Santé
Bougez-vous, c'est Hold-up !
Aussi viral que le Covid. Si ce n’est plus. Le 11 novembre ne met pas fin à la Grande Guerre. Mercredi dernier sortait officiellement sur la toile le film Hold-up, histoire d’un complot, réalisé par Pierre Barnérias. Depuis lors, c’est comme si une bombe atomique avait soufflé les réseaux sociaux et crevé la bulle des grands media.
Le journaliste sait flairer les bons sujets. M et le 3e secret assénait que le Vatican n’avait pas tout dit sur les apparitions de Fatima. Thanatos s’attaquait aux expériences de mort imminente (EMI) pour nous persuader que l’Amour habite l’au-delà. Chez Barnérias, il y a toujours quelque chose à gratter derrière. Réflexe de journaliste. Ses documentaires, quoique soignés, n’atteignaient pas le grand public. Ici, Hold-up fait paniquer jusqu’à l’Élysée. Et comme Rambo, Barnérias n’est pas content. « Depuis neuf mois, clame-t-il, la crise du Covid exclut toute contradiction. » Qu’à cela tienne, il montera en première ligne. Son champ d’honneur est celui de la liberté d’expression. Sur ce terrain de plus en plus miné, il n’avait pas prévu qu’il se ferait tirer dans le dos par « les petits soldats du journalisme ».
L’expression est de François Ruffin, l’auteur du film Merci Patron ! – à l’origine du mouvement Nuit debout. Il y a quatre ans, Frédéric Lordon y avait vu « un film d’action directe » ! Dans Le Monde diplomatique, l’économiste écrivait que « l’époque néolibérale enseigne que si l’on ne demande pas avec ce qu’il faut de force, on n’obtient rien. (…) C’est l’opprimé qui fait mordre la poussière à l’homme aux écus », en l’espèce Bernard Arnault. Hold-up tient aussi de l’action directe, dans un rapport obsédant à l’ordre établi.
Barnérias agit comme un justicier de l’info. Il dira qu’il fait juste son travail mais sa thèse va beaucoup plus loin que le journalisme. Comme Merci patron ! Hold-up croit à une guerre de classe. La sociologue proche du PCF Monique Pinçon-Charlot y apporte une touche décisive. Le film véhicule l'idée que les riches luttent pour garder leurs privilèges et qu'ils veulent étendre leur capacité de contrôle total en cherchant à éliminer les pauvres, masse inutile, à la fois parasitaire et pollueuse. La pandémie y pourvoira.
Bienvenue au XIXe siècle 2.0.
Cette thèse est-elle complotiste ? Oui, bien sûr, c'est dans le titre ! Le complotisme devient une marque de reconnaissance, un label abritant les vérités interdites. Plus le pouvoir et ses relais assassinent le film, plus ils favorisent son succès. Naguère, les media l’auraient passé sous silence. Aujourd’hui, ils sont obligés d’en parler et ne savent pas comment. Promu sur les réseaux par des célébrités, Hold-up est vu par des millions de gens. Que la plateforme Vimeo l’ait censuré (ce qui est scandaleux) va accroître sa diffusion. Comme dans la série X-Files, « la vérité est ailleurs » ; elle a déserté les institutions et la confiance n’existe plus. Le complotisme répond à un besoin de certitude à une époque qui se glorifie de ne plus en avoir.
Si le film est efficace, la méthode le rend-il convaincant ? Sur LCI, le journaliste Christophe Bourseiller (auteur notamment de C’est un complot ! et d’Un maçon franc) analyse : « Hold-up (…) amoncelle les idées complexes sans lien, allant de la dénonciation du port du masque à la question de l'origine du coronavirus. Avant d'embrayer sur l'inutilité du confinement et de terminer sur l'idée qu'il y aurait une sorte d'oligarchie mondiale qui prépare une grande réinitialisation, un "Great reset". (…) Il n'y pas de fil puisque le film se contredit. En début du documentaire, on relativise la mortalité du Covid-19, on nous dit que c'est une grippette. Et à la fin on assure qu'il a été créé par l'humain pour nous détruire. C'est pareil sur les masques. On critique l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, en disant qu'elle a voulu mettre des masques à tout le monde et en même temps on dit que c'est scandaleux qu'il y ait eu une pénurie. Avant de finir par dire qu'ils sont inutiles. »
Pierre Barnérias n’est ni un fada, ni un idéologue. Ses intuitions l’amènent à traiter de super sujets. Mais il se laisse aveugler par celles-ci. L’absence de contradicteurs est une lacune. Par exemple, sur la chloroquine, il la suppose efficace, sans rien vérifier. Ce côté univoque dessert son œuvre – qui est une prouesse : en 4 mois (!) et avec seulement 140000 €, Hold-up aligne une trentaine d’interviews. Mais le film agrège des contenus plus qu’il ne les comprend. Son mérite est de rendre palpable la nouvelle ère dans laquelle le Covid nous fait entrer, de gré et surtout de force : la biopolitique chère à Michel Foucault. Sous cet angle, Pierre Barnérias est moins un lanceur de bombe qu’un lanceur d’alerte.
Le journaliste sait flairer les bons sujets. M et le 3e secret assénait que le Vatican n’avait pas tout dit sur les apparitions de Fatima. Thanatos s’attaquait aux expériences de mort imminente (EMI) pour nous persuader que l’Amour habite l’au-delà. Chez Barnérias, il y a toujours quelque chose à gratter derrière. Réflexe de journaliste. Ses documentaires, quoique soignés, n’atteignaient pas le grand public. Ici, Hold-up fait paniquer jusqu’à l’Élysée. Et comme Rambo, Barnérias n’est pas content. « Depuis neuf mois, clame-t-il, la crise du Covid exclut toute contradiction. » Qu’à cela tienne, il montera en première ligne. Son champ d’honneur est celui de la liberté d’expression. Sur ce terrain de plus en plus miné, il n’avait pas prévu qu’il se ferait tirer dans le dos par « les petits soldats du journalisme ».
L’expression est de François Ruffin, l’auteur du film Merci Patron ! – à l’origine du mouvement Nuit debout. Il y a quatre ans, Frédéric Lordon y avait vu « un film d’action directe » ! Dans Le Monde diplomatique, l’économiste écrivait que « l’époque néolibérale enseigne que si l’on ne demande pas avec ce qu’il faut de force, on n’obtient rien. (…) C’est l’opprimé qui fait mordre la poussière à l’homme aux écus », en l’espèce Bernard Arnault. Hold-up tient aussi de l’action directe, dans un rapport obsédant à l’ordre établi.
Barnérias agit comme un justicier de l’info. Il dira qu’il fait juste son travail mais sa thèse va beaucoup plus loin que le journalisme. Comme Merci patron ! Hold-up croit à une guerre de classe. La sociologue proche du PCF Monique Pinçon-Charlot y apporte une touche décisive. Le film véhicule l'idée que les riches luttent pour garder leurs privilèges et qu'ils veulent étendre leur capacité de contrôle total en cherchant à éliminer les pauvres, masse inutile, à la fois parasitaire et pollueuse. La pandémie y pourvoira.
Bienvenue au XIXe siècle 2.0.
Cette thèse est-elle complotiste ? Oui, bien sûr, c'est dans le titre ! Le complotisme devient une marque de reconnaissance, un label abritant les vérités interdites. Plus le pouvoir et ses relais assassinent le film, plus ils favorisent son succès. Naguère, les media l’auraient passé sous silence. Aujourd’hui, ils sont obligés d’en parler et ne savent pas comment. Promu sur les réseaux par des célébrités, Hold-up est vu par des millions de gens. Que la plateforme Vimeo l’ait censuré (ce qui est scandaleux) va accroître sa diffusion. Comme dans la série X-Files, « la vérité est ailleurs » ; elle a déserté les institutions et la confiance n’existe plus. Le complotisme répond à un besoin de certitude à une époque qui se glorifie de ne plus en avoir.
Si le film est efficace, la méthode le rend-il convaincant ? Sur LCI, le journaliste Christophe Bourseiller (auteur notamment de C’est un complot ! et d’Un maçon franc) analyse : « Hold-up (…) amoncelle les idées complexes sans lien, allant de la dénonciation du port du masque à la question de l'origine du coronavirus. Avant d'embrayer sur l'inutilité du confinement et de terminer sur l'idée qu'il y aurait une sorte d'oligarchie mondiale qui prépare une grande réinitialisation, un "Great reset". (…) Il n'y pas de fil puisque le film se contredit. En début du documentaire, on relativise la mortalité du Covid-19, on nous dit que c'est une grippette. Et à la fin on assure qu'il a été créé par l'humain pour nous détruire. C'est pareil sur les masques. On critique l'ancienne ministre de la Santé, Roselyne Bachelot, en disant qu'elle a voulu mettre des masques à tout le monde et en même temps on dit que c'est scandaleux qu'il y ait eu une pénurie. Avant de finir par dire qu'ils sont inutiles. »
Pierre Barnérias n’est ni un fada, ni un idéologue. Ses intuitions l’amènent à traiter de super sujets. Mais il se laisse aveugler par celles-ci. L’absence de contradicteurs est une lacune. Par exemple, sur la chloroquine, il la suppose efficace, sans rien vérifier. Ce côté univoque dessert son œuvre – qui est une prouesse : en 4 mois (!) et avec seulement 140000 €, Hold-up aligne une trentaine d’interviews. Mais le film agrège des contenus plus qu’il ne les comprend. Son mérite est de rendre palpable la nouvelle ère dans laquelle le Covid nous fait entrer, de gré et surtout de force : la biopolitique chère à Michel Foucault. Sous cet angle, Pierre Barnérias est moins un lanceur de bombe qu’un lanceur d’alerte.