Le calvaire de Gaza
La bande de Gaza est une terre de 365 km², tirant son nom de la ville de Gaza, sa « capitale ». Cette bande abrite plus de 2 millions d'habitants, ce qui en fait le territoire le plus dense au monde (quasiment 6 000 habitants au km²). En 2007, le Hamas en prend le contrôle, à la faveur d'élections organisées par l'Autorité Palestinienne. Alors que Benjamin Netanyahou et bien d'autres dirigeants israéliens semblent avoir favorisé le Hamas contre le Fatah (cf. LSDJ 2006), Israël institue, en réponse, un blocus rigoureux sur terre et sur mer et un état de guerre larvée s'installe, qui dégénère parfois en conflit ouvert (2008, 2014, 2021). Cependant, des échanges étaient maintenus, permettant à la population de survivre. En effet, en 2017, Le PIB par habitant s'élevait à 1 038 $ (pour comparaison, en Israël, il s'élève à plus de 52 000 $ par an) et le salaire moyen s'élevait à 135 € par mois en 2020. Avant le 7 octobre, le taux de chômage atteignait 47 % dans la bande de Gaza, 75 % pour les moins de 29 ans. Plus important, 80 % des habitants dépendaient de l'aide humanitaire pour les besoins de première nécessité.
Après l'attaque du 7 octobre, d'une ampleur sans précédent, Tel Aviv a décidé de renforcer son blocus sur Gaza en coupant totalement les échanges entre la bande et Israël. Par suite des pressions internationales, une partie de l'aide humanitaire entre dans Gaza, mais sans commune mesure avec ce qui existait auparavant. Ainsi, entre le 21 octobre et le 7 novembre, ce sont 570 camions chargés d'aide humanitaire qui sont entrés dans l'enclave, contre 500 par jour avant le 7 octobre.
Cette enclave, sous tension avant la guerre, entre maintenant dans une phase critique. Le vendredi 22 décembre dernier, le Conseil de Sécurité des Nations Unies (CSNU) a voté la résolution 2722, exigeant « de toutes les parties qu'elles autorisent et facilitent l'acheminement immédiat, sûr et sans entrave d'une aide humanitaire à grande échelle » à Gaza et demandant de « créer les conditions d'une cessation durable des hostilités ». En effet, aujourd'hui, 93 % des gazaouis sont « en situation d'insécurité aigüe » selon le dernier rapport du Programme Alimentaire Mondial (PAM) du 21 décembre dernier. D'ici au 7 février prochain, au moins une famille sur quatre sera confrontée à « un manque extrême de nourriture, pouvant conduire à une situation de famine ». Les témoignages se multiplient pour rappeler que Gaza manque de tout : eau potable, carburant, électricité, nourriture, soins de premiers secours, …
Au blocus s'ajoutent les bombardements d'Israël. Ainsi, 20 % seulement des infrastructures médicales sont en état de fonctionner aujourd'hui quand les besoins sont énormes. Le ministère de la santé du Hamas a déclaré que plus de 21.000 morts et 55 000 blessés étaient à déplorer. Ce chiffre ne peut en rien être confirmé par d'autres sources et doit donc être pris avec beaucoup de prudence. Il donne en revanche une idée de l'état de dépassement du système de santé de l'enclave. Par ailleurs, 85 % de la population, soit 1,7 millions de personnes, a dû se déplacer à l'intérieur de l'enclave, à la suite des injonctions de l'Etat hébreu, demandant aux habitants de se retirer du nord, et notamment de la ville de Gaza abritant avant la guerre 700 000 habitants. Les camps de l'UNRWA (office des Nations Unies pour venir en aide aux réfugiés palestiniens) sont surchargés, accueillant parfois jusqu'à quatre fois plus de personnes que les capacités prévues, quand tout leur manque. Depuis la fin de la trêve, Israël a commencé à attaquer le sud de l'enclave, notamment autour de la ville de Khan Younès, l'une des plus grande de l'enclave après Gaza, laissant de moins en moins de refuges aux gazaouis.
Tel Aviv propose cependant aux Palestiniens de Gaza de s'installer sur une bande de terre sécurisée, déclarée zone humanitaire, nommée Al Mawasi. Elle se trouve dans le sud de la bande de Gaza et mesure 14 km². Israël assure que dans cette zone de l'aide humanitaire sera distribuée. Cependant la petitesse de l'enclave rend la chose difficile à prendre au sérieux par les Palestiniens.
La population de Gaza est prise au piège entre l'offensive d'Israël et la radicalisation du Hamas, dont la priorité est la lutte contre Israël. Les Gazaouis sont à la fois instrumentalisés et acculés au fanatisme sous la pression du Hamas comme le confirment les témoignages des ex-otages détenus à Gaza. Il est aussi de notoriété publique qu'une part non négligeable (impossible à déterminer précisément) des deux milliards de dollars distribués chaque année par la communauté internationale aux Palestiniens est détournée par le Hamas qui administre le territoire de façon autoritaire, empêchant toute forme de développement paisible. 44% des Gazaouis n'avaient « pas du tout confiance » dans le Hamas, selon certains sondages réalisés sur place avant le 7 octobre.
Alors que la situation est catastrophique pour les Palestiniens, la guerre ne semble pas devoir s'arrêter. Plusieurs responsables israéliens ont déjà annoncé que la guerre pourrait encore durer plusieurs mois, posant véritablement la question de la survie des 2 millions de Gazaouis.