Culture
Ça sent le moixi
Après #BalanceTonPorc, voici #BalanceTonMoix. On pourrait confondre les deux car Yann Moix est un « drôle » d’animal médiatique. L’écrivain au physique pasolinien ou de méchant dans un western sera-t-il cramoisi par les révélations de L’Express ? La polémique n’en est qu’à ses débuts. Le Monde et Valeurs actuelles préparent aussi des papiers et le prix Renaudot 2013 sera l’invité demain de Laurent Ruquier dans On n'est pas couché sur France 2, émission dont il fut chroniqueur de 2015 à 2018.
Lundi dernier, l’hebdomadaire exhumait sur son site des dessins antisémites que l’écrivain de 51 ans publia en 1989-90 dans un fanzine étudiant baptisé « Ushoahia, le magazine de l'extrême ». Fanzine est le bon mot : c’est la contraction de « fanatic magazine ». On ne sait pas bien si ces œuvres moisies relèvent du fanatisme ou de la psychiatrie mais l’auteur le reconnaît lui-même : « Je devais être bien mal dans ma peau, alors, pour me vouer à une telle débauche de mauvais goût. » La bienséance interdisant d’en faire le verbatim, le lien ci-joint balance tout, en gros comme au détail.
Détail ? Tiens. Cela ne vous rappelle rien ? Le 13 septembre 1987, sur RTL, une phrase de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz atomise toute idée d’union des droites. Trois ans plus tard, le 9 mai 1990, quand survient la profanation du cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), une opinion chauffée à blanc atteint le pic de la mobilisation contre l’antisémitisme et le Front national. Dans la foulée, le 13 juillet, le député communiste Jean-Claude Gayssot fait passer sa loi réprimant toute contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, première des quatre lois dites « mémorielles ». La France entre alors dans une nouvelle ère juridique, celle du conflit permanent entre histoire et mémoire. C’est dans ce contexte effervescent que Yann Moix prend son crayon et sans doute aussi sa plume car, selon L'Express, plusieurs textes négationnistes sont aussi de sa main, et l’écrivain, contrairement à ce qu’il affirme, ne se contente pas de recopier des propos écrits par un autre membre du journal au prétexte que lui-même a « l'écriture la plus lisible ».
Aujourd’hui, Yann Moix met ses errements sur le compte de la jeunesse. Mais il n’est pas sûr que cet argument suffise. Étudiant à Sup de Co avant d'intégrer Sciences Po, il a déjà 21 ans. Ce n’est plus un ado. Mais surtout, comme le Petit Poucet, il va semer les cailloux de quelques amitiés compromettantes. Avec Marc-Édouard Nabe, bien qu’il soit connu pour son cynisme relationnel. Le pamphlétaire déjanté le fascine au plus haut point. Nabe est notamment l’auteur d’Une lueur d'espoir, éloge des attentats du 11 septembre 2001. Marc-Édouard fait aujourd’hui dans le porno (Pornabe). En 2004, Yann Moix écrit dans son journal (qui aura quatre numéros) sobrement intitulé La Vérité (rien à voir avec La vérité si je mens, qu’on se rassure…) et dont l’analyste politique n’est autre que Carlos (le terroriste, pas le chanteur !). Amitié aussi avec Paul-Éric Blanrue, le « disciple » de Robert Faurisson (« pape » du révisionnisme en France), dont il préface en 2007 le livre intitulé Le monde contre soi – anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme. Bien que l’ouvrage paraisse aux éditions Blanche, spécialisées dans la littérature érotique, il ne faut pas prendre contre comme synonyme de tout contre. Dès 2012, Alain Soral confirme cette collaboration (c’est le seul mot qui me vient à l’esprit) dans une vidéo disponible sur YouTube et qui ne sera pas relayée dans les media. C’est d’autant plus curieux qu’en 2010, le nom de Yann Moix figurait sur une pétition demandant l'abrogation de la loi Gayssot. Pétition plutôt sulfureuse. Sur son blog, l'écrivain assure s'être fait piéger : « J'ai été contacté (…) au sujet d'une pétition contre la loi Gayssot dont Robert Badinter devait être le signataire vedette. On m'a promis un Robert (Badinter) mais, hélas, j'ai découvert un tout autre Robert, in fine, sur la liste : Faurisson ! » Comment cette découverte peut-elle l’embarrasser, alors que Blanrue est alors son ami ? Toutes ces infos commencent à remonter à la surface, comme de la vase qu’on remue. Mais comment ce vieux dossier à charge, ces caricatures dans un canard de potaches peut-il atterrir dans les mains de L’Express ? Tous les regards se tournent vers son frère Alexandre, voire son père José Moix, tous deux esquintés dans le roman Orléans que Yann vient de publier chez Grasset. Sa famille n’apprécie pas d’être farcie, rôtie et embrochée par un fils indigne. La voilà qu’elle se venge. Quelle imprudence d’imaginer qu’il aurait pu en être autrement !
Plusieurs questions se posent, simples comme bonjour :
Moix fait penser à Édouard Louis, né Eddy Bellegueule, qui vomit publiquement sur son milieu populaire et homophobe. Lui jongle avec le dédoublement de sa personnalité. L’écrivain admet qu’il n’a aucune colonne vertébrale idéologique, et à la vérité les idées n’ont aucune importance. « Ces textes et ces dessins sont antisémites, mais je ne suis pas antisémite, précise-t-il. Aujourd'hui, l'homme que je suis en a honte », argue le romancier qui se présente comme « le meilleur défenseur du judaïsme ». Mais que signifie une telle profession de foi ? Seul l’opportunisme compte et BHL le sait. « J'ai eu la chance, confesse Moix, de rencontrer Bernard-Henri Levy qui m'a évité de devenir l'homme que j'aurais pu être, une pourriture ». Mais là encore, quel crédit cette réplique peut-elle avoir quand la parole ne vaut rien, que l’amour-propre est inexistant ? Ne subsiste que la comédie humaine où tous les coups sont permis.
Lundi dernier, l’hebdomadaire exhumait sur son site des dessins antisémites que l’écrivain de 51 ans publia en 1989-90 dans un fanzine étudiant baptisé « Ushoahia, le magazine de l'extrême ». Fanzine est le bon mot : c’est la contraction de « fanatic magazine ». On ne sait pas bien si ces œuvres moisies relèvent du fanatisme ou de la psychiatrie mais l’auteur le reconnaît lui-même : « Je devais être bien mal dans ma peau, alors, pour me vouer à une telle débauche de mauvais goût. » La bienséance interdisant d’en faire le verbatim, le lien ci-joint balance tout, en gros comme au détail.
Détail ? Tiens. Cela ne vous rappelle rien ? Le 13 septembre 1987, sur RTL, une phrase de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz atomise toute idée d’union des droites. Trois ans plus tard, le 9 mai 1990, quand survient la profanation du cimetière juif de Carpentras (Vaucluse), une opinion chauffée à blanc atteint le pic de la mobilisation contre l’antisémitisme et le Front national. Dans la foulée, le 13 juillet, le député communiste Jean-Claude Gayssot fait passer sa loi réprimant toute contestation de l'existence des crimes contre l'humanité, première des quatre lois dites « mémorielles ». La France entre alors dans une nouvelle ère juridique, celle du conflit permanent entre histoire et mémoire. C’est dans ce contexte effervescent que Yann Moix prend son crayon et sans doute aussi sa plume car, selon L'Express, plusieurs textes négationnistes sont aussi de sa main, et l’écrivain, contrairement à ce qu’il affirme, ne se contente pas de recopier des propos écrits par un autre membre du journal au prétexte que lui-même a « l'écriture la plus lisible ».
Aujourd’hui, Yann Moix met ses errements sur le compte de la jeunesse. Mais il n’est pas sûr que cet argument suffise. Étudiant à Sup de Co avant d'intégrer Sciences Po, il a déjà 21 ans. Ce n’est plus un ado. Mais surtout, comme le Petit Poucet, il va semer les cailloux de quelques amitiés compromettantes. Avec Marc-Édouard Nabe, bien qu’il soit connu pour son cynisme relationnel. Le pamphlétaire déjanté le fascine au plus haut point. Nabe est notamment l’auteur d’Une lueur d'espoir, éloge des attentats du 11 septembre 2001. Marc-Édouard fait aujourd’hui dans le porno (Pornabe). En 2004, Yann Moix écrit dans son journal (qui aura quatre numéros) sobrement intitulé La Vérité (rien à voir avec La vérité si je mens, qu’on se rassure…) et dont l’analyste politique n’est autre que Carlos (le terroriste, pas le chanteur !). Amitié aussi avec Paul-Éric Blanrue, le « disciple » de Robert Faurisson (« pape » du révisionnisme en France), dont il préface en 2007 le livre intitulé Le monde contre soi – anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme. Bien que l’ouvrage paraisse aux éditions Blanche, spécialisées dans la littérature érotique, il ne faut pas prendre contre comme synonyme de tout contre. Dès 2012, Alain Soral confirme cette collaboration (c’est le seul mot qui me vient à l’esprit) dans une vidéo disponible sur YouTube et qui ne sera pas relayée dans les media. C’est d’autant plus curieux qu’en 2010, le nom de Yann Moix figurait sur une pétition demandant l'abrogation de la loi Gayssot. Pétition plutôt sulfureuse. Sur son blog, l'écrivain assure s'être fait piéger : « J'ai été contacté (…) au sujet d'une pétition contre la loi Gayssot dont Robert Badinter devait être le signataire vedette. On m'a promis un Robert (Badinter) mais, hélas, j'ai découvert un tout autre Robert, in fine, sur la liste : Faurisson ! » Comment cette découverte peut-elle l’embarrasser, alors que Blanrue est alors son ami ? Toutes ces infos commencent à remonter à la surface, comme de la vase qu’on remue. Mais comment ce vieux dossier à charge, ces caricatures dans un canard de potaches peut-il atterrir dans les mains de L’Express ? Tous les regards se tournent vers son frère Alexandre, voire son père José Moix, tous deux esquintés dans le roman Orléans que Yann vient de publier chez Grasset. Sa famille n’apprécie pas d’être farcie, rôtie et embrochée par un fils indigne. La voilà qu’elle se venge. Quelle imprudence d’imaginer qu’il aurait pu en être autrement !
Plusieurs questions se posent, simples comme bonjour :
- Bernard-Henri Lévy – à qui Yann Moix doit tout depuis les années 90 – savait-il qu’il propulsait un tel personnage ?
- Comment Yann Moix – dont les propos sur BHL dépassent l’abjection – pouvait-il seulement le fréquenter et accepter son soutien sans ciller ?
Moix fait penser à Édouard Louis, né Eddy Bellegueule, qui vomit publiquement sur son milieu populaire et homophobe. Lui jongle avec le dédoublement de sa personnalité. L’écrivain admet qu’il n’a aucune colonne vertébrale idéologique, et à la vérité les idées n’ont aucune importance. « Ces textes et ces dessins sont antisémites, mais je ne suis pas antisémite, précise-t-il. Aujourd'hui, l'homme que je suis en a honte », argue le romancier qui se présente comme « le meilleur défenseur du judaïsme ». Mais que signifie une telle profession de foi ? Seul l’opportunisme compte et BHL le sait. « J'ai eu la chance, confesse Moix, de rencontrer Bernard-Henri Levy qui m'a évité de devenir l'homme que j'aurais pu être, une pourriture ». Mais là encore, quel crédit cette réplique peut-elle avoir quand la parole ne vaut rien, que l’amour-propre est inexistant ? Ne subsiste que la comédie humaine où tous les coups sont permis.
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