
Brexit : le coup d’audace de Boris Johnson
C’est pour sortir de ce marasme que Boris Johnson a fait son coup. Il a de bonnes chances d’être gagnant : on ne voit pas comment les parlementaires hostiles au Brexit deviendraient capables de mettre à profit les étroites fenêtres de tir qui leur restent, pour s’opposer au Brexit sans accord. On ne voit pas davantage comment ils pourraient contraindre le gouvernement à demander à l’Union européenne un nouveau report de la sortie, alors que l’UE ne veut pas en entendre parler ! Johnson, quant à lui, espère s’être donné les mains libres pour tenter de renégocier avec Bruxelles, non la date butoir du Brexit (31 octobre), mais les conditions du fameux « backstop », c’est-à-dire du non-retour à une frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord dont ni les Vingt-Sept, ni le Royaume-Uni ne souhaitent le rétablissement.
Incontestablement, Boris Johnson a marqué un point avec la suspension surprise du Parlement. Il faut certes attendre l’issue des recours juridictionnels pour désigner le vainqueur du bras de fer. Mais déjà, vendredi 30 août, une Cour écossaise a rejeté une demande de contrer la suspension du Parlement britannique, première victoire judiciaire pour le gouvernement. En outre, Johnson a l’opinion pour lui. Selon le Daily Mail (30 août), les conservateurs doublent leur avance sur les travaillistes dans les sondages, et 52% des Britanniques considèrent que la Reine a eu raison d’accepter la demande du Premier ministre. Les commentateurs prompts à présenter Boris Johnson comme un échevelé à l’instar de Donald Trump, dont il partage la coiffure en bataille et le caractère « rentre dedans », ne pourront plus se contenter de cette « coupe au bol » en guise de jugement. Quant au procès qu’on lui fait d’agir contre la démocratie, il présuppose que le Parlement soit toujours le garant de celle-ci, alors que les exemples ne manquent pas de dissonances entre « le pays légal et le pays réel » au Royaume-Uni comme en France. Le référendum en faveur du Brexit par 51,89% des votants, le 23 juin 2016, en est un bon exemple (l’autre exemple, de l’autre côté de la Manche, et en sens inverse, étant l’adoption du Traité de Lisbonne par un vote du Congrès au mépris du « non » exprimé par 54,68% des Français sur le traité établissant une constitution pour l'Europe, en mai 2005).
En prorogeant le Parlement, le Premier ministre britannique est bien « dans les clous » de la loi, estime Aurélien Antoine, Professeur de droit à l’université Jean-Monnet (Saint-Etienne) et directeur de l’Observatoire du Brexit, dans un entretien à Libération (en lien ci-dessous).