Ces chiffres de la délinquance que l’on cache aux Français
Société

Ces chiffres de la délinquance que l’on cache aux Français

Par Philippe Oswald. Synthèse n°811, Publiée le 19/11/2019
De quoi parle-t-on quand on évoque « le sentiment d’insécurité » des Français ? D’un fantasme ? Ce n’est pas du tout l’avis des maires signataires d’une tribune réclamant à Emmanuel Macron « le retour immédiat de l'action publique concrète de l'Etat » pour soulager leurs administrés confrontés à l’explosion de la délinquance.

À la veille du Congrès des maires de France (du 18 au 21 novembre), une cinquantaine de maires de villes et de villages de Métropole et d’Outre-Mer et trois présidents d'associations d’élus ont lancé ce « cri d’alarme » à Emmanuel Macron dans une tribune publiée par le JDD. « Chaque jour dans nos communes, nous constatons la dégradation rapide du "vivre ensemble" au profit d'une tension sociale qu'alimentent la recrudescence d'incivilités et d'actes délictueux » écrivent ces édiles « de toutes obédiences » dans cet appel solennel au chef de l’Etat. Ils expliquent qu’ils sont quotidiennement sollicités par des administrés « de plus en plus désemparés », et demandent « plus de moyens humains, matériels et logistiques » pour lutter contre les incivilités et la délinquance. Que recouvrent ces mots ? Dans cette tribune, les maires mettent les points sur les « i » : « La multiplication de dégradations d'une rare violence commises par une minorité agissante qui ne recule plus devant rien, la banalisation de l'économie parallèle, l'omniprésence de rodéos de motos et/ou de voitures troublant en permanence l'ordre public », le tout se soldant par « l'impunité des délinquants » à cause des dysfonctionnements de l'institution judiciaire. D’où résulte le « sentiment désespérant d'une société en échec » face au « chacun pour soi ».

Cette réalité, qui ne peut échapper aux maires, est systématiquement aseptisée par les statistiques du ministère de l’Intérieur dont trois experts universitaires dénoncent les « tricheries » dans cet entretien à Atlantico (en lien ci-dessous).

Selon eux, ces tricheries du ministère de l’Intérieur consistent principalement :

 - à qualifier de « violences physiques non-crapuleuses » ou « violences gratuites » des blessures infligées dans des guerres de gangs ;

- à diminuer drastiquement le nombre de cambriolages en ne comptabilisant que les cambriolages de résidences principales ce qui escamote ± 40% du total connu (résidences secondaires, locaux professionnels, agricoles ou officiels, etc.) ;

- à faire s’« évaporer » les vols avec armes qui en font des crimes passibles de la Cour d'assises, ce qui aggrave considérablement la peine encourue (l'article 311-8 du Code pénal dispose que « Le vol est puni de vingt ans de réclusion criminelle et de 150 000 euros d'amende lorsqu'il est commis avec usage ou menace d'une arme ou par une personne porteuse d'une arme soumise à autorisation ou dont le port est prohibé »).

Comment ces tours de passe-passe sont-ils possibles ? De mèche avec la Justice, le ministère de l’Intérieur pratique « l’entourloupe » en manipulant la statistique mensuelle des crimes et délits : l’infraction, une fois enregistrée, n’est pas transmise à la justice par l’officier de police ou le gendarme qui a recueilli la déposition, mais par la hiérarchie policière après que celle-ci a choisi la qualification des faits selon une indexation complexe (19 index thématiques) permettant une grande souplesse pour que les statistiques restent présentables… Par exemple, si un « vol avec arme » est requalifié en « vol aggravé » ou en « violences en réunion avec la menace d'une arme », il devient un délit, ce qui élimine un crime (un braquage) des statistiques…et arrange aussi les finances du très impécunieux ministère de la Justice (prix moyen d'un procès d'assises : 600 000 euros). Même le nombre d’homicides, qui auraient explosé de 79% en dix ans, varie du simple au double selon les sources, d’après Vincent Tournier, maître de conférences à l’Institut d’études politiques de Grenoble.

Non seulement les instruments de mesure sont faussés mais le vocabulaire officiel est soigneusement euphémisé pour qu’un terroriste devienne un « déséquilibré » ou un black bloc s’acharnant contre la stèle du maréchal Juin, un « jeune imbécile ». Faut-il encore s’étonner de la défiance croissante des Français envers ceux qui les gouvernent ?
La sélection
Ces chiffres de la délinquance que l’on cache aux Français
Insécurité : les tricheries statistiques du ministère de l’intérieur
Atlantico
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