnelle et des limites naturelles, alors la société chinoise a beaucoup changé. La structure familiale se désagrège. La démographie chinoise est en crise. L’État a abandonné la politique de « l’enfant unique » mais les jeunes générations ne veulent plus d’enfants. Un sondage, vite censuré, montrait que seuls 5% des jeunes actifs comptaient faire des enfants. La priorité, comme à l’Ouest, est la recherche des plaisirs matériels.
Réactionnaire ?
Xi Jinping a compris la menace d’un effondrement sociétal. Il s’agit de revitaliser la nation. La censure surveille internet. Les mineurs n’ont plus que 3 heures de jeux en ligne par semaine. Haro sur les groupes LGBT car il faut « viriliser » les garçons. L’urgence économique est de réduire les inégalités : les géants privés Alibaba et Tencent ont « offert » 15 milliards de dollars au fond de « prospérité commune ».
Les Occidentaux ont raison de craindre la Chine. Mais l’Occident n’est pas si différent et c’est son état de santé sociale qui devrait nous inquiéter en premier lieu, suggère N.S. Lyons. Le « passe sanitaire » ressemble au « score de crédit social » chinois. Le rejet du sacré permet à l’État de combler le vide entre les idéologies, le « national-communisme » en Chine et le libéralisme « woke » en Occident. De chaque côté, l’État-Léviathan veut les pleins pouvoirs…
Communiste ?
Plus que jamais ! Si l’on en croit Xi Jinping lors des célébrations du 100ème anniversaire du Parti Communiste Chinois (PCC), le succès économique chinois serait uniquement dû au fait que « le marxisme fonctionne ». De l’écolier à l’étudiant, et du soldat au cadre du Parti, des heures d’endoctrinement sont consacrées au « marxisme-léninisme ». Pourtant, sur le plan économique, tout observateur peut voir que le pays a pleinement profité du libre-échange globalisé…
Capitaliste ?
Les jeunes diplômés sont pleins d’ambitions et recherchent l’enrichissement. Les chiffres donnent le vertige : la Chine a généré un nouveau milliardaire toutes les 36 heures, en moyenne, ces deux dernières années ! Presqu’un tiers des milliardaires dans le monde sont chinois… La société chinoise est aujourd’hui l’une des plus inégalitaires au monde (1% de la population détient 31% de la richesse nationale contre 35% aux Etats-Unis). L’État contrôle néanmoins 40% de la richesse nationale, et Xi-Jinping veut augmenter ce ratio. Les grandes entreprises privées sont largement subventionnées et protégées. En 2019, 4,6 millions de cellules du PCC étaient implantées dans les sociétés privées. Enfin, la loi oblige les acteurs privés à partager toutes leurs informations avec le gouvernement.
Fasciste ?
Le modèle chinois rappelle les conglomérats « zaibatsu » nippons de l’entre-deux-guerres. Par ailleurs, la mode néo-maoïste déplait à Xi Jinping. Pas question de se laisser déborder sur sa gauche ! Les médias d’État ont d’ailleurs censuré les images de deux jeunes athlètes lors des derniers J.O. qui arboraient des badges avec la figure de Mao… Le nouveau timonier a besoin d’une nouvelle légitimité populaire : il la puise dans une histoire mythique de l’Empire du Milieu renaissant de ses cendres. « Make China Great Again ! » La Chine rejette le modèle fédéral et multi-ethnique soviétique. Les Han (92% de la population) doivent dominer. D’où la féroce répression des Ouïghours envoyés dans des camps de sinisation.
Autocrate ?
Prête-t-on trop d’importance à l’idéologie ? Le philosophe officiel du PCC, Wang Huning, reprend à son compte les théories politiques d’illustres prédécesseurs. Confucius bien sûr, mais surtout une autre figure moins connue en Occident, Han Fei (-280, -230 av. J.C.). Avec ce théoricien du « légalisme », la Chine avait, dès l’Antiquité, son Machiavel. Le caractère de l’Homme ne peut pas s’améliorer, par conséquent le gouvernant doit dominer la société grâce à un Etat fort. Xi Jinping est un dictateur typique en ce sens qu’il a écarté ses rivaux avec les campagnes « anti-corruption » et a modifié la constitution pour régner à vie… Il maintient pourtant un discours idéologique.
Libérale ?
L’adhésion à l’OMC en 2001 devait libéraliser la Chine « en douceur ». Les Américains en étaient persuadés… Une génération plus tard, la Chine prend le chemin inverse si l’on regarde les critères « d’État de droit », de liberté d’expression… Mais si l’on entend par « libéralisme » la libération de l’individu de toute contrainte religieuse, traditionnelle et des limites naturelles, alors la société chinoise a beaucoup changé. La structure familiale se désagrège. La démographie chinoise est en crise. L’État a abandonné la politique de « l’enfant unique » mais les jeunes générations ne veulent plus d’enfants. Un sondage, vite censuré, montrait que seuls 5% des jeunes actifs comptaient faire des enfants. La priorité, comme à l’Ouest, est la recherche des plaisirs matériels.
Réactionnaire ?
Xi Jinping a compris la menace d’un effondrement sociétal. Il s’agit de revitaliser la nation. La censure surveille internet. Les mineurs n’ont plus que 3 heures de jeux en ligne par semaine. Haro sur les groupes LGBT car il faut « viriliser » les garçons. L’urgence économique est de réduire les inégalités : les géants privés Alibaba et Tencent ont « offert » 15 milliards de dollars au fond de « prospérité commune ».
Les Occidentaux ont raison de craindre la Chine. Mais l’Occident n’est pas si différent et c’est son état de santé sociale qui devrait nous inquiéter en premier lieu, suggère N.S. Lyons. Le « passe sanitaire » ressemble au « score de crédit social » chinois. Le rejet du sacré permet à l’État de combler le vide entre les idéologies, le « national-communisme » en Chine et le libéralisme « woke » en Occident. De chaque côté, l’État-Léviathan veut les pleins pouvoirs…