Économie
BlackRock : le commissaire politique du "grand capital"
La parole quasi-divine de Larry Fink, PdG de BlackRock, se fait entendre chaque année au mois de mars depuis 2012. Cette lettre est devenue une véritable « table des commandements » qui a imposé les critères « environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance » (ESG) au monde des affaires. Les critères ESG permettent une analyse extra-financière des entreprises, introduisant des dogmes idéologiques qui ont supplanté les principes objectifs de la bonne gestion économique. BlackRock est le symbole de la puissance acquise par les fonds d’investissement qui, sous couvert d’intentions généreuses, cherchent à influencer la politique des États par le biais des entreprises qu’ils financent. Cette conduite remet en question les règles éprouvées d’une économie libérale fondée sur la liberté d’entreprendre et l’actionnariat privé. John Masko, pour UnHerd (voir l’article en lien) y voit aussi un danger grandissant pour les principes démocratiques.
C’est sur les ruines laissées par la crise financière de 2008 que BlackRock a conquis sa puissance. L’acquisition de Barclays Global Investors en 2009 et un portefeuille proche de 3000 milliards de dollars d’actifs à gérer (plus que le trésor américain !) en ont fait le premier investisseur financier au monde. A priori, pas de pire moment pour escalader les sommets de l’économie globale : les grands banquiers étaient pointés du doigt comme les responsables de la crise. L’œil du régulateur les scrutait… Comment croître dans cet environnement hostile ? Les dirigeants de BlackRock, comme nombre de leurs concurrents, ont eu une révélation : les fonds d’investissement devaient devenir plus vertueux que les régulateurs eux-mêmes – jusqu’à les supplanter.
Le terrain avait été préparé par l’ONU. Un rapport de 2004 ("Who cares wins") a introduit les principes de l’ESG : de meilleurs profits étaient promis aux investisseurs soucieux du « progrès social » et de la protection de l’environnement. En d’autres termes, l’objectif était d’aligner les missions des grandes entreprises avec l’idéologie de l’élite politique. Si le Forum économique mondial de Klaus Schwab, avec l’appui des instances de l’U.E., avait permis à l’ESG de pénétrer l’Europe, c’était une petite révolution aux États-Unis. En 2020, les institutions financières inscrivant les principes ESG au cœur de leurs activités géraient 30 mille milliards de dollars d’actifs (3 fois plus qu’en 2007). Bloomberg évaluait en 2021 le montant des investissements sur des projets prônant « l’égalité raciale, de genre et la protection de l’environnement » à 53 mille milliards de dollars en 2025…
Cette évolution a fait une victime : l’actionnaire individuel dont la voix compte de moins en moins. C’est l’Amérique ultra-libérale des années 80 qui a porté le premier coup en permettant à des gestionnaires de fonds de voter à la place de leurs clients. L’idée avait du sens tant que l’objectif restait de défendre l’intérêt des actionnaires. Mais c’était la porte ouverte aux rapaces pour acquérir un plus grand pouvoir. Dès le début des années 2010, BlackRock et consort ont commencé à voter en fonction de l’agenda idéologique ESG. Les dirigeants d’entreprise qui s’y opposaient devaient, soit se convertir, soit laisser leur place. BlackRock porte l’habit d’un Torquemada de l’ESG : en 2020, son rapport annuel indiquait 1500 votes contre les directions d’entreprises accusées de ne pas favoriser la « diversité » avec assez de zèle. 191 sociétés étaient sous « surveillance », leur adhésion à l’ESG manquant d’enthousiasme.
L’activisme pendant les assemblées d’actionnaires ne suffisait pas. Eurêka ! s’écria Larry Fink en 2012 : une proclamation urbi et orbi au nom de BlackRock devait accélérer le processus. La lettre de 2015 reprochait aux dirigeants de payer trop de dividendes à leurs actionnaires. Celle de 2018 allait plus loin : l’objectif premier n’était pas la performance financière mais la « contribution à la société ». En 2020, sous un titre modeste (« Pour une transformation fondamentale de la finance »), Larry Fink décrétait que toutes les sociétés de son portefeuille devaient définir leur impact climatique – mesuré selon les critères d’organismes où siègent des représentants de BlackRock.
Réclamer une conscience citoyenne à des entreprises privées, pourquoi pas ? Mais BlackRock s’arroge une autorité élective qu’elle n’a pas. La tyrannie de Larry Fink a entraîné une déconnexion entre une stratégie fondée sur une idéologie et l’économie réelle. Les conséquences sont visibles : l’ESG n’est pas une médaille miraculeuse assurant de bons résultats. Les GAFAM pèsent lourd dans les fonds gérés par BlackRock et 2022 a été une année catastrophique. Le vent tourne : des concurrents comme Vanguard (voir l'interview du PdG au Financial Times le 21 février) clament n’avoir aucune velléité à dicter la stratégie de leurs clients. Et Larry Fink n’a toujours pas publié sa proclamation pour 2023. L’angoisse de la feuille blanche sans doute…
C’est sur les ruines laissées par la crise financière de 2008 que BlackRock a conquis sa puissance. L’acquisition de Barclays Global Investors en 2009 et un portefeuille proche de 3000 milliards de dollars d’actifs à gérer (plus que le trésor américain !) en ont fait le premier investisseur financier au monde. A priori, pas de pire moment pour escalader les sommets de l’économie globale : les grands banquiers étaient pointés du doigt comme les responsables de la crise. L’œil du régulateur les scrutait… Comment croître dans cet environnement hostile ? Les dirigeants de BlackRock, comme nombre de leurs concurrents, ont eu une révélation : les fonds d’investissement devaient devenir plus vertueux que les régulateurs eux-mêmes – jusqu’à les supplanter.
Le terrain avait été préparé par l’ONU. Un rapport de 2004 ("Who cares wins") a introduit les principes de l’ESG : de meilleurs profits étaient promis aux investisseurs soucieux du « progrès social » et de la protection de l’environnement. En d’autres termes, l’objectif était d’aligner les missions des grandes entreprises avec l’idéologie de l’élite politique. Si le Forum économique mondial de Klaus Schwab, avec l’appui des instances de l’U.E., avait permis à l’ESG de pénétrer l’Europe, c’était une petite révolution aux États-Unis. En 2020, les institutions financières inscrivant les principes ESG au cœur de leurs activités géraient 30 mille milliards de dollars d’actifs (3 fois plus qu’en 2007). Bloomberg évaluait en 2021 le montant des investissements sur des projets prônant « l’égalité raciale, de genre et la protection de l’environnement » à 53 mille milliards de dollars en 2025…
Cette évolution a fait une victime : l’actionnaire individuel dont la voix compte de moins en moins. C’est l’Amérique ultra-libérale des années 80 qui a porté le premier coup en permettant à des gestionnaires de fonds de voter à la place de leurs clients. L’idée avait du sens tant que l’objectif restait de défendre l’intérêt des actionnaires. Mais c’était la porte ouverte aux rapaces pour acquérir un plus grand pouvoir. Dès le début des années 2010, BlackRock et consort ont commencé à voter en fonction de l’agenda idéologique ESG. Les dirigeants d’entreprise qui s’y opposaient devaient, soit se convertir, soit laisser leur place. BlackRock porte l’habit d’un Torquemada de l’ESG : en 2020, son rapport annuel indiquait 1500 votes contre les directions d’entreprises accusées de ne pas favoriser la « diversité » avec assez de zèle. 191 sociétés étaient sous « surveillance », leur adhésion à l’ESG manquant d’enthousiasme.
L’activisme pendant les assemblées d’actionnaires ne suffisait pas. Eurêka ! s’écria Larry Fink en 2012 : une proclamation urbi et orbi au nom de BlackRock devait accélérer le processus. La lettre de 2015 reprochait aux dirigeants de payer trop de dividendes à leurs actionnaires. Celle de 2018 allait plus loin : l’objectif premier n’était pas la performance financière mais la « contribution à la société ». En 2020, sous un titre modeste (« Pour une transformation fondamentale de la finance »), Larry Fink décrétait que toutes les sociétés de son portefeuille devaient définir leur impact climatique – mesuré selon les critères d’organismes où siègent des représentants de BlackRock.
Réclamer une conscience citoyenne à des entreprises privées, pourquoi pas ? Mais BlackRock s’arroge une autorité élective qu’elle n’a pas. La tyrannie de Larry Fink a entraîné une déconnexion entre une stratégie fondée sur une idéologie et l’économie réelle. Les conséquences sont visibles : l’ESG n’est pas une médaille miraculeuse assurant de bons résultats. Les GAFAM pèsent lourd dans les fonds gérés par BlackRock et 2022 a été une année catastrophique. Le vent tourne : des concurrents comme Vanguard (voir l'interview du PdG au Financial Times le 21 février) clament n’avoir aucune velléité à dicter la stratégie de leurs clients. Et Larry Fink n’a toujours pas publié sa proclamation pour 2023. L’angoisse de la feuille blanche sans doute…
La sélection
BlackRock's tyrannical ESG agenda
UnHerd